L’art et la manière de présenter ses excuses
07/12/2016 § 1 commentaire
Extrait du Journal @MeFaire du 11 juillet 2016…
… où l’on apprend que David Cameron va présenter sa démission à la Reine ce mercredi ensuite du marasme créé par le Brexit.
Cette énième péripétie, ensuite des excuses à géométrie variable présentées par des politiciens de tous poils, traumatisés par leur défaite, conduit à une petite réflexion sur l’art et la façon de faire publiquement acte de contrition, une figure pas seulement imposée aux hommes politiques, mais aussi aux accusés.
Eh oui, au terme du procès pénal, une fois les plaidoiries pliées, juste avant que le Tribunal n’entre en délibération, l’accusé a l’occasion de s’exprimer une dernière fois, tout seul, sans filet, pour faire part de son sentiment à la Cour quant aux reproches qui lui sont faits.
Même celui qui se prétend innocent (et, parfois, il l’est vraiment, ne vous en déplaise Mesdames, Messieurs les Juges) « Lire la suite »
Quand le mot d’excuses de l’accusé se retourne contre lui…
05/19/2016 § 1 commentaire
Extrait du Journal @MeFaire, le 18 mai 2016…
… où nous voilà donc que devant un charmant petit Tribunal d’arrondissement, surplombant un lac non moins charmant, pour le procès de ce braqueur qui, avec ses deux complices, pour obtenir les codes de d’ouverture du coffre-fort, n’a pas hésité à pointer une arme chargée, désassurée, avec une cartouche engagée devant le percuteur, chien armé, sur la tempe de mes clients, 2 employés de banque qui se sont fait interceptés un matin de décembre, à l’aube, à leur arrivée au travail.
L’audience se déroule sans particularité notable. L’accusé persiste dans sa version des faits, selon laquelle il est resté à l’extérieur de la banque pour faire le guet.
Non, Madame la Présidente, ce ne sont pas mes traces de semelles que l’on a trouvées dans le bâtiment, l’un de mes comparses avait les mêmes. Mon ADN sur le pistolet ? C’est uniquement parce quje l’ai touché avant en le donnant à mon complice. Quant au fait que mes fringues sont strictement les mêmes que l’individu sur la vidéo qui menace et frappe les deux employés à terre, on était tous habillés la même chose, cela ne veut rien dire.
L’un des moments forts de l’audience reste l’audition de l’un de mes clients, visiblement encore très marqué par ces événements. S’exprimant avec une rare pudeur, il en est presque à minimiser son vécu après les faits, alors que son épouse nous confiait lors d’une pause qu’il faisait encore des cauchemars la nuit et que, il n’y a pas si longtemps, assoupi sur le sofa du salon, il s’était fait réveiller par surprise par son fils qui rentrait à la maison, et avait réagi très fortement.
Un autre point saillant de cette affaire se rapporte aux deux lettre d’excuses adressées par le braqueur à mes clients. Lettres manuscrites, dans lesquelles il reconnaît que l’attaque qu’ils ont subie a été d’une grande violence et qu’il regrette énormément d’y avoir participé.
Élément totalement périphérique d’un procès pénal, la lettre d’excuses est pourtant toujours un argument récurrent dans les réquisitoires du procureur et les plaidoiries des avocats.
Si l’accusé n’en fait pas, c’est le signe d’une bassesse sans nom et la démonstration d’une absence totale de prise de conscience de ses actes, selon le procureur qui va s’en donner à cœur joie, relayé par les avocats des parties civiles.
Si le « méchant » se fend de quelques mots maladroits, griffonnés sur un bout de papier trouvé dans la cantine de la prison, c’est à coup sûr son avocat qui lui a conseillé d’agir de la sorte, pour éviter de s’attirer les foudres du Tribunal. C’est parfois, même souvent, vrai, il faut le reconnaître. L’avocat de la défense glisse souvent ce conseil à son client, car cela fait justement partie de son rôle de conseil. Et ne perdons pas de vue que, souvent, les accusés regrettent réellement leur geste, mais ne savent pas comment faire passer le message étant donné que les cases « éducation » de leurs codes génétiques ne sont pas toutes correctement remplies.
Ce qui est paradoxal, c’est que, dans ce second cas de figure, tout le monde dira alors que ces excuses ne sont que du flan, par ce que c’est l’avocat qui les a dictées. On l’a vu, c’est souvent exact. Mais que faire, puisque, dans les 2 cas, l’accusé sera critiqué ?
