Juin…

… où ce Journal ne commence pour de vrai qu’avec un Tango with Lions, au soleil couchant, depuis le spot confidentiel de la célèbre MeFaireFirm… soit une terrasse, mais pas n’importe laquelle…  my Terrace at Lyceum Mansion. Dans une alcôve, éclairée par une Luciole, parce que, au-delà, justement… c’est la tempête, ciel zébré d’éclairs, Éole de mauvais poil. In a bar  colle parfaitement à l’ambiance, avec la voix de Katerina, qui donnera un petit côté mystique à la rédaction de cette chronique. La bande-son de Juin sera donc résolument nonchalante…

Le 1er …

… où, donc, météo et rock influencent de manière notable la préparation de la journée du lendemain.

Bon, quand il est question de défauts de construction, il suffit de pas grand chose pour transformer une pile de plans, factures et autres avis de spécialistes en lecture passionnante… euh bon, n’exagérons rien, ça rend juste l’ambiance moins désespérante…

Encore que… Pour certains, musique = torture. Et ce n’est pas des blagues, ou des élucubrations tirées d’Orange mécanique. A l’occasion du décès cette semaine du Général Noriega, on apprend au travers d’un commentaire que les Ricains ont tenté de le déloger de son palais panaméen en jouant à plein tubes du rock’n’roll sous ces murs. Sans succès. Comme quoi….

Le 2 …

… où l’on lit avec intérêt une étude sur l’infaillibilité de la Justice, et la construction de ce mythe, au travers de l’analyse du mécanisme de l’erreur judiciaire.

Le 5 …

… où, en ce jour de Pentecôte, notre jeune padawan, Me Panda, pouvait être tenté de croire que, si tous les chemins mènent à Rome, ceux de la Permanence le mèneraient à la félicité.

Ce fut presque le cas…

La Perm’, c’est un peu comme les dragées surprises de Bertie Crochu…

… comme dit Ron : Il y a toutes sortes de parfums. Si tu as de la chance, tu peux avoir chocolat, menthe ou orange, mais parfois, on tombe sur épinards ou foie et tripes.

La Perm’, c’est pareil. Le téléphone sonne. Si on a de la « chance », c’est un crime bien cossu, avec police scientifique, procureur et tout le tintouin. Mais, parfois, c’est juste une patrouille pour un mec bourré à la sortie du bistrot qui abreuve de son indignation la maréchaussée.

Là, Me Panda n’a pas vu tous ses espoirs comblés, mais il s’est bien amusé quand même. Un gars s’est réveillé au milieu de la nuit et a retrouvé sa moitié au salon avec une tierce partie. Et, visiblement, il n’était pas en train de faire une partie de Scrabble. Le mari a donc appelé la Police et il en a collé une à tout le monde. A moins que ça ne soit l’inverse, les versions étant étonnement divergentes…

Reste à savoir maintenant qui portera plainte contre qui. Le mari contre l’intrus pour violation de domicile et dommage à la (sa) propriété ? La « propriété » volage contre le mari pour atteinte à sa vie privée. L’intrus pour voyeurisme ?

Le 6 …

… où sans vouloir entrer dans le débat sur les méfaits de l’alcoolisme, force est de constater que l’abus de dive bouteille (comme disait mon grand-père) chez les clients peut aussi contribuer indirectement à compliquer la vie de l’avocat.

Par exemple, quand il vous balance un mail à 23:41, visiblement ému. Ce n’est pas tant les fautes de frappes qui interpellent le fin limier qui vous écrit ses lignes,. Il y a des chefs d’entreprises qui carburent au thé vert, mais qui ne sont pas fichus de vous torcher une phrase correcte. Non, c’est plutôt les paragraphes dont le sens profond échappe au commun des mortels, même fatigué par une dure journée de labeur au champ… pardon au bureau.

Et le pompon, s’est de se faire agoniser pour n’avoir pas déjà balancé en travers de la figure de la partie adverse les arguments forcément imparables contenus… dans le fichier joint !

Merci, maintenant qu’on sait  de quoi on parle, on va pouvoir bosser sans se faire enguirlander !

