Juin…
… où, il n’y a que jeter un œil à Outlook pour que la rumeur se confirme. Nous voilà en plein June’s Madness. Restons zen. Les hasards d’une playlist de Spotify nous fournissent l’antidote idéal à l’agitation ambiante, au travers de retrouvailles avec un vieux copain. One Side of the dawn / Knows that all this belongs to me / One celestial rhapsody / And heaven stood still. Willy unplugged, avec un vieil Highland Park, sur un ciel zébré d’éclairs, à l’abri sur la terrasse, essayant d’anticiper demain. I’ll be back tomorrow night pal…
Le 4…
… où, bon, c’est pas tout ça, mais en attendant de (re)prendre un verre cette nuit en tête à tête avec l’auteur d’une des plus belles reprises de Hey Joe, il y a plusieurs piles de linge à repasser. Et elles sont plutôt cossues…
L’une d’elle se révèle d’ailleurs un fichu casse-tête, puisqu’il s’agit d’accorder nos violons à une « spécialité locale ». Nous sommes en 2018, 7 ans après l’introduction d’un Code de procédure civile unifié pour toute l’Helvétie. Pourtant, certains magistrats n’arrivent pas à s’affranchir définitivement de quelques règles, de présentation des faits notamment, pourtant devenues obsolètes.
Là, il s’agit de répertorier et de lister pour un juge du fonds du Valais les moyens de preuves (que l’on a déjà invoqués bien comme le prescrit le Code), mais pas tous. Uniquement ceux en relation avec les faits contestés de l’autre partie… qui en a allégué 153 !!!
Cela ne servira vraisemblablement à rien, sauf à causer un fameux mal de caillou.
Allez, Heaven stood still
Le 5…
… où l’on poursuit avec les spécialités des magistrats, mais, à la différence de la veille, le sujet du jour constitue un travers passé, présent et… vraisemblablement futur chez bon nombre de juges, puisque la loi ne prévoit aucun garde-fou.
Vous avez tous vu l’une ou l’autre série judiciaire made in USA et apprécié ces moments toujours trépidants où avocats et procureurs mettent les parties sur la sellette au travers d’un interrogatoire serré. En principe, il est interdit de poser une question qui contienne déjà la réponse. Objection votre honneur ! Retenu !
Sur nos monts, il n’existe pas de règle équivalente. Le magistrat est libre de poser et/ou d’admettre les questions posées, selon son bon vouloir ou l’humeur du jour. Et cet après-midi, c’est exactement ce qui s’est passé dans cette salle d’audience où, à plusieurs reprises le juge questionne l’une des parties en commençant : Q : En fait, comme il s’agit bien de [cela], c’est comme [ceci] que les choses se présentent. C’est bien ce que vous voulez dire ? R : Euh oui… Et il est inscrit au PV « Je confirme qu’il s’agit bien de [cela] et que les choses se présentent comme [ceci] ». Pour orienter une déclaration dans le sens voulu, il n’y a pas de meilleure façon. Et pour s’en défendre, il faut contrer le juge, ce qu’il apprécie toujours au plus haut point. Rien de tel pour mettre un peu d’ambiance dans la salle de Tribunal.
Heureusement – pour une fois ! – les deux parties étaient d’accord sur les faits et leurs conséquences. Mais, il faut bien l’avouer, dans ce métier, c’est plutôt rare…
Le 6…
… où en ce jour de péril lusitanien (ne me demandez pas pourquoi aujourd’hui, sais pas, mais il y a des jours où le fado craint; parce que, entre la dame qui veut recourir contre le divorce définitivement prononcé il y a plus d’un an, car, finalement, Monsieur devrait payer plus, et le chauffeur qui est persuadé d’être suivi nuit et jour par la police) il y aurait de quoi dire…
Non, il y a au moins un Confrère qui nous a fait bien rire ce 6 juin. Celui qui nous a écrit : votre client serait rudement bien inspiré de trouver un arrangement financier avec le mien, cela donnera une meilleure impression devant le Juge.
Voici un homme de robe selon mon cœur. Au diable la langue de bois !
Le 7…
… où on connaît les clients qui arrivent en retard, ceux qui arrivent très en retard, sans s’excuser, ceux qui n’arrivent pas, sans s’excuser également, ceux qui ne veulent plus venir, ceux qui n’arrivent pas, qui n’ont pas pu, etc…
Mais cette semaine voit l’émergence d’une nouvelle catégorie : ceux qui arrivent en avance, voire très en avance. Et, puisqu’ils sont là, certains ne veulent pas attendre ! Ben, c’est normal, ils n’ont pas que ça à faire, eux… surtout avec les tarifs que vous pratiquez Me, vous pouvez avancer l’horloge !
Ben voyons. L’heure, c’est l’heure. Avant l’heure, c’est pas l’heure. Après l’heure, c’est plus l’heure.
