Mars…

… où porté par le souffle du dragon, cette entrée en matière en ce Mercredi des Cendres, prend des allures épiques. Pourvu que ça dure …

Le 1er…

… où donc, on essaie de percevoir le cerf qui pourrait sommeiller en nous, en fourbissant nos armes en prévision des défis à venir, notamment la suite de la procédure Coal Wars, avec sa prochaine échéance, certes en avril. Mais, à peine 8 semaines pour se remettre up to date, 2 ans et demie plus tard, quand il a fallu des mois pour préparer le procès…

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Sentir l’accélération

Le 2 …

… où l’on enfile son bleu de travail, ajuste le casque, pose la lampe frontale, prend le piolet et… départ à la mine (au sens propre comme au sens figuré).

4 jours que l’on va passer quelque part dans la 4e dimension virtuelle pour se remettre à la page dans cette histoire de charbon qui renaît de ses cendres (!) après 30 mois de silence.

Le 3 …

… où l’on se replonge dans le recours de 195 pages déposé en juillet 2014, après 30 jours de travail intensif.

Forcément, on l’avait un peu mis de côté et pas tellement relu durant ces 2 ans et demi…

Et là, la relecture nous sert sans complaisance les coquilles et autres lapsus calami disséminés ça et là qui ont échappé à notre ultime check out, avant de courir à la poste déposer cette somme d’arguments plus pertinents les uns que les autres (enfin, espérons), quelques minutes avant la fermeture des guichets.

Aouch !

 » Non content  » se lit par exemple  » non comptant « ,

« la possibilité de produire des moyens de preuve, soumis à l’appréciation de la Cour, n’est pas fonction de la rage » au lieu de « fonction de l’âge« ,

j’en passe et des meilleures…

Le 6 …

… où l’on découvre, mi-amusé, mi-sidéré, que, sur nos monts, si tu veux consulter l’agenda professionnel de notre généralissime en chef, ben, y’a qu’à demander !

Le crédit de cette découverte stupéfixante revient à un collègue de l’Hexagone, s’inquiétant d’obtenir la confirmation d’une visite officielle du Procureur général de la Confédération à son voisin. Sa question était donc de savoir si l’on pouvait obtenir de l’administration fédérale cette information.

Le premier réflexe consisterait à répondre que le Parquet fédéral n’a rien d’une agence de renseignement. Mais, ce serait un peu court. En creusant un peu, on tombe sur un texte légal méconnu « sur le principe de la transparence dans l’administration », soit une loi fédérale (LTrans en abrégé) dont la vocation est de fixer les règles permettant à tout un chacun d’avoir accès à certains documents officiels de l’administration publique, afin de s’enquérir de son activité et, donc, par voie de conséquence de la contrôler, histoire notamment de savoir à quoi sont utilisés les deniers publics.

A priori, même si la loi en question prévoit une application assez large, on est toujours tenté de revenir au postulat de base, soit que les infos en rapport avec l’organisation de l’activité du Procureur général de notre belle Helvétie relèvent de la sphère interne d’une administration qui n’est pas particulièrement réputée pour sa propension à communiquer. Donc, le non devrait toujours l’emporter sur la transparence.

Pour en être sûr, cherchons tout de même dans la jurisprudence s’il y a des cas d’application susceptibles de nous conforter dans cette solution, facile certes, mais assez logique, vu le contexte. Il ne s’agit en effet pas de consulter les archives de l’Etat civil pour établir un arbre généalogique, mais bien de découvrir ce qui se trame dans les coulisses du pouvoir judiciaire.

C’est là que nous découvrons un arrêt assez « spectaculaire », dont notre Haute Cour a le secret quand il s’agit de remettre certaines églises au milieu du village de la Justice.

Il s’agit d’une décision récente, puisqu’elle a été rendue en juin dernier. Un journaliste de la Sonntagszeitung avait demandé en mai 14 à l’Office fédéral de l’armement de pouvoir consulter l’agenda Outlook de l’ancien chef des armées. Comme on peut s’en douter, l’Office en question a envoyé promptement paître le journaleux trublion osant formuler une pareille demande. Pas démonté pour un sou, l’intéressé s’est adressé au Préposé fédéral à la protection des données et à la transparence (!), lequel conseille à l’Office de donner suite à la demande.

Rien à faire. Celui-ci persiste et signe, mais transmet tout de même un extrait de l’agenda Outlook sous la forme d’un résumé par semaine, où la plupart des inscriptions sont caviardées. Ni une ni deux, notre ami recourt auprès du Tribunal administratif fédéral qui lui donne raison ! Têtu, l’Office refuse de baisser pavillon et s’adresse aux Juges de Mon Repos.

Voici une synthèse de leurs réflexions.