PS : toujours avoir un bouquin de Luc Ferry à côté du lit, pour s’endormir avec le sourire, après avoir reçu ce genre de sympathique rappel à l’ordre.

Le 7 …

… où l’on prend la mesure de ce que « relation thérapeutique » signifie pour un psy à qui l’assurance de son patient demande de commenter les motifs qui l’ont conduit à retenir une incapacité de travail totale et qui répond qu’il ne se justifiera pas, sinon ça cassera la relation thérapeutique…

Afin de ne pas s’égarer en commentaires perfides sur cette curieuse approche, mieux vaut se référer à cette analyse toute en finesse et teintée d’une pointe d’ironie subtile de ces professionnels du cerveau :

Depuis pas loin d’un siècle qu’une baderne autrichienne obsédée s’est mise en tête qu’œdipe voulait sauter sa mère, la psychanalyse a connu sous nos climats le même engouement que les bains de mer ou le pari mutuel urbain.

On a beau savoir pertinemment que la méthode d’investigation psychomerdique élucubrée par le pauvre Sigmund n’est pas plus une science exacte que la méthode du professeur Comédon pour perdre trente kilos par semaine tout en mangeant du cassoulet, ça ne fait rien, la psychanalyse, c’est comme la gauche ou la jupe à mi-cuisse, c’est ce qui se fait maintenant chez les gens de goût.

Ce scepticisme à l’égard de la psychanalyse, mais aussi de la psychologie et de la psychiatrie qui s’y réfèrent de plus en plus, me vient, selon mes docteurs, des données de base primaires d’un caractère brutal et non émotif qui me pousse à manger le pilon du poulet avec les doigts ou à chanter l’ouverture de Tannhauser dans les moments orgasmiques.
(Pierre Desproges, Chroniques de la Haine Ordinaire, 1986)

Voilà tout est dit. Merci Docteur….

Le 8 …

où, pour cause de gestion aléatoire de l’agenda, on se retrouve non pas, à l’heure, dans l’InterCity bondé en direction de la capitale, mais, en retard, dans un train de brousse allant s’arrêter à toutes les stations.

Et, là, bonheur, la rame est vide, délicieusement tempérée, toute la place pour s’installer, brancher le laptop et vaquer à ses obligations aussi sereinement que possible.

Le 9 …

… où l’on se demande ce qui est passé par la tête du concepteur de la possibilité du double appel sur smartphone, ou comment stresser encore plus l’avocat itinérant, déjà parti en retard de la FaireCave, et maintenant coincé dans les embouteillages, parce que la FaireMobile n’est pas équipé de la fonction hélicoptère.

Vous me direz certainement qu’il y a un onglet dans Réglages pour désactiver ce mode de harcèlement. Eh bien je ne l’ai pas trouvé et si je demande à cette truffe de Siri, elle me répond « qui voulez-vous appeler » ?

Monde cruel….

Le 12 …

… où, de manière tout à fait inattendue, en fin d’après-midi, le record de durée de l’audition d’un témoin devant une juridiction de prud’hommes est allègrement battu.

2h30 ! Sans pause.

Et dire que, juste avant le début de l’audience, ce brave Monsieur, un brin nerveux avant de passer à la casserole, demandait combien de temps cela allait durer, « Parce que je dois aller chercher mon gamin à 19h00…. »

Là, il est 16h00, vous aurez bien le temps, ça ne devrait pas durer longtemps… Tu parles… Après relecture du PV, il a quitté le Tribunal à 18h50 !

Il arrive toujours des choses inattendues avec les témoins..

Un témoin, c’est l’application judiciaire de la boîte de Pandore.

