Juillet…
… où le lancement de la page de Juillet du Journal est toujours un choc, car cela sous-entend que la moitié de l’année est déjà dans le rétroviseur. Et cette moitié, on n’est pas prêt de l’oublier. Alors que les ombres finissent de s’allonger et commencent à s’estomper, on mesure la distance qui nous sépare du 15, date butoir, où COVID, ou pas, le monde judiciaire se mettra les doigts de pieds en éventail. En musique de fond, la guitare de Stevie Ray Vaughan annonce Tin Pan Alley… Prémonitoire ?
Le 1er…
… où, selon la tradition, les prud’hommes siègent en fin d’après-midi, pour ne pas gêner les comparants dans leur journée de dur labeur.
La tradition évolue cependant, en tous cas chez les Juges, de moins en moins enclins à œuvrer après le soleil couchant. Quand votre serviteur a commencé à user sa robe sur les bancs de Justice, la première audience se tenait à 17h30, pas avant, une fois par semaine les mercredis, sauf erreur. Et elle était suivie, par d’autres. Ce qui est rare aujourd’hui. Non pas qu’il y ait moins de conflits du travail. Mais il y a plus de salles et de Juges ;). Bref, il n’était donc pas rare d’entrer dans la salle d’audience vers 19h00. En face, un Président fatigué, mais souriant. Vu l’heure, nul doute que les parties allaient trouver un compromis pour pouvoir regagner leurs pénates et souper…
Maintenant, une seule audience par soir et on commence à 17h00, si pas avant.
Dehors, le soleil donne. 30° au bas mot. Mais le client est au taquet : Ce n’est pas une question d’argent, Monsieur le Président [Note : 100’000.- sesterces quand même]. C’est une question de principe et de respect !
Alley’s the roughest place I’ve ever been…
Le 2…
… où, en audience, il faut savoir interpréter certains signes, qualité dont la partie adverse ne dispose manifestement pas. Et ce n’est pas la seule.
Par exemple, il est inutile de harceler un Présidente enceinte jusqu’aux yeux, pour qu’elle statue au plus vite après l’avoir au préalable bombardée d’écritures (largement irrecevables à ce stade de la procédure, au demeurant).
– Me, au cas où vous ne l’auriez pas remarqué, je suis aux portes du congé maternité…
Le 3…
… où l’on continue d’enchaîner les audiences, pénale cette fois, pour un accident de chantier avec un blessé grave. J’y représente un planificateur de travaux œuvrant au sein d’un grand consortium.
Beaucoup d’émotion chez ce responsable et pourtant, au travers des questions qui lui sont posées, les causes de l’accident se dessinent, au grand dam du plaignant, soit la victime, présente, que mon client ne veut surtout pas accabler, mais, bon, ses réponses sont pour le moins sans appel.
L’avocat estime que son client a répondu de manière claire et précise. Mais, le client est totalement chamboulé. Il est formé pour planifier des travaux, organiser des équipes, donner des instructions. Un accident, une enquête, un procureur, ça, il n’est pas prêt.
– J’ai bien répondu ? … les yeux perdus.
– Une chose est sûre. Quelle que soit le résultat de cette histoire, une chose est sûre. Vous êtes un chic type…
Le 6…
… où, c’est peut-être la chaleur, mais je trouve lamentable que des juges n’assument pas leur verdict.
Prononcé du jugement contre un dealer dont on a parlé le mois précédent. Ok, on a livré notre pensée sur ce que nous pensions de l’enquête.
Là n’est pas (ou plus) le problème aujourd’hui. Pendant que le Président, très professionnel, livre son verdict, 18 mois de prison ferme, sur 4 juges, un seul ose regarder mon client pendant la lecture du verdict. Les trois autres regardent leurs mains, leur pupitre, le plafond, le lino de la salle d’audience, d’un air embarrassé ou béatement satisfait.
