Le minimum syndical
10/24/2013 § 1 commentaire
François est membre de la direction d’une institution accueillant des adultes victimes d’un handicap psychique. A ce titre, il est salarié comme tout le personnel de l’institution, du directeur au simple marmiton, en passant par les maîtres sociaux – professionnels en charge des résidents.
Durant l’été, le syndicat du service public, dont dépend le personnel de l’institution, a organisé une réunion d’information sur différents sujets. François, en sa qualité de salarié, a voulu se rendre à cette réunion qui se tenait dans un restaurant de la région, en compagnie d’autres membres de la direction, tout aussi salariés que lui. À leur arrivée, ils s’attablent sur la terrasse et commandent des consommations. C’est alors qu’une représentante du syndicat intervient et leur a fait savoir qu’ils ne sont pas les bienvenus, car ils sont membres de la direction et que, par conséquent, leurs collègues n’oseront pas s’exprimer librement. La discussion s’engage et, tout à coup, la représentante en question lance à François : « Vous devriez arrêter de boire ! ». Celui-ci lui montre son verre qui contient de l’eau minérale.
Le lendemain, la syndicaliste, se doutant bien qu’elle était allée trop loin, adresse un courriel au directeur de l’institution pour revenir sur la réunion du soir précédent et, en conclusion, déclare que, s’agissant de François, ses propos ont dépassé la limite et qu’elle les regrette .
François, vexé – et on le comprend – d’avoir été traité d’alcoolo devant ses collègues vient consulter votre serviteur pour savoir s’il a bien été victime d’une atteinte à l’honneur et s’il est en droit de déposer une plainte pénale.
La question de savoir si le fait de traiter une personne d’alcoolique devant des tiers l’a fait apparaître comme méprisable aux yeux du public pourrait être le lieu d’un débat de société intéressant, encore que, une réponse positive puisse être objectivement donnée dans pratiquement tous les cas de figure. Mais, là n’est pas la question aujourd’hui. Je suggère à François, plutôt que de faire du droit, d’agir sur le plan du savoir-vivre et de l’amour-propre. Il faut obtenir des excuses écrites, qui lui seraient personnellement adressées, suggestion qu’il accepte. J’adresse donc un courrier à notre fameuse représentante en lui demandant de s’excuser dans les formes, faute de quoi mon client se réserve le droit de déposer une plainte. Quelques jours plus tard, je reçois non pas une lettre, mais un simple courriel dans laquelle cette personne dit que, bon finalement, elle s’est déjà excusée une fois, elle ne voit pas l’utilité de le faire une seconde fois, mais elle le fait quand même.
Mon brave François, à qui je transmets ce courriel, me rétorque à juste titre : « Elle pourrait tout de même y mettre les formes et me l’écrire personnellement, comme cela lui a été demandé. » Rebelote, nouvelle correspondance à cette brave dame pour lui dire que mon client attend des excuses correctement rédigées et formulées. Et ce matin, qu’est-ce que je reçois ? Un bout de carte-réponse estampillé aux couleurs du syndicat et au travers duquel ces quelques mots sont griffonnés par-dessus le logo et les différentes coordonnées postales et téléphoniques : « Monsieur, par la présente, je vous présente mes excuses pour mes propos ».
Je dois être vieux jeu, dépassé, souffrant d’une inculture crasse et privé de toute éducation, mais je trouve le procédé choquant et témoignant d’une pauvreté d’esprit insondable, surtout venant de la part de personnes adorant faire la leçon à ceux qu’ils considèrent comme des énarques et des exploiteurs du peuple. Encore heureux qu’elle n’était pas aux toilettes quand elle a rédigé sa bafouille, je vous laisse imaginer le support qu’elle aurait utilisé… L’un de mes collaborateurs a trouvé les mots pour résumer la situation : « Ce doit être cela le minimum syndical ! »