D’abord, parce qu’il n’est jamais neutre. Certes, le témoin doit venir relater objectivement ce qu’il a vu, lu ou entendu personnellement au Juge ou au Procureur. Mais,  s’il est là, c’est parce que l’une des parties a signalé au magistrat l’intérêt de l’entendre. Et, à moins d’être inconscient ou suicidaire, on demande rarement  d’auditionner une personne qui ne vous serait pas favorable. Malgré toutes les précautions prises par l’avocat – dont passer vigoureusement le client à la question, pour s’assurer que ce fameux témoin n’est pas en réalité une torpille sous la ligne de flottaison du dossier – on n’est tout de même jamais à l’abri d’une (mauvaise) surprise. Oh non…

Comme ce client âgé, accusé d’avoir eu les mains baladeuses et qui me demande de citer comme porte-parole de sa moralité un de ses contemporains, personnage respecté et d’une grande probité me dit-il. On le fait citer. Et… en quelques phrases, ce merveilleux témoin crucifie son « ami ». Un peu surpris, le Président s’étonne de cette attitude négative envers celui qui l’a fait venir pour soutenir sa cause. Notre contempteur explique alors que mon client lui a « piqué » le poste de Président du Club des aînés du village. Affront qui devait être lavé, ce qu’il venait donc de faire, en expliquant tout le bien qu’il pensait de cet homme, certainement coupable des faits qu’on lui reproche. Et mon client n’en revenait pas. Il n’était pas le seul…

On en vient à la seconde raison qui fait du témoin un élément à haut risque du procès. Peu de gens apprécient d’être convoqué au Tribunal à leur corps défendant, pour subir les questions d’un magistrat qui commence toujours par vous rappeler que, si vous racontez des salades, vous allez en prendre pour votre matricule. Puis de se faire cuisiner par les avocats des deux parties, dont au moins un va essayer de vous faire passer au minimum pour un imbécile indigne de foi, au pire pour un menteur patenté. Ce qui fait que, parfois, on obtient le résultat inverse, le témoin se chargeant de remercier à sa façon le justiciable qui lui a gâché sa journée. Par exemple en étant frappé d’une amnésie subite quant aux faits intéressants la Cour.

Et puis, il y a ceux qui veulent vraiment venir témoigner. Pour aider comme ils disent. Ce sont souvent les plus dangereux. Soit, ils veulent tellement aider qu’ils répondent à côté aux questions, obnubilé par le message qu’ils se sont promis de faire passer. Soit, ils sont aussi crédibles que des pleureuses à un enterrement. À tel point que le Président vous regarde d’un drôle d’air, en se demandant visiblement si vous n’auriez pas exercé quelques pressions sur ce piètre acteur .

Bon, pour en revenir à notre témoin marathonien du jour, il s’en est finalement honorablement tiré. Ouf….

Le 13 …

où l’on s’en va jouer les pots de fleurs à une audition de la Police fédérale, dans leur bunker de la capitale.

Sur délégation du Ministère public de la Confédration, nos pandores fédéraux entendent un des mes Confrères, reconverti dans le lobbying, qui nous aide dans une affaire délicate.

L’objet réel de l’audition reste flou, aucune question vraiment pointue n’étant posée.

Le seul élément vraiment singulier de cette audition pour beurre réside dans cette question posée avec le plus grand sérieux à cette ex-avocat, ancien ambassadeur : Dr (c’est son titre), vous nous avez écrit que vous ne pourriez vraisemblablement pas répondre à nos questions en raison du secret professionnel qui vous lie à A (notre client commun). Si vous n’avez rien à vous reprocher, pourquoi vous voulez vous cacher derrière le secret professionnel ?

Voilà bien une question de policier. Le secret professionnel, le droit de l’accusé de garder le silence, sans oublier la présomption d’innocence, ne sont que des tour de passe-passe pour protéger les coupables et empêcher la maréchaussée de faire correctement son travail…

Le 14 …

… où les contraintes de l’exercice de la profession en terres catholiques se font sentir de diverses manières.

Demain, c’est la Fête-Dieu, jour férié seulement dans certaines parties de l’Helvétie où les disciples de Luther (pas le pasteur, le réformateur) sont en minorité. Et comme c’est un jeudi, les stakhanovistes décidés à faire le pont sont légion.

Donc, le téléphone sonne sans discontinuer le matin. Le client avec qui on lunch à midi est sur mode farniente. Vous reprendrez bien un verre  ? Sur le chemin-retour du devoir, Dame Fortune, bien décidée à se jouer de nous, organise une rencontre fortuite avec un groupe de Confrères éminemment sympathiques, avec qui on poursuit par  une fine analyse de la dernière jurisprudence en matière de domaine vinicole toscan, pour finir (!) par un moment de spiritualité dans la cour intérieure de l’Évêché, qui jouxte fort opportunément la FairCave. C’est en effet l’inauguration de la nouvelle bière de l’Évêque.

