Août….
… où l’on poursuit la canicule, en mode off jusqu’au 10, avant que la réalité ne vienne nous rappeler à son bon souvenir.
Du 1er au 9…
… où l’on se dit que la pétanque devrait être admise comme moyen de régler certains conflits plutôt que de passer par la case tribunal.
Plus de juges aléatoires, que deux équipes, deux questions uniquement à se poser (je tireuuuuh ou je pointeuuuuh…) et ceux qui perdent ont quand même droit à l’apéro !!!
Le 10…
… où l’on repart pour de nouvelles aventures…
… avec un petit miracle en guise d’encouragement : la plante verte déclarée morte depuis le printemps, et dont le pot trainait négligemment dans un coin de la pièce a refait une feuille en mon absence !!! Veut-elle me dire par là que nous souffrons d’un problème d’incompatibilité d’humeur ?!?
Second miracle (décidément !) : pas de mine dans le courrier bloqué durant les 10 derniers jours !
Bon ! Alors, apéro ? Ah non zut, ça c’est fini… Au boulot !
Le 11…
… où l’on ne se lasse pas d’admirer le bon sens et la sagesse de nos braves Juges dans leurs considérants :
Question du Président : Pourquoi écrivez-vous le 10 septembre à la plaignante par SMS que vous êtes seul et que vous vous ennuyez ?
Réponse de l’accusé : Parce que j’étais seul et que je m’ennuyais derrière le bar…
Plus loin, dans le jugement, on peut lire que l’accusé n’est absolument pas crédible, lorsqu’il prétend que ses SMS au contenu ambigu n’avait pas pour seul but de maintenir le contact après leur relation sexuelle…
Sémantique et présomption d’innocence ne font pas bon ménage chez certains magistrats, semblerait-il !
PS : où l’on constate que, sur la terrasse où il fait à nouveau une température agréable, Miles Davis (now playing On Green Dolphin Street) est un fond sonore idéal pour préparer une plaidoirie, même dans une affaire scabreuse. Qu’on se le dise !
Le 12…
… où même si ce n’est plus la canicule, il fait chaud et une moiteur à liquéfier le Proc’ le plus aride !
Bon, voyons le bon côté des choses. Si nécessaire, on peut se coller les pièces du dossier sur le corps et les avoir sous la main, le coude, l’avant-bras à dispo. Petit conseil utile : ne pas oublier de les enlever avant d’aller sous la douche !
Le 13…
… où l’on se retrouve dans une salle non climatisée, avec 25 confrères, pour entendre, au nom des plaignants, un prévenu d’abus de confiance, escroquerie, gestion déloyale et faux dans les titres. Bref, un quidam qui a bien trompé son monde !
Et même mieux que ça parce que, là, on parle d’un trou de 36 Mio, au bas mot…
Mes clients se sont fait repasser de 500’000.- sesterces en investissements foireux. Toutes leurs économies.
Il y a 42 plaignants. Et ce n’est pas fini, semblerait-il. Le Proc’ nous informe en préambule que de nouvelles plaintes arrivent chaque semaine.
L’homme a la soixantaine, le regard franc, sans être arrogant, le verbe clair, sans chercher à esquiver les questions ni à minimiser les faits.
Mythomane ou filou de première ? That is the question !
Depuis 2004, c’est la fuite en avant… Je cherchais constamment à me refaire et je creusais un nouveau trou pour en boucher un autre…
Quelques incongruités tout de même :
Question : Cette société, Trucmuche Invest SA, fictive comme les autres ?
Réponse : Ah non, celle-là, c’est une vrai !
Ou encore : Si j’avais réussi ce coup-là, c’était le jackpot, 40 Mio au bas mot…
Le Proc’ : Oui, mais ça, cela aurait constitué un délit d’initié !
Réponse : A tout prendre, j’aurais quand même préféré le délit d’initié à l’escroquerie…
Le 14…
…où l’on profite du dernier jour des féries judiciaires dans une ambiance rafraichie, à peine troublée parun client qui, après avoir sous-estimé les capacités de son avocat (le bougre !), se met tout à coup à les surestimer (l’inconscient !)…
Non, cher Monsieur, je n’ai pas la compétence de demander au Juge des renseignements dans un dossier où je n’interviens pas…
Le 17…
… où le premier jour suivant la fin des féries est calme, comme à l’accoutumée. Normal, nos tourmenteurs favoris viennent à peine de retrouver leurs pénates. Ils vont d’abord aller voir si la machine à café est branchée. C’est à partir de demain que ça va se compliquer.