L’acte de juger et de condamner est nécessaire dans un état de droit. Mais, si les juges n’assument pas leur décision, cela ne veut rien dire. Envoyer un être humain derrière les barreaux, que ce soit pour quelques mois ou une vie est une responsabilité. Et on ne peut pas la confier à n’importe qui. Aujourd’hui, dans notre Comté, désigner des juges est un simple acte politique. Eh bien c’est une grave erreur (ou une belle connerie, désolé, Audiard reprend parfois le dessus!).
Le 7…
… où cela reste toujours pour moi une source d’émerveillement de constater que lorsqu’une cause paraît simple, à quel point ce peut être un leurre.
Aujourd’hui, une simple discussion avec un expert en matière d’incendie change complètement la perspective d’un dossier.
Il faut maintenant trouver la manière de convaincre le Juge que son a priori n’est peut-être pas aussi solide qu’il ne le croit.
Le 8…
… où si vous voulez savoir combien de tracteurs on peut trouver dans la Comté, vous pouvez demander à Bibi.
Aller-retour à notre Sing-Sing local, 4 h30… je pense qu’il y avait une sortie tracteurs ce 8 juillet, je les ai tous eu je pense.
PS : merci à mon excellent Confrère avec qui j’avais eu la témérité folle de planifier un rdv en fin de journée pour parler d’un autre dossier et qui a choisi de m’attendre pendant une heure et demie. La bière offerte de bon cœur (même avec la clim, 2 heures de route en plein soleil déshydrate l’avocat le plus endurant) était une maigre récompense.
Le 9…
… où l’on ne dira rien du Confrère qui envoie son padawan justifier l’injustifiable au lieu d’assumer des calculs du dommage dignes de Las Vegas, sauf que l’on ne joue pas à la roulette… (Zut, euh j’l’ai dit)
Concentrons-nous sur cette découverte qui va accompagner notre été : Negroni. 3cl de Vermouth rosso, 3 cl de gin, 3 cl de Campari (ma drogue estivale) et un max de glace avec une rondelle d’orange. Avec Snowy White en prime…
… mais que demander de plus ????
Le 10…
… où, quand on fait recours contre le placement en détention d’un homme qui a certes fauté, mais dont le maintien derrière les barreaux est juste une mesure pour le briser encore d’avantage, et que la Chambre pénale considère que nos arguments sont convaincants, que ceux du Juge de la détention sont incompréhensibles et ceux du Procureur en cote plus inexistants, on se dit que cela vaut la peine de se battre et que c’est pour ça qu’on est là…
Le 13…
… où on peine à comprendre cette envie folle du greffe de nous proposer des dates pour une audience juste après les féries quand le délai que nous avons demandé pour se prononcer sur un rapport d’expertise abscons court justement pile après les féries, quelques jours avant les premières dates proposées. La moindre question complémentaire ou demande de précisions à l’expert nous renverra aux calendes grecques.
On se calme et on respire…
Cela dit, plus sérieusement,nous sommes encore une fois confrontés à la difficulté de trouver un expert qui soit non seulement une autorité en la matière, mais qui sache aussi (et surtout) se cantonner à son domaine de compétence et s’abstienne donc de qualifier juridiquement les faits qu’on lui demande d’établir. La tentation est en effet grande pour le Juge de se réfugier derrière ce deus ex machina pour trancher la question qu’il doit résoudre.
– Vous voyez Me, c’est l’expert qui le dit !
– Certes, Monsieur le Président, mais le juriste, c’est vous, pas lui… [aparté : Volfoni, amène la sulfateuse.]
Le 14…
… où, le soir venu, une rondelle d’orange, 3 cl de Campari, 3 cl de Vermouth Rosso, 3cl de Botanic Gin d’Islay sur un lit de glace et nous voilà aux portes des féries, comme à Florence.
On ne tiendra pas avec un seul Americano con Gin jusqu’à notre retour le 17 août, mais c’est un bon début.
Saluti amici