Heureusement, demain c’est férié, on pourra bosser, quand le mal de caillou du matin aura disparu…

Le 15 …

… où donc, après avoir été réveillé par les coups de canons de la Fête-Dieu à 6h00 tapantes, la matinée est consacrée à l’élimination des scories de la veille (tenaces !). Puis, on essaie de profiter de la quiétude de l’après-midi pour aller de l’avant.

Et, comme d’habitude, les Luthériens se font un malin plaisir de vous rappeler que, eux, ils sont au taquet depuis mâtines et que jour férié catho, ou pas, ce n’est pas une raison pour se faire attendre !

Le 16 …

… où l’on est invité à visiter en VIP ArtBasel, summum mondial de l’art contemporain.

Le plaisir est proportionnel à la perplexitude que l’on ressent en contemplant certaines œuvres.

Rayyane Tabbet

Quoique… réflexion faite, bon nombre de décisions judiciaires provoquent – chez votre serviteur en tous cas – peu ou prou la même réaction stupéfixante, quand on en parcourt bouche-béee les considérants. Finalement, ils ne s’en rendent peut-être pas compte, mais quelques magistrats pratiquent sans le savoir une forme d’art contemporain. C’est donc ça, tout s’explique…

D’où la question : faut-il le leur dire ou pas ? Vaste sujet…

Le 19 …

… où la prise en mains du nouveau système de gestion informatique de L’Étude laisse quelque peu perplexe. Et, pourtant, lui, n’a qu’un rapport distant avec l’art contemporain (voir le 16 ci-dessus). Ce doit être cet esthétisme vaguement comptable avec une typo obsolète des années cinquantes qui doit provoquer cet effet. Passons le côté visuel, mais …

… perplexe tout de même, parce que la foule de champs inutiles par écran est dantesque. Même si on est en effet content de savoir qu’on travaille avec des Francs (et pas des Euros ou des Bolivars, c’est vrai quoi, des fois qu’on aurait des doutes), de connaître le sexe du client et sa date d’anniversaire. Par contre. si on veut le contacter, son numéro de téléphone et son adresse e-mail sont planqués dans un sous-menu. C’est vrai que, pour notre tranquillité personnelle, on devrait parler le moins possible aux clients, mais, parfois, bon an mal an, on en a tout de même besoin ….

Bon, maintenant que nos espoirs sont déçus (ça ne fait que deux ans qu’on nous promettait monts et merveilles), espérons que, dès demain, des fonctionnalités vraiment nouvelles et utiles apparaissent.

L’espoir fait vivre…

Le 20 …

… où notre padawan, Me Panda, fait preuve d’initiative.

Nous étions en effet bien embêtés à l’aube de déposer un recours à Strasbourg dans une affaire où le Tribunal fédéral avait débouté notre client. Selon les règles très strictes de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, non seulement l’avocat doit signer (deux fois !) le formulaire du pourvoi, histoire qu’il soit bien sûr de ne pas recourir par erreur sans doute, mais, contrairement au droit suisse où seul la griffe du mandataire est nécessaire, le recourant doit signer personnellement l’acte à côté de son avocat.

Et du client, plus de nouvelle, silence radio, ne réagit plus au courrier, ne répond plus au téléphone, rien. Alors qu’il y a quelques semaines à peine, il ne nous lâchait pas.

Dernier jour demain…

Conseil de guerre dans le bureau de Me Panda ce matin. Email, bigophone, pigeon voyageur, toutes les méthodes modernes de communication doivent être mises en œuvre sans tarder, sinon nous allons avoir un problème.

Le FaireSignal ayant été activé à l’autre bout de Gotham, Me Panda se retrouve seul à gérer la situation depuis la FaireCave.

Retour au bureau en début d’après-midi. Pas d’erreur, c’est bien un relent de MacDo qui nous titille les narines. Me Panda grignote tranquillement ses frites, les deux pieds sur le bureau, avec un sourire satisfait. Comme le client ne réagissait toujours pas durant la pause de midi, il a pris sa moto, le recours, et a traversé la moitié de la Comté pour aller le retrouver au milieu de son domaine agricole et lui faire signer ce fichu papier ! Le recours est dans l’enveloppe, prêt à partir en malle-poste direction l’Alsace

Bravo, voilà qui est faire preuve d’esprit pratique, branche peu enseignée à l’Université !