Juges et autres magistrats seront de retour au taf, les greffiers dans les starting blocks, prêts à notifier à qui mieux mieux force décisions qui vont nous faire gamberger.
Et pendant ce temps… que font les avocats ?
Plein fait, pression d’huile ok, pneus vérifiés, go !
Le 18…
… où l’on trouve scotché sur la boîte aux lettres de l’Etude un pamphlet d’un ancien client accusant tous les juges, magistrats et avocats du canton d’être des franc-maçons ayant orchestré son dépouillement par le biais des institutions judiciaires depuis une vingtaine d’années !
Cela fait toujours d’apprendre que l’on est un franc-maçon, comploteur qui plus est…
Par contre, il faut que je touche un mot aux autres conspirateurs, parce que Bibi n’a pas reçu le moindre fifrelin de ce dépouillement organisé.
Monde cruel…
Le 19…
… où l’on rencontre une dame qui prétend avoir hérité 5 Mio de sa grande-tante, mais qui attend d’en voir la couleur, un « ami » s’étant spontanément porté volontaire pour gérer cette fortune.
Il lui a fait acheter un appartement 1,5 Mio, mais pour l’instant, la brave dame n’a pas le plus petit kopeck pour payer le premier acompte et vient de recevoir une poursuite.
Elle se présente avec le courtier qui a négocié la vente et qui aimerait bien recevoir sa commission, et une amie, pardon, sa meilleure amie parce que, voyez-vous, mon ami brésilien est d’une jalousie maladive et surveille tout, je ne veux pas qu’il sache que j’ai hérité cet argent, sinon, il va tout me piquer…
Une à une, les lampes d’alerte s’allument… Cette histoire sent la poudre.
Le 20…
… où l’on retrouve les protagonistes de l’audience du 13.
C’est reparti pour un tour de manège de placements foireux, sociétés s’empruntant parmi et se remboursant rarement de coquettes sommes à six chiffres, sinon rien.
Belle perf’ du Proc’ qui ouvre les débats à 13h30 par un Mes, cette audience a pour but de vous permettre enfin de poser des questions, après les cinq premières auditions d’instruction. Mais auparavant, je souhaite que le prévenu me précise juste un petit point de détail…
… la première question qui a pu être posée par un avocat intervient enfin à 16h45, soit 3h15 après le début de la seule et unique séance prévue pour l’instant pour que les avocats puissent intervenir.
Quand enfin, le Proc’ a fini avec ses petites précisions, il lance Bon, c’est à vous Messieurs les avocats, étant précisé que je refuse toute question sur le dossier qui ne se rapporte pas à une pièce précise, qui a déjà été évoquée précédemment, qui n’apporte rien à l’instruction ou qui, d’une manière générale est mal formulée.
Le premier avocat à se risquer se fait étriller par le Proc’ – Non mais, Me, vous croyez que je laisser poser des questions pareilles ?!? – le second aussi. Bref, vers 17h02, enfin une question passe la rampe et le prévenu y répond… 30 secondes… avant d’être interrompu par le Proc’ qui veut une nouvelle fois une précision…
A ce rythme-là, l’instruction ne sera pas terminée avant la Saint Glin Glin…
Le 21…
… où le courtier qui accompagnait l’héritière sans héritage de l’avant-veille appelle pour dire que l’Office des poursuites a le fameux « ami » dans le collimateur et donne le nom d’une huissière susceptible d’aider. Sauf que, lorsqu’on appelle dans la foulée, on nous répond que l’huissière en question vient de partir en vacances à l’instant et ne revient pas avant 10 jours…
C’est un gag ou quoi ?
Pendant ce temps, au secrétariat, le vendeur de l’appartement, qui n’a toujours pas vu l’ombre d’un centime sur son compte, assiège littéralement le standard, car il veut savoir ce qu’il se passe.
Si seulement on le savait…
… on ne lui dirait pas certes, secret professionnel oblige…
… mais qu’est-ce qu’on se sentirait mieux….
Le 24…
… où l’on rencontre l’héritière sans héritage pour lui faire part de quelques incertitudes sur des faits essentiels, et surtout d’une certaine perplexité quant à la crédibilité de son histoire face à un Procureur.
