#FreeAssangeNow !
01/12/2021 § 2 Commentaires
Extrait du Journal @MeFaire du 8 janvier 2021 où les post de la semaine sur les tribulations de Julien Assange avec la justice britannique et étatsunienne ont suscité des questions des lecteurs qui ont soit perdu le fil, soit raté les premiers épisodes du feuilleton.

Donc un petit update s’impose.
On parle d’un journaliste australien de 49 ans, que le monde a découvert en tant que fondateur, rédacteur en chef et porte-parole de WikiLeaks, une ONG, qui depuis en 2006, publie des documents classifiés, les fameuses leaks (« fuites »), provenant de sources anonymes. Rien à voir avec Wikipedia donc. Son but est de donner une audience aux lanceurs d’alertes, tout en protégeant leurs sources. Plusieurs millions de documents relatifs à des scandales de corruption, d’espionnage et de violations de droits de l’homme concernant des dizaines de pays à travers le monde ont été publiés sur le site depuis sa création.
Depuis 2010, Assange est au cœur d’une affaire politico-judiciaire, suite aux révélations de WikiLeaks sur la manière dont les États-Unis et leurs alliés ont mené et mènent la guerre en Irak et en Afghanistan. En avril, WikiLeaks publie des documents classés Secret Défense par les américains, notamment une vidéo intitulér Collateral murder, révélant au monde des actes pouvant être qualifiés de crimes de guerre commis par les États-Unis et de leurs alliés, notamment le Royaume-Uni (tiens donc !). Ces publications sont bien sûr très mal prises par Washington qui accuse WikiLeaks d’espionnage et lance un mandat d’arrêt contre Assange. De 2010 à 2012, Assange est en liberté surveillée au Royaume-Uni, en raison d’un autre mandat d’arrêt, de la justice suédoise cette fois, mais pour tout autre chose. Il est accusé de « délit sexuel » ! Assange clame son innocence et dénonce un prétexte pour qu’il soit extradé de Suède vers les États-Unis. En mai 2012, la Cour suprême du Royaume-Uni rejette son ultime demande à ne pas être extradé vers la Suède.

L’affaire prend une nouvelle dimension quand, le 19 juin 2012, Julien Assange se réfugie à l’ambassade d’Équateur à Londres. Il y vivra les sept prochaines années dans un placard. Entretemps, il obtient l’asile politique de l’Équateur, puis est naturalisé en décembre 2017 par le président Correa, manœuvre lui permettant d’éviter d’être extradé vers Guantánamo. Mais cette naturalisation ne lui donne pas plus d’air. De l’avis de tous les spécialistes, sans compter ses avocats, Assange est victime de détention arbitraire, puisqu’il ne peut de toute façon pas sortir de l’ambassade équatorienne sans risquer une arrestation britannique, puis l’extradition. Scotland Yard surveille officiellement ses allées et venues dans l’ambassade et l’ombre de la CIA plane tout autour. Bref, ce n’est pas la vie en rose.
Assange reste cependant actif sur le terrain médiatique. En 2016, depuis l’ambassade d’Équateur, il commente la campagne pour l’élection présidentielle américaine, publiant ses opinions sur les réseaux sociaux. WikiLeaks révèle alors des courriers électroniques du Parti démocrate, mettant dans l’embarras sa candidate, Hillary Clinton. Julien Assange est alors accusé par certains commentateurs politiques d’utiliser ces leaks pour influencer l’opinion, afin de faire élire Donald Trump, ceci sous l’influence de la Russie.
Le 11 avril 2019, coup de théâtre : le nouveau président de l’Equateur le déchoit de la nationalité équatorienne qui lui avait été accordée par son prédécesseur deux ans auparavant et met fin à son droit d’asile. Le jour même, Assange est arrêté dans l’enceinte de l’ambassade par la police britannique. Les images de son arrestation font le tour du monde. Les États-Unis demandent immédiatement son extradition. Le 1er mai suivant, il est condamné par la justice britannique à cinquante semaines de prison pour violation des conditions de sa liberté provisoire… en 2012. Parallèlement, l’affaire de mœurs suédoise se révélera être instrumentalisée par le Royaume-Uni, pour maintenir Assange sous mandat d’arrêt, et justifier son arrestation. La justice suédoise clôt définitivement cette affaire faute de preuves le 19 novembre 2019, quelques mois après l’arrestation de Julien Assange par les Britanniques, et 9 années après les faits reprochés.
Le 23 mai 2019, les États-Unis – sous la présidence de Donald Trump ! – inculpent Julien Assange pour « espionnage » et le menace de 175 ans de prison. Cette inculpation est une première pour un journaliste dans ce pays où le premier amendement de la Constitution garantit la liberté de la presse. Mais, désormais, la justice américaine conteste le caractère journalistique des travaux d’Assange, alors que le précédent gouvernement n’avait pas remis en question ce statut.