Le 8…
… où nous sommes dans l’orfèvrerie, en débattant avec plusieurs confrères sur le sexe des anges, sous la haute autorité d’un ancien juge à la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH), ledit sexe étant la Convention du même nom, ceci afin de passer en revue les arguments possibles (et surtout recevables) du recours sur lequel nous planchons depuis quelques semaines déjà.
Aller à Strasbourg, c’est un peu comme dans un jeu vidéo. Sauf que chaque fois qu’on perd, on passe au niveau (degré de juridiction) suivant. Sinon, c’est le même principe. Il y a différents niveaux préliminaires, soit les différentes procédures nationales. Puis, quand on arrive au niveau suprême, celui de la CEDH, il faut d’abord passer le gardien du Temple, le Juge unique qui examine la requête et décide sans appel, si ça l’intéresse… ou pas, avant d’être autorisé à engager la partie finale.
Au moins 95% des requêtes sont rejetées d’emblée, ce qui nous laisse une jolie marge de manœuvre.
Le 11…
… où l’on arrive au Tribunal sous protection policière… où on est d’emblée mis dans une salle séparée, avec un agent pour garantir notre sécurité, où l’on entend les parties, mais séparément…
Procès de grand banditisme ? Vendetta ? Omerta ? Secrets d’Etat ?
Que nenni !
Fixation d’une contribution d’entretien pour un enfant devenu majeur…
Rien à dire, on n’arrête pas le progrès…
Le 12…
… où, décidément, on ne parle que de récusation ces temps-ci.
Le Tribunal fédéral a déjà considéré, il y a peu, que la proximité d’un procureur avec une proche collaboratrice du gouvernement n’était pas à proprement parler un motif de récusation, à défaut d’autres indices permettant de suspecter une prévention à l’égard d’une partie dans une procédure pénale.
Et voilà qu’on tombe par hasard sur un nouvel arrêt (5A_701/2017) de nos Grands Penseurs qui tordent le cou à un argument très en vogue dans les récriminations des justiciables : « Un magistrat doit-il se récuser s’il est ami sur Facebook avec une personne impliquée dans une procédure ? »
On ne peut nier le bon sens des Juges fédéraux sur ce coup-ci : « Une «amitié» sur Facebook ne renvoie pas encore à des relations d’amitié au sens traditionnel. Pour fonder une «amitié Facebook», un sentiment réciproque d’affection ou de sympathie n’est pas forcément nécessaire. Certes, le cercle des «amis Facebook» peut aussi comprendre des personnes avec lesquelles on entretient régulièrement des relations dans la vie réelle; peuvent toutefois également en faire partie des gens que l’on qualifierait uniquement de simples connaissances ou des individus avec lesquels on ne partage qu’un intérêt commun pour un domaine particulier et uniquement sur le réseau social. Selon des études récentes, à partir de plus de 150 «amis Facebook», il faut par ailleurs aussi compter avec des personnes avec lesquelles on n’entretient aucune relation ou que l’on ne connaît même pas. Par conséquent, en l’absence d’autres indices, une «amitié Facebook» ne permet pas à elle seule de conclure à l’existence d’une relation d’amitié propre à fonder une apparence de prévention. »
Le 13…
Le 14…
Le 15…
Le 18…
… où le client qui, depuis 2 heures, nous envoie son dossier par bribes d’e-mails et à qui on fait suite à celui que nous pensons être le dernier – soit le numéro 47 ! – : « Nous avons bien reçu vos envois », nous répond à son tour : « Merci, mais ce n’est pas fini. Là, j’en ai assez, je descends à la plage manger des fruits de mer et je vous enverrai la suite demain ! »
… soupir …
Le 19…
… où, selon toute probabilité, des fruits de mer avariés ont eu raison de notre client de la veille, car il ne donne plus signe de vie.
Envoyer une équipe de secours ? Certes, mais sur quelle plage, de quel littoral ?
Le 20…
… où l’on reçoit une lettre d’une protection juridique qui, après 15 jours de réflexion, nous informe que, en définitive, elle estime les chances de succès d’un recours au Tribunal fédéral de leur assuré (notre client) dénué de toute chance de succès, parce que l’argumentation de la Cour cantonale les convainc totalement.
Donc, elle retire sa couverture d’assurance. Bien sûr, si le client devait néanmoins de choisir de continuer la procédure et que, contre toute attente, le TF lui donnait tout de même raison, il participerait gracieusement aux frais de l’aventure !
L’échéance du dépôt du recours est lundi, dans 4 jours. Le recours est pratiquement ficelé, 25 pages…
Informer le client… simple…
Le 21…
… où l’on prend en cours de géologie accélérée en pleine audience, avec l’audition d’un expert. Un homme affable, au regard malicieux et assez au taquet sur certains termes.
Le Président : Alors, si nous considérons cette nappe phréatique…
L’expert : Euh… Monsieur le Président, je préférerais que vous utilisiez le terme d’aquifère local !
Le Président : Ah… d’accord: Bon, ça ne va pas être simple et je sens que je vais y perdre mon latin. On reprend. Donc, si l’on considère cet aquifère local…
Dans ce registre, mon client, un architecte pointilleux, n’était pas mal non plus.
