Juillet…

… où, en pleine canicule, que peut-il y avoir de plus vivifiant qu’un Tango with Lions, à l’heure nocturne où le mercure recommence à tutoyer les 20° sur la terrasse ?

Le 1er…

… où l’on a rendez-vous l’après-midi à la prison de la Comté pour travailler sur les arguments d’une requête de mise en liberté. Euh, en fait, non… Le client a appellé pour repousser notre rencontre au lendemain, si possible. Le lundi après-midi, il a cours de français, puis sport…

Le 2…

… où on a réussi à caser le matin, première heure, le rendez-vous de la veille.

Le client non seulement apprend le français, mais aussi les bonnes manières. Il reçoit son avocat avec café, branche Cailler XXL et eau minérale fraîche.

Au boulot !

Le 3…

… où on lit ce passage édifiant dans un dossier concernant un accident de chantier.

La police : Avez-vous demandé à vos ouvriers de mettre un casque ?

L’entrepreneur : Non, ils sont dans la camionnette. On travaille sur les toits, pas en dessous !

Et pour aller sur le toit, ils volent ?!?

Le 4…

… où l’efficience de certains coreligionnaires interpelle.

10 pages de considérations diverses sur le mérite de notre requête urgente de mesures provisionnelles pour, finalement, acquiescer sans broncher à nos deux conclusions !

Dont acte. Soupir….

Le 5…

…. où l’excellent LawInside.ch commente un arrêt de nos merveilleux juges fédéraux qui n’ont pas leur pareil pour expliquer que le Mieux est l’ennemi du Bien (Célian Hirsch, L’accès au compte Gmail de l’ex-époux grâce au mot de passe trouvé, in : http://www.lawinside.ch/774/).

La situation :

Séparée de son époux, une femme trouve par hasard le mot de passe du compte Gmail du conjoint désormais honni. Elle accède ainsi à ses données, aux échanges entre celui-ci et son avocat, ainsi qu’à plusieurs photos croquignolettes.

Avant d’utiliser ce mot de passe, elle a d’abord demandé l’avis de son beau-frère, procureur général dans un autre canton, lequel lui a confirmé la licéité de l’accès ainsi obtenu à ce compte qui n’est pas le sien ! La brave dame a encore procédé à des recherches sur Internet avec des mots-clés ciblés sur la problématique de l’utilisation de données personnelles de tiers, comme un ex-conjoint par exemple, et ses éventuelles conséquences pénales. En fin de compte, elle a aussi demandé l’avis de son avocat qui s’est apparemment abstenu de contredire le Proc…

Et donc ?

Baf ! Condamnée pour utilisation d’un système informatique (art. 143bis CP) qui punit celui qui s’introduit sans droit, au moyen d’un dispositif de transmission de données, dans un système informatique appartenant à autrui et spécialement protégé contre tout accès de sa part.

Alors, les deux questions posées au TF étaient de savoir si le fait d’avoir trouvé par hasard le mot de passe rentre dans le champ d’application de cette disposition et si la dame pouvait légitimement se croire en droit d’agir sur la base des infos dont elle disposait.

A la première question, il répond par l’affirmative. Le fait que l’ex n’ait pas trouvé le mot de passe à l’aide d’une recherche active, mais qu’elle soit tombée dessus accidentellement, ne change rien au fait que le moyen par lequel la sécurité du « dispositif de transmission de données » a été outrepassé contre la volonté de l’ayant-droit. Jusqu’ici rien à dire.

Par contre, la réponse à la seconde question est plus tarabiscotée.

La dame considérait que, bien qu’elle se soit posé quelques questions, son beau-frère qui exerce comme procureur général dans un autre canton, l’avait conforté dans son bon droit et son avocat ne l’avait pas contredit. Elle estime donc avoir agi de bonne foi.

Le TF s’est donc penché sur l’art. 21 de notre Code pénal qui dispose que quiconque ne sait ni ne peut savoir au moment d’agir que son comportement est illicite n’agit pas de manière coupable. Et c’est là que nos penseurs se lâchent. Pour eux, lorsqu’une personne qui n’est pas familière avec le droit se fie aux conseils d’une personne qui connaît le droit, une erreur de droit ne peut être admise comme « inévitable » que si l’information a trait à une question juridique complexe et que l’examen est exhaustif. Or, toujours selon eux, le procureur n’avait pas procédé à cet « examen exhaustif », mais uniquement à une simple consultation de la loi. Il s’est ainsi borné à partager son opinion juridique, laquelle ne constitue pas une information contraignante d’une autorité compétente. En outre, la question juridique qui se posait n’était pas encore tranchée et était vivement débattue en doctrine. L’ex-épouse ne pouvait donc pas se contenter des assurances de son proc’ de beauf. De plus, le fait qu’elle ait ensuite procédé à des recherches sur Internet et demandé l’avis de son avocat démontre qu’elle avait encore des doutes sur la licéité de ses actes.