Soyons lucides quand même. Ce petit air satisfait n’est pas uniquement dû à la satisfaction du devoir accompli. Il provient sans doute aussi du plaisir de s’être octroyé une balade rurale à moto par cette journée caniculaire.

Bon, quitte ce sourire béat et finis tes frites, on a encore du pain sur la planche !

Le 21 …

… où l’on est plein de compassion pour la doyenne de nos clients, que l’on rencontre par cette après-midi caniculaire, en vue de la préparation de l’audience de conciliation du lendemain.

Mais, au contraire de son avocat, elle est fraîche comme la rosée du matin et guillerette. Cette femme est une vraie bénédiction contre le mercure qui s’affole.

Le 22 …

… où donc, après une nuit au bain-marie, suivie d’une douche glacée, on prend la direction du Tribunal, pour s’en aller retrouver notre cliente de la veille, en vue de cette audience de conciliation attendue de longue.

Toujours aussi fraîche et pimpante, toujours au contraire de son avocat, qui vient de traverser à pied une moitié de la ville, en costume cravate, tenue conventionnelle pour journée de séance, mais dont le confort laisse à désirer au-delà de 25°.

Bref, quelques minutes sont nécessaires pour sécher dans le couloir, avant d’entamer les débats. Sauf qu’il n’y a personne… Pas de partie adverse en vue et l’heure de l’audience est déjà dépassé de plusieurs minutes.

Nos règle de courtoisie professionnelle nous enjoignent de tenter de joindre le confrère absent pour le rappeler à notre bon souvenir.

Eh bien, de séance, il n’y aura pas, puisque mon contradicteur est occupé ailleurs. Non pas qu’il nous snobe, mais, tout simplement, il n’a pas reçu la convocation que sa truffe de cliente ne lui a jamais transmis.

Toute cette transpiration pour rien…

Le 23 …

… où Me Granadina reçoit un client qui voudrait bien conserver son bleu,  en dépit des quelques libertés prises avec le code la route.

Cela ne va pas être coton, parce que son passé de conducteur ne plaide pas en sa faveur et, que dans ce domaine, la récidive fait plutôt tâche dans le paysage.

Quand elle demande  à ce brave garçon pourquoi il ne lui a pas parlé de son brillant tableaux de chasse en matière de retrait de permis jusqu’à aujourd’hui, il lui répond un brin gêné qu’il ne voulait pas la perturber.

C’est fou cette compassion chez certains. Tous les efforts qu’ils déploient pour ne pas faire de peine à leur avocat. Braves gens va !

Le 26 …

… où, une fois n’est pas coutume, on se rend au Tribunal cantonal assister à une audience d’appel… en simple spectateur !

Ce n’est pas tant une subite envie d’école buissonnière qui nous a pris subitement ce lundi matin, mais bien les aléas d’une procédure où votre serviteur est intervenu à la défense de deux employés de banque, victimes d’un braquage qui aurait pu très mal tourner, si la cavalerie n’était pas arrivée rapidement à la rescousse.

L’accusé, membre d’un gang dont il est le seul à s’être fait gauler, a débarqué un beau matin avec deux complices dans une Comté voisine, pour « se faire une banque ». Interceptés alors qu’ils arrivaient tranquillement au boulot, les deux victimes ont été frappées sur la tête avec une arme chargée et désassurée, histoire de les convaincre de donner la combinaison du coffre. Un coup pouvait donc partir à tout moment. Même s’il ne les visait pas directement, dans l’espace confiné où ils étaient séquestrés, un tir – même involontaire – aurait pu avoir, par ricochet, des conséquences fatales.

Alors, qu’est-ce que MeFaire fait ce matin sur le banc du public ?

