Octobre…

… où le vent fera craquer les branches / La brume viendra dans sa robe blanche / Y’aura des feuilles partout / Couchées sur les cailloux / Octobre tiendra sa revanche… comme chaque automne, on sort de la saison précédente à la fois plein d’expectatives et un brin d’appréhension. On navigue entre les projets (toujours excitants) et les échéances qui prennent un malin plaisir à retarder leur mise en œuvre . Pourquoi, presque chaque année, Cabrel revient‑il sur cette page ? Une part de mysticisme latent ? Ou un syndrome récurrent de zen attitude à trouver où nous pourrions apprivoiser la marche des dossiers avec un recul contemplatif, qui nous permettrait d’extraire de chaque sujet non seulement sa quintessence esthétique, mais aussi sa pertinence absolue. Vaste programme…

Le 1er…

… où le pénaliste ne peut être que fasciné par le déroulement du procès de Cédric Jubillar en France.

Non pas parce qu’il s’agit de ce que les médias individualisent désormais sous la pression comme étant un « féminicide », mais pour d’autres raisons qui tiennent à l’indicible fascination qu’exerce le fait divers sur le public.

Cédric est accusé du meurtre de sa femme, Delphine. La particularité de cette accusation est qu’il n’y a pas de cadavre. Une disparition, c’est tout. Et pourtant, il y a procès. D’un côté, celui qui clame son innocence, de l’autre, la famille, les amis de la disparue.

Ce qui suffit d’habitude à faire un excellent thriller est devenu le procès le plus médiatisé du moment chez nos voisins de l’Hexagone. TF1, France 2, M6 se disputent la Une pratiquement chaque soir dans leurs journaux télévisés. Tout est passé au crible, chaque mot, chaque attitude, est analysé.

On retrouve bien sûr les ténors de la chronique judiciaire française dans la presse écrite. Même Sarkozy ne suscite pas autant d’intérêt.

Aujourd’hui, dans la salle d’audience, c’est une nouvelle étape qui s’est installée, puisque l’on a entendu l’ami de la disparue. L’élément est intéressant, car, dans notre procédure pénale, seuls sont entendus en principe les personnes qui ont assisté à un élément constitutif de l’infraction, à sa préparation, ou tout autre élément pouvant orienter sur la culpabilité de l’accusé. La meilleure amie ne parle ici que de sujets périphériques, sans pouvoir fournir d’éléments utiles aux réponses des 3 questions centrales du procès : Cédric a-t-il tué ? Où est le corps ? Si ce n’est pas lui, qui d’autre pourrait être responsable ?

Pourtant, la presse décrit son reportage comme accablant, car il a pu constater quelques éléments qui, interprétés à charge, constitueraient des éléments incriminants directement l’accusé. Deux points : il a crié sur sa femme, il y a eu des disputes et des phrases entendues par les voisins.

Votre serviteur ne prend bien évidemment pas partie dans cette affaire, dont il ne connaît que les soubresauts médiatiques, qui sont souvent bien lointains de la réalité terre à terre d’un dossier d’instruction. À lire les comptes rendus, à écouter les chroniqueurs audio, comme celui des apostrophes majuscules d’Europe 1 dans le reportage évoqué juste avant, on sent que la presse ne se pose plus qu’une question : l’accusé va‑t‑il craquer avant la fin du procès ? Pour le reste, la messe est dite.

L’avocat de la défense, lui, doit donc se battre non seulement contre le dossier d’instruction, l’acte d’accusation, mais aussi contre le tribunal (jusque là, tout est normal).

Mais, là, il y a un autre adversaire. Un procureur beaucoup plus féroce et influent est entré dans le prétoire d’Albi : le tribunal médiatique qui appelle à la sanction.

Voilà ce que sont devenus les procès modernes, qui, pour certaines raisons parfois obscures, retiennent l’attention. Ici, cette attention est justifiée par les caractéristiques assez spectaculaires de cette affaire où il n’y a pas de corps.

Une ancienne théorie disait que, pas de corps, pas de preuve du crime. Les réseaux sociaux ont fait voler en éclats, ce principe qui, intrinsèquement, permettait à la justice de fonctionner de manière plus ou moins sereine.  Sereine, mais pas toujours  exacte.

L’erreur judiciaire existe depuis la nuit des temps et ce n’est pas aujourd’hui que cela va changer.

Donc, on attend la suite du procès sans se faire trop d’illusions sur le verdict.

L’avocat de la défense se couche donc tous les soirs la boule au ventre et se réveille le matin, après une nuit agitée, en se demandant ce qu’il peut faire pour ramener la Justice dans la salle d’audience et garantir à son client un procès équitable.

Le 17…

… où le verdict tombe dans cette affaire Jubillar : coupables !

Quatre semaines de médias, journaux télévisés en tête, de commentaires à géométrie variable, pour en arriver à la condamnation de Cédric Jubillard à 30 ans de prison. Épilogue de cette affaire étonnante ? Non, pour faire Netflix : fin de la saison 1. Saison 2 à venir : le procès en appel, déjà annoncé par la défense.

Les chroniqueurs diront : Forcément ! Puisque l’accusé est condamné pratiquement au maximum, autant faire appel, ça ne pourra pas être pire comme résultat.

Les pénalistes-spectateurs auront une vision plus nuancée.

Pas de corps ni d’aveu. Une condamnation pour un crime, sans preuve directe et scientifique (au sens juridique) de l’acte, représente quelque chose de discutable.

On connaît notre histoire des erreurs judiciaires, dont certains chapitres spectaculaires ont été écrits au siècle dernier par nos illustres prédécesseurs (Floriot, Vergès, etc.). On le sait, en pénal, le retournement de situation peut intervenir à tout moment. Dans la Saison 2 ?