Mythomane (encore une ?), naïve (ce n’est pas la première ni la dernière assurément), si c’est elle qui a monté toute cette histoire et qui se retrouve piégée par ses élucubrations, qu’est-ce qu’elle est venue faire chez un avocat ?
– Non, il ne faut pas déposer de plainte maintenant Me. Je suis sûre qu’il va me donner les papiers.
– Et l’argent ?
– Il doit bien être quelque part, vous savez, il était tellement gentil pendant carnaval, on a un peu fricoté ensemble, je ne peux pas croire qu’il m’a trompé…
– Vous ne seriez pas la première…
– Je sais, je suis trop bonne pâte….
Le 25…
… où la suite de notre héritage s’avère de plus en plus abracadabrante…
« L’ami » a été interrogé par l’Office des poursuites alerté par le courtier et le vendeur et a déclaré qu’il n’a jamais disposé de la moindre somme et que l’héritière raconte des histoires a tout le monde.
Pourtant, il a bien écrit au courtier un SMS J’ai placé 4,940 Mio et je ne peux les récupérer tout de suite !
Qui raconte des mensonges dans cette histoire et, cas échéant, qui doit-on enfermer chez les zinzins ?
Le 26…
… où l’héritière débarque tambour battant pour refuser de déposer plainte, parce que son « ami » a promis de lui donner des documents et qu’elle pourra aller chercher le solde des papiers prouvant sa bonne foi vendredi.
Ben voyons…
Quelle nouvelle couleuvre va-t-on tenter de nous faire avaler vendredi ?
Le 27…
… où l’on décrète que ce sera la journée sans héritière, héritage ni salade…
Le 28…
… où (presque) sans surprise, la journée se déroule jusqu’à l’heure de l’apéro (un des derniers de l’été) sans que l’Arlésienne légataire ne pointe le bout de son nez.
Par contre téléphone – gêné – d’une connaissance, un brave assureur qui nous a adressé l’oiseau et qui se pose (aussi) des questions quant à la réalité de ce fameux pactole. Le pauvre, il est allé jusqu’à lui avancer le montant d’une prime d’assurance !
– Et toi, tu as été payé ? Tu lui as demandé une provision ?
-Oui. Quand je lui ai parlé de mes honoraires, elle m’a dit : « pas de problème, j’ai des économies ». Puis, après, elle m’a dit : « pouvez-vous attendre la fin du mois que je touche mon salaire ». Apparemment, les économies sont allées rejoindre l’héritage. Et, là, elle a téléphoné il y a quelques jours pour dire à ma collab’ qu’elle nous réglerait avec l’argent de ses pourboires. Bref, je suis donc tout à fait rassuré…
Le 31…
… où l’on commence la semaine avec une jeune magistrate remplaçant un de ses collègues malades dans une de ces petites histoires pourries qui ont l’art de nous compliquer l’existence.
Une mère de famille sud-américaine, dont la santé est plus que chancelante, un brin larguée socialement après son divorce d’avec un bon gros suisse alcolo, est accusée d’avoir corrigée un peu trop fort sa fille âgée de 10 ans à l’époque des faits.
3 ans plus tard, la fille a écrit à la Juge pour dire à quel point elle était insupportable à l’époque et, surtout, que sa maîtresse avait largement exagéré les faits, voire menti sur certains points, et qu’elle ne voulait pas qu’on embête sa maman.
La brave magistrate (sans enfant !) commence l’audience par dire à la mère de famille qu’elle ferait bien d’y réfléchir à deux fois avant de poursuivre, qu’elle ne l’acquitterait pas complètement de toute façon. Elle lui rappelle enfin le montant des frais de justice qu’elle devra supporter, en précisant qu’elle les augmentera de 30% si notre cliente a le culot de demander une motivation écrite du jugement !
Au final, elle l’acquitte tout de même un peu, pour la forme, la condamne à une peine de travail d’intérêt général de 100 h (traduction : 25 jours à nettoyer un coin de forêt; même certains chauffards n’ont pas droit à ça !), et lui refuse une indemnité pour ses frais de défense (pourtant due en cas d’acquittement, même partiel), parce que toute cette affaire, c’est sa faute…
Peut-être que la fille de la cliente méritait une fessée, peut-être pas. Cette magistrate, sans hésiter, oui…
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