Revenons en première instance où notre braqueur a été condamné à 8 ans de réclusion criminelle pour tentative de brigandage. Tentative parce que même après avoir séquestré les deux employés et les avoir menacés, puis frappés, il est quand même reparti brocouille ! (comme on dit dans le Bouchonnois). Peine assez sévère pour une tentative, soit une infraction qui n’a pas été entièrement consommée. Les premiers juges ont cependant retenu que, en faisant joujou avec son arme, il avait concrètement mis en danger la vie de mes clients, ce qui devait entraîner une aggravation substantielle de la peine.

Dans son réquisitoire devant les premiers Juges, le Procureur ne s’était pas montré très chaud pour l’application de cette aggravation. Il avait même lancé au tribunal que, s’il suivait la théorie de votre serviteur, cela entraînerait à coup sûr un appel du condamné, avec de bonnes chances de réussite. On a connu des Procs plus offensifs…

Malgré tout, le Tribunal avait suivi ce raisonnement, estimant que toutes les conditions légales étaient remplies. Même si on ne pouvait effectivement démontrer qu’un coup aurait pu partir à n’importe quel moment, le simple fait de faire un mouvement charge, d’armer le chien, puis d’agiter une pétoire sous le nez des victimes en leur frappant la tête avec, démontrait que notre Clyde Barrow avait pris en connaissance de cause le risque de tuer quelqu’un.

Et donc, appel il y a eut. Mais, voilà pourquoi MeFaire est aujourd’hui cantonné dans le rôle de simple spectateur. Le jugement de première instance n’a été attaqué que sur les questions de la peine et de l’application du code pénal. Par contre, l’avocat de la défense a pris soin de ne pas toucher à celles concernant les parties civiles (les deux employés) qui avaient obtenu gain de cause sur toute la ligne (un tort moral à la hauteur de ce qu’ils avaient enduré, violence, risque de mort, etc.).

En procédure pénale, la partie civile n’est pas là pour requérir une peine de prison contre l’auteur, mais simplement faire la démonstration que les victimes ont subi un dommage, conséquences de l’infraction contre l’ordre public, qui constitue le pré carré du procureur. D’où la présence passive de Bibi à l’audience de l’appel, puisque mon merveilleux confrère a donc pris la précaution de ne pas contester la condamnation civile de son client. Aucune commisération de sa part, mais un simple calcul. De cette façon, il se retrouvait avec un adversaire de moins en appel. La deuxième mi-temps se jouera ainsi juste entre le Parquet et lui. Qui plus est, il aura comme adversaire un Procureur qui avait déjà fait part de son scepticisme quant aux circonstances aggravantes retenues par les premiers juges.

Mes clients, toujours très marqués par leur mésaventure – et on les comprend – souhaitaient néanmoins que leur défenseur soit présent aux débats.

CQFD

Votre serviteur arrive donc à la Cour d’appel 2 minutes avant l’heure fatidique et s’annonce au guichet. La salle des pas perdues est déjà bien remplie. Journalistes, étudiants en droit, policiers, quelques curieux, etc. 15 minutes plus tard, tout ce joli monde poireaute toujours en attendant l’ouverture des débats, quand l’huissier me croise soudain et lance : « Ah, mais vous êtes là. Ça fait quart d’heure qu’on vous attend ! » « Ben, moi aussi, j’attends depuis un quart d’heure . Pourtant, je me suis annoncé ». Voilà pour l’ego, serais-je donc transparent ?

Nous entrons enfin dans la salle d’audience où le Président ouvre les débats selon le cérémonial habituel, en insistant bien sur le fait que toute prise d’image et de son dans la salle est interdite, de même que, selon le règlement du Tribunal cantonal toute forme de communication  en direct via Twitter ou un blog… Présence de nombreux étudiants dans la salle ou celle d’un bloggeur à qui le Président de la Cour avait par le passé dit qu’il trouvait incorrect que l’on commente ses décisions ? Allez savoir….

Commence alors l’interrogatoire du braqueur. Son avocat essaye de faire passer le message selon lequel son client se serait acheté une conduite en prison. Malheureusement, les rapports de l’institut pénitentiaire ne sont pas à proprement parler élogieux. Notre bonhomme essaie d’expliquer que la prison l’a changé et qu’il a des projets de vie avec son ami et son enfant. Il commet cependant une erreur classique en commençant chacune de ses réponses par : « Franchement… ». En répondant systématiquement de cette façon à un juge, c’est à peu près comme s’il y avait un sous-titre où il serait écrit « je te raconte des salades, mais fait comme si de rien n’était ».

