Janvier…
… où je décide de redonner vie à ce petit journal
Le 8…
… où je me retrouve avec les 2 propriétaires de Nicotine, le patron de l’entreprise qui a transporté Nicotine, le chauffeur de cette entreprise, l’organisateur et le propriétaire de la halle où se tenait l’exposition bovine où la belle Nicotine devait être présentée. Loin de son pré, Nicotine a paniqué et s’est enfuie pour un rodéo en pleine ville, renversant au passage une brave ménagère. Pas trop de mal, mais assez quand même pour attaquer en dommages-intérêts tout ce petit monde qui a désigné bibi pour les défendre en bloc (une sorte de class action, mais à l’envers; et je rassure au passage mes confrères fronçant déjà le sourcil – à juste titre – suspectant le conflit d’intérêt, il n’ y en a aucun, tout le monde a agi en bonne intelligence, ouf !).
Le détail qui tue (sans jeux de mots), la police a dû intervenir pour stopper la course folle de Nicotine. Près de la gare, un policier a tiré 6 fois sur elle, sans parvenir à la stopper. Puis plus loin, près des écoles, un autre pandore a encore fait feu à 5 reprises, au milieu de la sortie des classes, toujours sans résultat. Explication de la maréchaussée : c’était de la munition pour stopper des voleurs, pas des vaches… et puis, nous n’avons touché personne d’autre !
Pourquoi est-ce que j’en viens presque à le regretter ? Est-ce de la déformation professionnelle ou… autre chose ? L’envie de planter une banderille sur le dos de ces canardeurs à la manque ?
Le 13…
… où je lis un PV de police, dans une affaire de braquage, audition d’un des prévenus : « Pendant que nous tenions en respect le patron, Xavier faisait le guai… » Oups, pas le gay, ou le gué et donc pas le guet, mais le guai. Larousse, Littré et autre Robert, attention, en 2014 une nouvelle entrée : guai, n.m., celui qui tient la chandelle pendant un braquage.
Le 15…
… où, en pleine séance d’instruction, où les fameux braqueurs ont chacun donné une version compatible et acceptable de leur aventure, alors que le Procureur n’a plus de question et que l’on va clore le PV, le Confrère qui défend le complice et qui avait eu la bonne idée de rester coi jusqu’ici commence à poser des questions qui amènent son client et un témoin à se contredire, puis à s’énerver, puis à s’insulter et enfin à se menacer. Le Procureur se marre et reprend son interrogatoire… Touché, coulé. Qui a dit que le client est le meilleur ennemi de l’avocat ? Faux, c’est le Confrère qui veut faire du zèle pour marquer sa présence et qui ne se rend même pas compte qu’il plombe son propre client (et ceux des autres par dessus le marché…
Le 21…
… où le Juge qui ne veut pas, mais alors pas du tout, acquitter mon client faute d’élément prouvant sa culpabilité renvoie le dossier à l’instruction pour que la Police trouve ces fichus éléments. Problème, les faits remontent à 2008, à part mon client, tout le monde a disparu dans la nature et ne pourra donc être interrogé… Donc, pas d’enquête complémentaire possible. Le Juge le sait pertinemment, mais renvoie quand même… Ici on n’acquitte pas. Allez hop ! Circulez y a rien à voir…
Le 24…
… où le père et le frère d’un client incarcéré pour brigandage viennent me trouver pour faire le point sur l’enquête. Pas simple, mon client niait férocement être l’auteur. La famille rejetait la faute sur la petite amie, au passé trouble. C’est surement elle, Maître. Elle a des mauvaises fréquentations et elle a déjà volé des vieilles dames. Eh bien, il va falloir revoir notre copie. Notre lascar a tout avoué hier, c’est lui !
Dur pour la famille d’admettre que le gentil garçon ait pu commettre de tels actes. L’avocat explique que, comme c’est sa première bêtise (et la dernière, on l’espère) et si c’est le bon gars qu’ils décrivent, le Juge aura la main moins lourde.
Avant de partir, le père veut à tous prix me remercier en me donnant 6 bouteilles de vin. J’accepte. J’ai toujours aimé les honoraires versés en liquide !
Le 27…
… où je rencontre une nouvelle cliente, une dame d’un certain âge qui m’explique avoir de nombreux soucis avec sa famille depuis une trentaine d’années, mais dont il est assez difficile de déterminer ce qu’elle attend réellement de ma part. Elle me vante les mérites de mon prédécesseur. Effectivement, c’était un grand avocat, aujourd’hui à la retraite, mais qui bénéficie encore du respect de tous les membres de notre Ordre. Tout va bien, jusqu’à ce qu’elle arrive enfin à cibler ses attentes : écrire à sa belle-sœur d’arrêter une bonne fois pour toutes de s’introduire chez elle lorsqu’elle n’est pas là pour lui voler ses papiers ou de venir la nuit, pour lui couper les cheveux pendant qu’elle dort ! Parce que là, Maître, ce n’est pas possible ! Vous avez vu cette coupe de cheveux, ça ne va pas. Effectivement, là, ça ne va pas aller du tout. Et nous ne sommes que lundi. Monde cruel…
Le 29…
… où, alors que mon client a un revenu de CHF 4’000.-, l’avocate de son épouse demande une pension de… 5’000.- ! Heureusement, le Président s’énerve avant moi…
Le 31…
… où Nicotine fait le buzz au Tribunal. Nicotine, c’est, ou plutôt c’était le nom d’une accorte génisse, quia pris la clé des champs, mais en pleine ville et dont le rodéo urbain a été stoppé par la police. Elle avait quand même dû lui tirer dessus à 11 reprises pour l’immobiliser (cf. le 8 ci-dessus). Nous voici donc maintenant au Tribunal pour le 1er round. Séance de conciliation. Mission impossible vu l’écart entre les positions des parties. Je représente donc la pléthore de défendeurs (les proprios de Nicotine, ceux de la halle d’exposition où se tenait la manifestation, l’organisateur et, enfin, le transporteur qui amenait les bêtes, cela fait du monde). De l’autre côté, l’une des personnes renversées par Nicotine durant sa course folle, avec son avocate. Un brin esseulées les Miss, mais confiantes, jusqu’ici. Elles se disent que, parmi tout ce monde, le Juge va bien trouver un pigeon pour casser sa tirelire… Pas sûr. En effet, ce brave homme, après avoir écouté nos exposés préliminaires, déclare avec componction : Mes, je comprends bien vos points de vues. Je ne suis d’ailleurs pas loin d’en partager certains, mais je m’interroge. Je ne crois pas, non, en fait je suis convaincu, que toutes les personnes qui devraient être assises dans cette salle s’y trouvent aujourd’hui…
Ah bon ? Voilà qui m’interpelle, forcément. Mais à qui peut-il bien penser ? A priori, toutes les personnes concernées de près ou de loin par cette affaire ont été assignées par la victime. Mais bon, je peux vivre avec et défendre mes clients. Si d’autres pékins nous rejoignent, plus on est de fous plus on rit. Par contre, la tête de mon Confrère vaut le détour. Elle est décomposée. Mais qui est-ce que j’ai pu oublier bon sang de bois ?
Elle a maintenant trois mois pour y réfléchir. C’est le délai pour confirmer la procédure une fois l’échec de la conciliation officiellement constaté. Quelques nuits blanches en perspectives…
Vous pouvez laisser ici un commentaire...