Le Président : Pouvez-vous m’expliquer pourquoi avoir choisi cette manière de procéder ?
Le client : Vous voulez la version courte ou longue ?
Le Président : J’ai tout mon temps…
Le 22…
… où l’on peut féliciter l’auguste Faculté de droit de l’Université de Fribourg pour avoir organisé cette semaine non pas un, mais deux séminaires importants pour tous les stakhanovistes du Barreau (marchés publics et circulation routière), qui chacun dure une journée entière.
Easy les gars. C’est le mois de juin où tous les avocats se tournent les pouces en attendant juillet et les féries judiciaires. Les échéances ne tombent pas comme la vérole sur le bas clergé espagnol et les audiences ne s’enchaînent pas au point que l’on a l’impression de faire les trois huit.
Moralité, pas moyen d’y mettre les pieds. Ce sont mes chers padawans qui ont donc eu la noble mission de ramener la doc à la FaireCave, littérature qu’on lira entre deux polars, justement quand on sera enfin au bord de la piscine…
Le 25…
… où avec une requête à déposer à Strasbourg, avant la fin de la semaine, on passe en DEFCON 2
Le 26…
… où on remercie ce Confrère qui, il y a quelques semaines déjà, nous avait fait bien rire en écrivant que notre client serait bien inspiré de transiger avec le sien, de venir dérider à nouveau une journée de stress.
Ne voyant rien venir de notre côté, il écrit qu’il reste comme Anne, ma Sœur Anne…
Le 27…
… où l’on se rappelle de l’adage « aux innocents les mains pleines« .
Cela fait bien une heure que l’on bataille ferme dans la Conference room de la FaireCave. Le sujet est délicat, le client, qui entend obtenir la cession d’un droit d’achat sur une parcelle, se demande si, une fois la cession accomplie, il pourra s’adresser au Registre foncier pour faire inscrire le verbal de division de la parcelle en question et obtenir un permis de construire contre le vœu du propriétaire qui, pour des raisons personnelles veut bloquer la zone à bâtir. C’est du chinois pour les non-initiés, certes, mais en mode juriste, on appelle ça des droits réels. Non pas parce qu’on peut les toucher, mais en raison de l’étymologie latine du nom, res, la chose. Donc, ce sont les droits qui se rapportent aux choses mobilières et immobilières
Comme le lopin de terre litigieux se situe au-delà du Röstigraben, nous nous sommes attachés les services d’un Confrère maitrisant la langue de Goethe, afin de pouvoir négocier avec les tribus locales.
Peut-on – ou pas – demander l’avis du Conservateur du Registre foncier de l’endroit ? La législation en la matière est certes partout la même, mais chaque Landerneau a ses petites spécificités qu’il faut connaître avant de se lancer. On appelle ça le fédéralisme, paraît-il.
Bref, la discussion continue, lorsque notre Confrère germanique lâche : Te doute façon, là-bas, c’est moi l’Audoridé te surfeillance du Registre fonzier…
Le client soupire, Me Granadina s’accroche à sa chaise pour ne pas tomber. Bibi : Pardon, ça fait une heure qu’on se pose une question technique et ce n’est que maintenant que vous nous dites que, non seulement vous êtes la personne la plus qualifiée autour de cette table pour y répondre, mais que, en plus, vous siégez dans l’autorité de surveillance concernée !
Aux innocents les mains pleines, certes, mais d’abord mon Lexotanil.
Le 28…
… où un gros paquet part vers Strasbourg, chargé d’autant d’incertitudes que d’espoir, mais aussi lesté de pas moins 1493 pages de documents « indispensables », selon le mode d’emploi fourni par la Cour Européenne des Droits de l’Homme.
Ils accompagnent un formulaire de 13 pages, sur lequel il n’y a que trois pages que l’on peut consacrer aux faits, pas une ligne de plus et avec une police bien définie (pas possible de faire du Times New Roman 3,5), et deux pages strictes pour exposer les griefs. Une annexe de maximum 20 pages pour développer les griefs est autorisée. La nôtre fait 6 pages. Restons modestes.
Notre petite bafouille sera d’abord lue par un Juge qui décidera en vertu de son pouvoir discrétionnaire et divin, si la Cour entre en matière ou non. Décision sans appel.
Incertitudes et espoir… Mais, impossible de ne pas imaginer que ce mode de procéder préfigure l’accès au tribunaux dans le futur.
Le 29…
… où, chemin faisant vers la FaireCave, on croise Me Pidgi et sa vaillante secrétaire, en mode café sur la terrasse. Il est bien tôt pourtant…
– Oui, je sais, mais on vient de se faire virer de L’Étude par ma fille…
– ???
-Ben, hier soir, il y avait le Valete (NdR : la fête des collégiens qui ont passé leur Bac). Ma fille a dormi après au bureau avec des copains. Il y en a un qui a vomi. Alors, maintenant, ils nettoient…