Tout d’abord, la Haute Cour considère que l’application de la LTrans fait aussi partie des tâches de l’Office qui est donc une administration comme les autres, toute préposée à la sécurité du pays qu’elle est. Pas de favoritisme, donc. On peut imaginer que le même raisonnement pourrait s’appliquer au MPC.

Ensuite, elle se penche sur la question de savoir si l’agenda Outlook du chef de l’armement peut être considéré comme un document officiel et répond aussitôt par l’affirmative puisque, au sens de cette loi, est un document officiel toute information enregistrée sur un support quelconque, détenu par l’autorité dont elle émane ou à laquelle elle a été communiquée et qui concerne l’accomplissement d’une tâche publique. Elle souligne quand même que les documents qui n’ont pas atteint leur stade définitif d’élaboration ou qui sont destinés à l’usage personnel ne sont pas considérés comme des documents officiels.

L’Office soutenait que les informations contenues dans un agenda n’entrent pas dans le champ d’application de la loi. Même si le fonctionnement d’une telle administration n’est aujourd’hui plus concevable sans l’utilisation d’agenda électronique, on ne saurait néanmoins en inférer que l’agenda Outlook serve directement à l’accomplissement d’une tâche publique.

Erreur, corrigent nos Juges fédéraux, la LTrans ne vise pas que des documents destinés à être archivés dans les cartons. Au contraire, elle est là pour promouvoir la transparence quant à la mission, l’organisation et l’activité de l’administration. Elle contribue également à informer le public. Dans ce cadre, les informations contenues dans Outlook dépeignent globalement l’activité officielle du chef de notre armée. Celui-ci a utilisé son agenda en rapport avec l’accomplissement de sa fonction et, donc, aussi pour exécuter des tâches publiques, même si des rendez-vous privés et des anniversaires y étaient aussi consignés. En conséquence, ledit agenda doit être considéré comme un document officiel auquel la LTrans est applicable.

À l’Office contestant de surcroît que les rendez-vous saisis dans cet agenda puissent être considérés comme des informations pertinentes, nos Juges répondent que la LTrans vise toute information enregistrée sur un quelconque support. Donc, savoir si et, le cas échéant, pour qui l’information est importante ne joue aucun rôle. En outre, il ne saurait être question de « voyeurisme » comme l’affirme l’Office. Outlook donne dans son ensemble une vision de l’accomplissement de la fonction du chef de l’armement et des processus de la direction militaire. Il s’agit donc d’une information pertinente.

L’Office prétendait encore que l’agenda Outlook en question ne constitue pas un document ayant atteint un stade définitif d’élaboration, parce qu’ils ne montrent pas si les rendez-vous inscrits ont effectivement eu lieu ni si la liste des participants aux réunions est restée inchangée.

À ce sujet, nos grands penseurs retiennent que la demande du journaliste porte sur une période révolue, à savoir les deux dernières années. Le document demandé est donc à cet égard définitif. La liberté d’action de l’autorité n’est ainsi exposée à aucun risque reconnaissable. D’ailleurs, l’Office n’en allègue aucun. Il se contente d’exposer que l’agenda Outlook n’indique que des rendez-vous et des séances prévus, sans préciser si ces événements se sont effectivement déroulés de la manière et avec les participants annoncés. Là, ils se réfèrent aux arguments du journaliste qui indiquait  – avec raison selon eux – que d’éventuelles modifications de programme (non-inscrites) sont inhérentes à un tel agenda et qu’il importe seulement de connaître les projets du chef de l’armement et qui il avait l’intention de rencontrer. Comme le public doit savoir que les inscriptions d’un agenda ne concordent pas toujours avec les occupations effectives de son utilisateur, il n’y aurait aucun risque de malentendu.

L’Office avait aussi soulevé l’argument que l’agenda Outlook était destiné à l’usage personnel du chef de l’armement. Il n’a donc servi que d’outils de travail et d’aide-mémoire pour l’organisation des rendez-vous sans apporter de vision sur l’activité administrative utile au public. De surcroît, ils n’étaient accessibles qu’à un cercle restreint de personnes, soit aux cadres les plus élevés de la direction de l’Office.

Pour le TF, cela ne joue aucun rôle. Outlook n’est pas seulement destiné à l’organisation individuelle du temps disponible, à la mémorisation des événements prévus et aux invitations. Il sert aussi à la communication et à la coopération entre collaborateurs, dont il soutient également l’activité. Ce n’est donc pas un document destiné à l’usage personnel. Il a une influence déterminante dans l’ensemble de l’activité et des processus de l’Office, même si son cercle de personnes habilitées à y accéder est limité. C’est au contraire un instrument de conduite essentielle dont aucun cadre supérieur ne saurait se passer aujourd’hui.

