September song…
… où l’on est donc parvenu à cette étape du calendrier qui ramène immanquablement notre spleen à ce refrain, entêtant, récurrent, collant tellement bien à la réalité des jours qui se réduisent. Quelque part entre Coney Island Baby et Perfect Day, Lou Reed et September Song, balade confidentielles écrite un demi-siècle avant par le musicien allemand Kurt Weill. Magique… et bande-son idéale à l’étude des dossiers qui se fait de nouveau à la bougie.
Le 2…
… où, si l’avocat itinérant craint les pratiques procédurales locales des terres vaudoises, héritage d’une époque que le nouveau code de procédure civile fédérale n’a pas encore complètement éradiqué, il est d’autres traditions de cette contrée avec lesquelles on s’accorde plus facilement.
Viticole tout d’abord, à l’occasion d’une visite au Domaine de la Pierre Latine, où l’inénarrable Philippe Guex nous donne entre un Pinot Gris et un Merlot, un magistral exposé sur Comment faire du bon vin tout en composant efficacement avec les politiques.

Culinaire ensuite, puisque notre passage dans le Chablais se poursuit à Bex, à la table de la truculente Marie Robert, cuisinière Gault & Millaut de l’année 2019, dans son Café Suisse. Des plats plus bluffant qu’un arrêt de la Cour d’appel de la Baie de Lôzan qui, ô surprise, nous donnerait raison !
Bref, une journée où l’on a un peu laissé de côté jurisprudence et règles sur le fardeau de l’allégation et de la contestation, pour adhérer pleinement aux produits du terroir !
PS : @EricMorain : où es-tu ? Tu ne serais pas déçu du voyage
Le 5…
… où une hirondelle ne fait pas le printemps ni une ordonnance d’une Cour cantonale ne provoque d’ordinaire de crise d’hilarité. Mais, là, quand même…
« Me X [partie adverse] nous vous communiquons le recours de Mme Y [notre cliente] du 30 mai 2021 [si si 2021] et nous vous invitons à vous déterminer à son sujet dans les 10 jours… 10 jours pour reprendre une affaire supposément enterrée depuis 16 mois !
Certes, la profession n’est pas réputée pour s’indigner du malheur des autres. Et même si ce Confrère s’est montré particulièrement… primesautier – dira-t-on pour rester confraternel en ce qui nous concerne – tout au long de cette pénible procédure, on a quand même une pensée pour lui qui reçoit ce genre de missile pour commencer la semaine. Puis, informer son client.
Cour submergée ? Oubli ? Peu importe, on a quand même bien rigolé dans la #FaireCave. Et, maintenant, il est possible de répondre à la cliente qui s’inquiétait à juste titre de n’avoir aucune nouvelle. Bon, il faudra patienter encore un peu au rythme où vont les choses…
Le 6…
… où les séquestres en procédure pénale c’est bien. Le « pompage » des disques durs du « séquestré », c’est encore mieux, mais est-il nécessaire de tout verser ensuite au dossier ? Les photos de vacances, les vieux projets, les soumissions qui n’ont rien de rien à voir avec le litige ? Parce que c’est long et un brin barbant de tout passer en revue.
Par contre, Mesdames, Messieurs, prudence. Car un disque dur, c’est encore plus vicieux qu’internet en terme de mémoire. Tout ce qui n’a pas été effacé, et plutôt deux fois qu’une, reste accessible, même les fichiers oubliés depuis longtemps. Si c’est votre ordi privé, pas de problème (du moins tant que vous n’êtes pas dans le collimateur d’un Procureur !),
… mais si c’est le PC de votre entreprise, sous réserve de quelques cautèles en relation avec la protection de la personnalité et des données, tout ce qui est dessus appartient au boss, même ce que vous avez créé de toutes pièces dans le cadre de votre emploi.
Le 8…
… où cela aurait mérité une caméra invisible.
On rappelle le client qui a téléphoné tout à l’heure. Il décroche et dit « Je suis là« .
–Euh pardon, mais… c’est moi, votre avocat ! Vous vouliez me parler ?
-Non, je suis là.
–Mais quoi, je ne comprends pas ?!?
-Là !
Et c’est alors qu’on entend comme un écho répondre en même temps dans le hall de la #FaireCave. In fait, il est vraiment là, car il en franchissait l’entrée en répondant. Et me regarde maintenant tout sourire dans l’embrasure de la porte son téléphone à la main…
-Euhhh bonjour…..
Le 9…
… où l’on apprend que le Conseil fédéral pousse encore et encore pour réviser la loi sur le renseignement et ainsi mettre au placard le secret professionnel des avocats, comme des médecins.
il es donc question d’un projet législatif qui vise à soumettre nos professions à des mesures de surveillance dignes de James Bond, au cas où une personne considérée comme très menaçante aurait des contacts avec nos corps de métier.