Julien Assange est maintenant toujours incarcéré à la prison de haute sécurité de Belmarsh, où il croupit depuis le jour de son arrestation à l’ambassade d’Équateur, il y a bientôt deux ans. Les fameux « observateurs » rapportent une dégradation progressive de son état de santé tant physique que mental, consécutif à l’isolement auquel il est soumis, sans compter le stress lié à la crainte d’une extradition. Ses défenseurs appellent à mettre un terme à cette situation de persécution étatique contre sa personne. Le 4 janvier, la justice britannique a annoncé qu’elle refusait de l’extradert, mais uniquement pour des raisons médicales, décision contre laquelle les États-Unis ont annoncé leur intention de faire appel. Une demande de libération sous caution par ses avocats a été refusée deux jours plus tard.
Criminel pour les uns, victime du Grand Satan pour beaucoup, Julien Assange est dans tous les cas virtuellement incarcéré depuis bientôt 11 ans pour avoir dévoiler une Vérité qui n’était pas bonne à dire. Seule la pression médiatique l’empêche aujourd’hui d’être livré aux Américains. La décision du 4 janvier est toutefois toute relative, puisqu’il reste en prison, qui plus est dans une prison de haute sécurité !
Voilà, vous savez maintenant l’essentiel.
Le Juge est-il naturel ?
12/04/2020 § 1 commentaire
Journal @Mefaire du 3 décembre où il n’est question dans les médias que de crimes de guerre jugés en Helvétie, ce qui est paraît-il une première depuis les années 90…
Bellinzone, siège de notre Tribunal pénal fédéral, dont la vocation est de juger des accusés pour des faits qui ne se sont pas forcément tous déroulés en Suisse, se retrouve donc désigné volontaire pour juger un ancien commandant rebelle libérien.
Certes, selon les grands pourfendeurs de la morale, on doit se féliciter que les atrocités commises dans un conflit armé puissent être punies, même 20 ans plus tard, par Dame Justice. C’est l’hygiénisme ambiant qui veut ça. Tout ce qui n’est pas socialement acceptable doit obligatoirement être puni par quelqu’un, même s’il n’a rien à voir avec le sujet. C’est précisément là où le bât blesse. Cette propension actuelle de notre beau pays à vouloir juger coûte que coûte tout ce qu’il peut grappiller au nom du principe de l’universalité va à l’encontre d’un autre principe, tout aussi important, sinon plus dans notre État soit-disant de droit : la garantie du juge naturel.
C’est quoi le juge naturel ?
C’est le juge du domicile de celui-ci qui est le plus à même de juger des actes dans le respect des coutumes, de la culture et des moeurs du lieu de vie de celui qui les a commis. Là, on nous parle d’une guerre au Libéria, il y a 27 ans… Sur les bancs de l’Uni, où le Président du TPF Bacher a aussi frotté ses jeans, on nous a appris que c’est le principe de la territorialité qui s’est imposé comme principe de base dans l’ordre juridique suisse. L’accusé – présumé innocent, même Libérien – devrait donc être jugé à l’endroit où le crime a été commis. Et pas seulement à cause de lui, mais aussi des victimes ! En l’occurrence, elles ne peuvent même pas être présentes, empêchées de se déplacer à cause du COVID.
Soyons logiques. Si le droit naturel pointe du doigt le domicile de l’auteur ou celui du lieu de commission des actes reprochés, c’est parce que la proximité géographique accordera au juge une position privilégiée dans le travail d’évaluation du cas. Pourtant aujourd’hui on veut abandonner cette garantie légitime au profit de la « compétence universelle » à savoir la compétence d’un Etat de juger des faits commis à l’étranger, par un étranger contre un étranger. Le juge va donc inévitablement se retrouver dans une situation où il lui manque tout le bagage de son collègue, juge naturel. La distance géographique, les différences culturelles, les années écoulées, des règles juridiques différentes vont rendre la tâche difficile – voire impossible -pour ce Tribunal parachuté en zone inconnue. Impossible qu’il puisse prendre pleinement connaissance du contexte et des circonstances.
Et, sans compter l’inévitable manque de compréhension découlant de ces différences culturelles et légales, comment éviter au juge universel les préjugés ou les idées préconçues à l’égard de l’accusé ou du contexte et de l’époque où les faits se sont produits. Bien sûr, les crimes doivent être punis, mais dans un lieu et par des gens qui peuvent en appréhender toutes les facettes.
Sun Tzu, l’avocat stratège de la subtilité
10/25/2016 § 2 Commentaires
Extrait du Journal @MeFaire, du 20 octobre 2016…
… où, en rattrapant son retard dans la lecture de la Revue de l’Avocat (6/7 2016, p. 255), on tombe sur un article intéressant consacré aux « Similitudes entre les outils militaires pour l’aide à la prise de décision et la pratique du métier d’avocat ». Original comme approche. La contribution est rédigée par deux Confrères évidemment habitués à troquer la robe pour le treillis.
Selon eux, schémas à l’appui, il y a, un parallélisme indéniable entre notre beau métier et les activités de conduite de la chair à canon en cas de conflit, notamment quand il s’agit de prendre des décisions, afin d’allier pragmatisme et efficacité dans l’exécution du mandat.