Suivent les plaidoiries. Comme nous sommes en appel, l’ordre des intervenants est l’inverse de la première instance. D’abord l’avocat du recourant, puis le procureur. Sans surprise, la défense met en avant l’incertitude quant à la capacité de l’arme de tirer. Le procureur répondra en se livrant à une analyse technique du modèle d’arme utilisé et des différentes possibilités qu’il offre. Bizarrement, les policiers dans la salle semblent beaucoup plus intéressés par cette démonstration scientifique que les journalistes qui veulent du spectaculaire. Quand la défense a sous-entendu une certaine proximité des victimes avec les Juges, ce qui expliquerait la sévérité du verdict, là ils étaient tout ouïe. Sauf que, aux débats de première instance, le Président du Tribunal était un Juge suppléant venu de l’autre bout du canton.

Comme la défense a également critiqué l’infraction de recel concernant le fameux revolver, le procureur souligne non sans ironie, que, dans ce milieu, on se servait rarement de son propre pistolet pour aller braquer l’épicerie du coin. Donc, la provenance criminelle de l’arme ne saurait faire débats.

Enfin, l’appel à la clémence des juges quant à la peine se voit répondre par le Parquet que, contrairement à ce que l’on veut leur faire croire, l’accusé n’est pas à proprement parler un servant de messe, vu son casier judiciaire. Sans parler de son comportement carcéral qui laisse franchement à désirer. Franchement…

C’est sur les derniers mots de l’accusé qui tente une dernière fois de faire passer le message selon lequel il a changé et s’excuse que l’on se quitte peu avant midi. Le jugement nous sera communiqué par courriel, plus tard dans l’après-midi.

Le verdict tombe en effet vers 17 heures. L’appel a été partiellement admis, uniquement sur des points de détail, dont cette fameuse histoire de recel qui est finalement abandonné. Pour le surplus, la Cour d’appel confirme intégralement le premier verdict en retranchant uniquement 3 petits mois à peine de 8 ans prononcée initialement.

Appel aux clients pour leur annoncer la nouvelle, accueillie avec un certain soulagement. Non pas que le fait de rester 7 ans et 9 mois en prison changent leur vie. Par contre, ils voient dans ce verdict la reconnaissance de leur souffrance et de leur peur.

Voilà, ce fut une journée… comment dire… un peu décalée, réduite au rôle de simple spectateur. Donc, un brin de frustration. Qui plus est, en étant privé de la possibilité de pouvoir bloguer en direct. Really frustrating isn’t it ?

Le 27 …

… où tout se mélange, les aléas des nouvelles dispositions légales en matière de calcul de contribution d’entretien, les incertitudes quant à l’attente d’une décision du Tribunal fédéral sur l’opportunité d’ordonner ou non des mesures d’instruction, les non-sens des parties adverses qui veulent nous faire avaler n’importe quoi…

Bref, mal au crâne quand le soleil se couche enfin.

Le 28 …

… où après cinq ans de chemin parcouru, il faut bien admettre que nous sommes arrivés au bout.

Et pour mes clients qui ont perdu un enfant cette une page terrible qui se tourne. Certes, personne n’a été finalement condamné, même si, dans les tréfonds de sa conscience, le médecin sait qu’il a commis une bourde.

Ce couple que j’ai eu l’immense honneur de défendre a toujours conservé une immense dignité. Ils ne voulaient pas de vengeance, mais des réponses. Ils les ont partiellement obtenues. C’est déjà ça et c’est mieux que de ressasser pendant des années.

C’est non sans une certaine émotion que nous nous serrons la main.

Le 29 …

… où l’on reçoit l’expertise immobilière la plus longuement attendue et la plus laconique qui soit.

12 lignes pour calculer le rendement d’un terrain agricole.

Si la partie adverse veut la décortiquer, il lui faudra prendre des brucelles.

Le 30 …

… où nous voilà pile au milieu du parcours !

But we are still on a Road to nowhere

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