Nous ne pouvons que nous rallier aux levées de boucliers justifiées de la FMH et de notre bonne fédération suisse des avocats (SAV-FSA). Le secret professionnel n’est pas un écran de fumée pour masquer les criminels aux yeux de la justice. C’est un des piliers de l’Etat de droit. Y toucher, c’est porter une grave atteinte aux droits fondamentaux de toute la population, où fort heureusement la proportion de criminels est assez faible.
Comme l’a rappelé Yvonne Gilli, présidente de la FMH interrogée ce matin dans la Matinale, « violer ce secret médical est pénalement répréhensible et c’est précisément cette protection que la loi sur le renseignement veut supprimer de manière simpliste », ajoute-t-elle. CQFD pour le Barreau. C’est la base de notre serment. C’est une faute professionnelle et pénale si nous violons nos devoirs. Mais l’État, lui, est libre de piétiner les plate-bandes des droits fondamentaux sur un simple soupçon.
Car, en définitive, considérer une personne comme très menaçante relèvera de l’arbitraire d’agents qui, dans un premier temps, pourront agir sans filet, sur la base de simples présomptions par exemple, présomptions qui pourraient s’avérer en définitive totalement infondées ou fantaisistes. Mais, comme une loi fédérale les protège, tout le monde s’en lavera les mains, tel Ponce Pilate. Le mal sera fait et irréparable dans la plupart des cas.
Il paraît que les partis bourgeois sont plutôt pour cette ingérence. Ce seront les mêmes bien pensants qui viendront hurler leur mécontentement, lorsqu’ils seront visés par erreur et (mal)traités en tant que dangers pour la population !
Et on s’offusque dans les couloirs du Palais fédéral que notre belle Helvétie recule constamment dans le ranking des pays respectueux des droits de l’Homme. Ben tiens…
Le 12…
… où, le Jour du Seigneur, de la Bonne Chartreuse, point tu n’abuseras, car, le lundi, tes facultés, point toutes dans la journée tu ne récupèreras (Proverbe Chartreux).
Le 13…
… où, après une journée plongée dans les arcanes de la jurisprudence, pas toujours « émoustillante », il faut bien l’admettre (surtout quand elle ne va pas vraiment dans le sens voulu !), entre chien et loup, il est bon de se ressourcer dans une autre « jurisprudence », celle du neuvième art, avec la réédition des premiers pas de Maurice Tillieux dans les défunts Heroïc Albums.
Certes naïf, mais tellement rafraîchissant. Et puis, Kid Goliath, ça c’est un nom de héros qui claque !
Le 14…
… où la CEDH fait le buzz, puisqu’on apprend qu’elle condamne la France pour n’avoir pas justifié son refus de rapatrier deux femmes djihadistes et leurs enfants de Syrie.
L’autorité judiciaire européenne contraint ainsi la justice française à réexaminer les demandes de deux familles, au nom de la protection des intérêts des enfants, actuellement retenus dans des camps syriens.
Et alors ? c’est leur problème ? Pas tant que ça. Les décisions de la Cour européenne sont valables pour tous les états membres, dont la Suisse. Nous sommes donc pleinement concernés car il y a une bonne dizaine de suisses qui seraient encore détenus en Syrie, dont 3 enfants, dans des conditions incompatibles avec la plus élémentaire décence, selon les médias.
La décision de la CEDH va donc obliger les États membres à créer des bases légales claires et précises quant à l’examen d’un possible rapatriement, afin d’exclure tout risque d’arbitraire. Benjamin Constant disait que l’unique garantie des gens contre l’arbitraire, c’est la publicité. C’est fait !
Le 15…
… où mollement enfoncé dans le fauteuil du salon de coiffure, on écoute le quidam sur le strapontin voisin déballer toute sa vie à la capillicultrice. Pas seulement les éléments basiques, naissance, travail et famille, mais aussi des détails privés, ses amitiés et leurs petits secrets, ses inimitiés et leurs travers cachés…
Les gens sont étonnants. Dans le secret du cabinet de leur avocat, ils peinent à livrer les éléments factuels nécessaires à la défense de leurs droits. Parfois, il faut les travailler au forceps. Mais, dans le salon de coiffure, à une parfaite inconnue, à côté de quelqu’un dont ils ne savent rien (et surtout pas si ce quelqu’un connaît ceux sur lesquels ils dégoisent à haute voix), roulez carrosse ! Pas besoin de Voici ou Gala. On sait tout.
Philosophe, la coiffeuse entretien tranquillement la conversation avec ce brave monsieur. Ah oui ?… Nooooonnnn…..
Le 19…
… où la note d’un arrêt commenté sur l’excellent site LawInside.ch retient l’attention.