Fermons cette petite parenthèse introductive et revenons à notre cas. Pour le Proc’, ces mots d’excuse ne sont que des larmes de crocodiles. Et c’est assurément vrai, vu l’attitude du bonhomme et son passé (14 condamnations à 28 ans, c’est presque le Guiness !¨). Mais il y a mieux. Dans ses lettres, sincères ou non, peu importe, l’accusé reconnaît implicitement être entré dans la banque et avoir personnellement molesté les deux employés pris en otage. Alors, ce fameux mot d’excuses, censé n’avoir d’importance que pour l’appréciation de la mesure de la peine, en devient presque un élément de preuve à charge, ce que son auteur n’avait jamais imaginé.
Il s’en est rendu compte en audience. On ne peut pas dire que les bras lui en sont tombés, mais en tout cas, ses épaules se sont affaissées. Surtout, lorsque le procureur a requis 8 ans de réclusion, alors qu’il espérait manifestement s’en tirer avec environ 5.
Le verdict n’est pas encore tombé. Le Tribunal cogite.
Nous serons fixés lundi…
Le minimum syndical
10/24/2013 § 1 commentaire
François est membre de la direction d’une institution accueillant des adultes victimes d’un handicap psychique. A ce titre, il est salarié comme tout le personnel de l’institution, du directeur au simple marmiton, en passant par les maîtres sociaux – professionnels en charge des résidents.
Durant l’été, le syndicat du service public, dont dépend le personnel de l’institution, a organisé une réunion d’information sur différents sujets. François, en sa qualité de salarié, a voulu se rendre à cette réunion qui se tenait dans un restaurant de la région, en compagnie d’autres membres de la direction, tout aussi salariés que lui. À leur arrivée, ils s’attablent sur la terrasse et commandent des consommations. C’est alors qu’une représentante du syndicat intervient et leur a fait savoir qu’ils ne sont pas les bienvenus, car ils sont membres de la direction et que, par conséquent, leurs collègues n’oseront pas s’exprimer librement. La discussion s’engage et, tout à coup, la représentante en question lance à François : « Vous devriez arrêter de boire ! ». Celui-ci lui montre son verre qui contient de l’eau minérale.
Le lendemain, la syndicaliste, se doutant bien qu’elle était allée trop loin, adresse un courriel au directeur de l’institution pour revenir sur la réunion du soir précédent et, en conclusion, déclare que, s’agissant de François, ses propos ont dépassé la limite et qu’elle les regrette .
François, vexé – et on le comprend – d’avoir été traité d’alcoolo devant ses collègues vient consulter votre serviteur pour savoir s’il a bien été victime d’une atteinte à l’honneur et s’il est en droit de déposer une plainte pénale.
La question de savoir si le fait de traiter une personne d’alcoolique devant des tiers l’a fait apparaître comme méprisable aux yeux du public pourrait être le lieu d’un débat de société intéressant, encore que, une réponse positive puisse être objectivement donnée dans pratiquement tous les cas de figure. Mais, là n’est pas la question aujourd’hui. Je suggère à François, plutôt que de faire du droit, d’agir sur le plan du savoir-vivre et de l’amour-propre. Il faut obtenir des excuses écrites, qui lui seraient personnellement adressées, suggestion qu’il accepte. J’adresse donc un courrier à notre fameuse représentante en lui demandant de s’excuser dans les formes, faute de quoi mon client se réserve le droit de déposer une plainte. Quelques jours plus tard, je reçois non pas une lettre, mais un simple courriel dans laquelle cette personne dit que, bon finalement, elle s’est déjà excusée une fois, elle ne voit pas l’utilité de le faire une seconde fois, mais elle le fait quand même.
Mon brave François, à qui je transmets ce courriel, me rétorque à juste titre : « Elle pourrait tout de même y mettre les formes et me l’écrire personnellement, comme cela lui a été demandé. » Rebelote, nouvelle correspondance à cette brave dame pour lui dire que mon client attend des excuses correctement rédigées et formulées. Et ce matin, qu’est-ce que je reçois ? Un bout de carte-réponse estampillé aux couleurs du syndicat et au travers duquel ces quelques mots sont griffonnés par-dessus le logo et les différentes coordonnées postales et téléphoniques : « Monsieur, par la présente, je vous présente mes excuses pour mes propos ».
Je dois être vieux jeu, dépassé, souffrant d’une inculture crasse et privé de toute éducation, mais je trouve le procédé choquant et témoignant d’une pauvreté d’esprit insondable, surtout venant de la part de personnes adorant faire la leçon à ceux qu’ils considèrent comme des énarques et des exploiteurs du peuple. Encore heureux qu’elle n’était pas aux toilettes quand elle a rédigé sa bafouille, je vous laisse imaginer le support qu’elle aurait utilisé… L’un de mes collaborateurs a trouvé les mots pour résumer la situation : « Ce doit être cela le minimum syndical ! »