Et voilà ! Amis non-juristes, si vous voulez demander l’avis des juristes de votre famille (à moins qu’ils ne soient juges au TF), demandez-leur d’appuyer leurs élucubrations d’un pensum basé sur une analyse complète du système légal et des opinions divergentes de certains auteurs. Puis, abstenez-vous de vous poser d’autres questions et, jamais au grand jamais, n’allez frapper à la porte d’un avocat, car, s’il vous dit des bêtises, ce sera votre faute quand même…

Moralité :

Le 8…

… où il semble que les sirènes du marketing perturbent sérieusement certains confrères, telle cette avocate d’une Comté voisine qui imprime en filigrane sur sa procuration, sa photo en couleur, dans une pose digne d’une série télé américaine.

Serais-je en train de devenir totalement has been ou y a-t-il quelque chose de pourri dans le royaume de Danemark ?

Le 9…

… où que peut-il bien y avoir de plus incertain que l’application du droit, se demande-t-on en marge de cette discussion entre avocats et nos clients respectifs ? Nous tombons d’accord avec mon Confrère qu’il s’agit de l’humeur du Juge de cette Comté particulière, suivant laquelle le cours de la procédure pourrait bien se compliquer un tantinet.

Question légitime ; peut-on appeler avant l’audience pour savoir s’il sera bien ou mal luné ?

Le 10…

… où l’on teste à notre corps défendant cette détestable manie de certains membres de l’administration de vouloir nous faire comprendre qui est le chef et a le pouvoir de nous enquiquiner.

Arrivée ce matin à la prison où je me rends deux fois par semaine depuis deux mois pour rencontrer mon client. D’habitude, il y a entre deux et trois gardiens à l’accueil. Aujourd’hui, une seule personne est présente.

– Vous êtes MeFaire ?

– Oui.

– Pièce d’identité…

– Madame, non seulement vous venez de m’appeler par mon nom, mais en plus vous me voyez passer devant ce guichet depuis maintenant deux mois, presque deux fois par semaine…

– C’est le règlement… Et puis nous devons contrôler votre sacoche. Vous devez aussi poser vos affaires dans un des casiers et n’emporter que le strict minimum. Veuillez aussi enlever votre ceinture et tout objet métallique avant de passer dans le portique.

– Madame, il y a des règles qui s’appliquent aux visites des avocats, vous le savez…

– Bon, puisque vous le prenez ainsi, j’appelle un supérieur !

PS 1 : le supérieur arrive, s’excuse et m’explique que ces règles de sécurité sont pour ma protection. Comme on se connaît un peu, je lui fais tout de même remarquer que ça fait un bout de temps qu’ils me voient passer et que je sais où je suis. Oui, bien sûr, répond-il, mais certains avocats se permettent n’importe quoi. Il y en à même un qui a apporté un natel à son client me dit-il ! C’est juste, mais c’était il y a quelques années et il a été justement sanctionné. C’était une exception. Me suis-je déjà comporté de manière discutable dans vos murs ? Mais non, mais non !

PS 2 : Moralité : la dame de l’entrée n’a pas regardé ma carte d’identité, m’a fait fait enlever ma ceinture, mes clés et tout le barda, sans me faire traverser le portique ensuite. On a perdu 15′. Tout ça pourquoi ?

PS 3 : Heureusement, mon client m’attendait au parloir avec un café et une branche de chocolat !

Le 11…

… où, une fois n’est pas coutume, le Tribunal fédéral est réceptif au sens de l’humour du Barreau.

On apprend qu’une avocate du bout du Lac, désignée défenseur d’office dans une cause pénale avait demandé l’accès à toutes les décisions et ordonnances rendue par sa Comté durant les 10 dernières années. Bien évidemment, cette demande, qualifiée d’incongrue, avait été fraîchement accueillie par le Greffe concerné. Et, courageusement, notre brave confrère s’en est allée portée sa supplique jusque sur les marches du TF… qui lui a ouvert ses portes.

Malgré le travail énorme (d’anonymisation des décisions notamment), il n’y a pas à barguigner. Le principe de publicité de la justice est un principe fondamental de l’État de droit qui poursuit deux buts. Protéger les parties impliquées dans une procédure et, surtout, assurer la transparence de la justice ! Dès lors, les tribunaux ont l’obligation minimale de mettre leurs décisions à disposition du public, avec la possibilité d’en faire une copie. Avec un sens de l’humour égal à celui de notre confrère, les Juges fédéraux considèrent que d’anonymiser plus de 20’000 décisions (dix ans de jurisprudence pour ce Tribunal) constitue une obligation de résultat qui ne peut être limitée en raison de l’ampleur de la tâche.

Sûr que ça va donner des idées à certains, mais c’est aussi ça la démocratie…

(source : TF, 07.06.2019, 1C_394/2018)

Le 12…

… où ce matin, le secrétariat croule littéralement sous le courrier, signe avant coureur des féries qui approchent.

Le 15…

… où c’est donc le premier jour des féries judiciaires, rupture du continuum espace-temps juridique, et l’occasion pour votre serviteur de prendre congé jusqu’au 15 août. Bel été !

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