En bref, il s’agit d’un requérant d’asile qui, entendu par la Police au petit matin, après une nuit agitée, déclare renoncer à porter plainte contre les agents de sécurité qui pourrait l’avoir molester et d’avoir également pris note que sa renonciation est définitive et qu’il ne pourra porter plainte à nouveau.
Si on en parle dans ces lignes, vous vous en doutez, le quidam est revenu sur sa décision. Et on lui a opposé sa renonciation. L’affaire arrive donc jusqu’au Tribunal fédéral qui lui donne raison. Motif : on ne l’a pas informé de ses droits spécifiques en tant que victime présumée (il a fini à l’hôpital quand même) et aussi sa « renonciation » s’est faite dans des conditions particulières de stress et de craintes de représailles, si bien qu’elle n’a peut-être pas été aussi sincère et éclairée qu’elle aurait pu.
Le commentaire précise : En l’espèce, le requérant d’asile n’a pas formellement déclaré vouloir renoncer à ses droits, mais s’est contenté d’indiquer ne pas souhaiter porter plainte. Ses propos ont d’ailleurs été traduits par un interprète et non par un juriste. De plus, la police n’a pas fait signer au requérant d’asile un formulaire de renonciation pour les faits reprochés aux agents de sécurité.
Deux remarques de votre serviteur.
Tout d’abord, effectivement, nous connaissons bien cette fameuse partie de l’audition de police où la personne venue se plaindre est invitée à formaliser qui elle veut poursuivre, ce qu’elle demande au responsable de cette situation et surtout la dernière partie où il faut cocher des cases pour confirmer si on veut continuer la procédure ou pas. Le procédé est problématique. Souvent, lorsque la police demande à la personne de « choisir son camp », celle-ci est encore dans l’émotion et ne comprend pas la portée exacte de ces coches qu’on lui demande de faire. Surtout qu’elle n’est le plus souvent pas assistée d’un avocat à ce moment-là. Et, des mois plus tard, on vient lui opposer une fin de non-recevoir de ses demandes d’indemnisation, parce que, un petit matin blafard, encore chamboulé par les péripéties de la nuit, cette personne n’a pas eu la présence d’esprit nécessaire et la faculté d’analyser correctement la situation. Sur ce point, comme aiment à l’écrire les thuriféraires de notre Haute Cour, cette solution où le TF considère qu’il faut prendre en considération le droit (des possibles victimes d’infraction) certes, mais aussi l’ensemble du contexte dans lequel la renonciation à porter plainte a été émise, doit être approuvée.
Ensuite, la note de l’arrêt commenté interpelle aussi. On peut y lire En l’espèce, le Tribunal fédéral juge qu’il n’est pas exclu que le requérant d’asile ait pu craindre des représailles en cas de dépôt de plainte contre les agents. Partant, sa renonciation ne semble pas « libre ». « Il n’est pas exclu« … « ne semble pas« , donc des hypothèses et pas des certitudes. Là aussi, nos Juges fédéraux surprennent un peu, en bien. Ils n’ont pas l’habitude de trancher des spéculations, mais des faits qui doivent être démontrés, comme ils se plaisent souvent à nous le répéter au travers de considérants sans aucune concession (ni considération) pour l’avocat qui tente de sauver la mise à son client. Mais là, pour une fois, le flou qui règne sur ces épisodes de procédure préliminaire, où un procureur n’a pas encore pris la main, ne se retourne pas contre le justiciable de bonne foi. Pourvu que ça dure…
Le 20…
… où (sur un air bien connu d’Yves Montand),
Quand on partait le soir venu
Quand on partait sur les chemins
À la permaneeeeeeeence
Nous étions quelques bons confrères
Y avait Fernand, y avait Firmin
Y avait Francis et Sébastien
Mais pas de Pauleeeeeette…
Et donc, nous y voici, à la Permanence de l’Ordre, où pour la modique somme de 30 sesterces, vous pouvez bénéficier des conseils d’un avocat qui vous guidera dans les méandres du Bien et du Mal. Il s’agit d’une obligation en tant que membre de l’Ordre. Mais, pour la plupart, dont votre serviteur, même si le calendrier est souvent contrariant, une fois assis en face de la personne qui vient demander votre aide, nous nous rappelons pourquoi nous avons aussi prêté serment.
Ce soir, parmi les employés en délicatesse avec leur employeur, les époux et épouses qui veulent savoir ce qui les attend en cas de divorce, les héritiers pour le moment spoliés et les cafetiers encore touchés par les scories du Covid, il y a cette dame avec son boîtier internet inutile et ses factures (salées) d’un fournisseur éponyme. On lui a vendu un abonnement qui implique d’avoir la fibre optique, alors que la brave dame vit au milieu de la cambrousse et n’a donc que la fibre bucolique ! Comment résilier ce contrat impossible ? En le déclarant impossible bien sûr, mais les subtilités de l’article 20 CO ne sont pas à la portée du premier venu. Ce ne sera donc pas simple.
Mais ce qui retient l’attention surtout, c’est ce passage des conditions générales dans lesquelles le client de cette compagnie peut résilier son contrat uniquement après une durée minimale de deux ans et par téléphone seulement. Si si, vus avez bien lu. Lettre ou courriel : pas valable. C’est écrit en tout petit certes, mais c’est écrit.
On conseille donc à cette brave dame de faire quand même une lettre chargée à la société, en lui brossant en quelques formules consacrées les points à relever et en lui conseillant d’annuler en parallèle l’ordre permanent, puisqu’elle n’a ni télé ni internet ni rien du tout en fait. Et que ce n’est pas l’opérateur qui l’a appelé depuis le Portugal qui va y changer quelque chose. Mais aussi d’aller toquer à la porte de la Fédération romande des consommateurs.
Le 22…
… où ce billet s’adresse aux connaisseurs qui pratiquent parfois l’hypothèque légale des artisans et des entrepreneurs, arme fatale en matière d’impayés dans le secteur de la construction. Enfin, à condition d’avoir toutes les infos…
Top ! Vous n’avez pas de contrat, des factures et des bulletins de livraisons en polonais, un extrait du Registre foncier (RF) qui indique des numéros de parcelles en noir et, par dessus, un nouvel état en rouge, avec trois parcelles numérotés différemment et des noms de propriétaires pour chaque parcelle, un autre extrait du cadastre différent du RF, et vous ne savez pas si les fenêtres sur mesure ont été posées sur ces trois immeubles, ou sur un autre chantier.
Et vous avez 48h chrono. Top !
Le 28…
… où on plaide devant la Cour d’appel une affaire pénale de circulation routière devant un public nourri, constitué de lycéens, venus découvrir les mystères de la Justice sous le plafond majestueux de la salle d’audience cantonale. Un peu triste pour eux. Le sujet n’est pas très spectaculaire et plutôt technique. Difficile de jauger leur sentiment sur le fonctionnement du monde judiciaire, car, aussitôt les débats clos, ils « disparaissent » vers leur collège.
Selon la Présidente de la Cour, ils auront droit à une explication et une information sur le résultat. Bonne nouvelle, mais un brin décevante quand même. Ils n’auront que le point de vue de la Cour, qui a d’ailleurs sèchement rejeté l’appel. Peut-être avait-il aussi quelques questions pour l’avocat ? Mais apparemment, sur ce terrain-là, la défense n’a pas voix au chapitre.
Le 29…
… où Me Mulan part en mission sur les lointaines terres du bout du Lac, déposer une requête au greffe de première instance.
Consternant de voir que, ce qui n’est qu’une opération de procédure courante, est plus que fraîchement accueillie par le personnel dudit greffe, qui ne se prive pas de faire sentir ouvertement à celle qui ne fait que son travail qu’elle dérange.
Le summum du mépris est atteint quand, alors que la fonctionnaire trône à côté de sa propre photocopieuse étatique, elle indique vertement à Me Mulan qu’il manque un double d’un document.
-Vous devez faire une copie de cet acte à la photocopieuse public dans le couloir. C’est 10 centimes la copie.
-Zut, je crois que je n’ai pas de monnaie.
-Pas mon problème.
Et voilà donc notre Padawan en train de faire ses poches, cherchant une piécette pour finaliser son dépôt. Heureusement, une monnaie salvatrice attendait au fond d’une poche de pouvoir sauver la situation…
Le 30…
… où l’on se dit qu’il n’y a pas que le personnel d’accueil du greffe du bout du lac qui est consternant.
La réponse à notre requête d’inscription d’hypothèque légale est arrivée, rejetée. Ce ne sont pas les bons propriétaires qui sont désignés ! Pourtant, c’est le Registre foncier qui nous a transmis leurs noms…
Retour vers ledit Registre : Oui, effectivement, ça ne joue pas, parce qu’il y a une mutation en cours. Bon, on va vous envoyer les bonnes désignations. Mais, on est vendredi après-midi, pas sûr qu’on y arrive avant lundi, au mieux.
–Mais nous devons déposer jusqu’à lundi dernier délai. Et nous sommes dans cette situation à cause des indications erronées que votre service nous a fourni.
–Ah, bon on va essayer de faire ce qu’on peut.
Apparemment, ils peuvent quand même, même un vendredi. L’extrait fini par arrivée en toute fin d’après-midi. Le week-end sera donc consacrée à refaire une seconde fois le travail…