Les Juges fédéraux se sont enfin attelés à la question des caviardages opérés systématiquement et sans explication par l’Office sur le « résumé » transmis au journaliste. Ils considèrent qu’aucun indice concret ne dénotent en quoi la communication de l’agenda pourrait compromettre soit la sécurité individuelle du chef de l’armée, soit la sécurité intérieure ou extérieure de notre beau pays. Même s’ils reconnaissent une certaine pertinence aux arguments selon lesquels la divulgation d’entretiens confidentiels dans la coopération internationale en matière d’armement et de recherche pourrait nuire aux intérêts de la politique extérieure de la Suisse et choquer des partenaires étrangers, ou accroître le risque d’accords anticoncurrentiels dans le secteur des fournitures où règne la confidentialité, ou, encore, entraîner la révélation de secrets d’affaires, ces motifs ne justifient pas le refus complet de la consultation de l’agenda. Hormis les événements privés, pouvant être caviardés sans faire de chichi, chaque autre amendement doit faire l’objet d’une explication individuelle quant à sa justification pour satisfaire au principe de la transparence. Non sans un certain humour, la Haute Cour relève qu’avec la LTrans le législateur a opéré un changement de paradigme et renversé le principe du secret de l’administration. Ce n’est plus le secret sous réserve de transparence, mais la transparence sous réserve du secret !

En conséquence, même si c’est un travail de fourmi, chacun des rendez-vous occultés, et il y en a des wagons, devra faire l’objet d’un commentaire précis et d’une justification adéquate pour être admise comme devant être soustrait à l’accessibilité de la presse selon la LTrans. Donc, l’Office devra réexaminer chacun de ses caviardages conformément aux principes exposés dans l’arrêt !

N’est-ce pas merveilleux ? La transparence est désormais devenue une valeur Suisse à élever au rang du chocolat et des coucous. On ne peut s’empêcher de voir dans cette nouvelle forme d’acquisition les scories de la disparition du secret bancaire. Si, bien évidemment, la transparence est de mise pour que nous puissions nous assurer du bon fonctionnement de nos institutions, on peut néanmoins s’étonner que, même dans un pays démocratique, on pousse le vice aussi loin en obligeant nos plus hauts dirigeants n’ont pas à nous lever le voile sur leurs petits apéros entre amis, mais bien sur un pan de leur activité ou la confidentialité est en principe de mise. On ne peut s’empêcher de penser qu’une telle demande formulée aux États-Unis, en France, voire en Russie, se heurterait à une fin de non-recevoir sèche et sonnante. On peut même imaginer que, même si elle émanait d’un journaliste accrédité auprès des plus hautes institutions étatiques, son auteur puisse rencontrer quelques tracas. Mais, pas de problème chez nous. Ici on lave plus blanc que blanc et, si vous voulez savoir si notre grand chef de guerre a rencontré Poutine pour prendre le thé, y’a qu’à demander ! L’administration doit vous dérouler le tapis rouge…

Le 7 …

… où l’on apprend au travers d’un courriel venu de Londres que l’Académie Corporate Live Wire, a élu notre modeste échoppe « Boutique Law Firm of the year for Switzerland » ! Rien que ça…

L’ami Talon dirait : Mâtin, quelle Académie !

Bon, tout cela est bien joli, sauf que la manière dont ces braves gens reconnaissent (à juste titre 😉 nos mérites reste obscure, de même que l’identité des braves fées qui se sont penchées sur notre berceau.

Allez, on a quand même le droit de fêter ça, non ? Ce n’est pas tous les jours que l’on peut parler Boutique avec fierté !

Le 8 …

… où, 8 mars oblige, l’affreux misogyne qui sommeille en moi a une pensée pour ces Confrères du beau sexe qui œuvrent dans des contrées où les talons hauts sont mal acceptés dans les salles de Tribunal.

En Suisse, dans les facultés de droit, les femmes  sont aujourd’hui pratiquement majoritaires, ce qui préfigure le barreau de demain. Cela ne doit pas détourner notre regard des pays où on est encore très loin d’un semblant d’égalité des sexes. Donc, respect pour celles qui s’engagent, souvent au péril de leur vie.

Le 9 …

… où l’on se dit que l’on a lu beaucoup de choses sur Alzheimer, mais jamais que c’était contagieux et que l’épidémie pouvait se répandre comme la poudre dans une salle d’audience.

Démonstration.

Nous sommes réunis cet après-midi au Tribunal civil pour une procédure de divorce. Il y a pas mal d’argent en jeu et les parties ne sont pas vraiment d’accord. La procédure dure depuis un bon moment et, de chaque côté de la barre, tout le monde est fatigué et souhaite trouver une solution pour éviter un procès qui pourrait encore durer des années et coûter bonbon.

Le Président, fidèle à son bon sens et usant de toute son empathie, parvient petit à petit à rapprocher les extrêmes. Durant 2 bonnes heures, demanderesse et défendeur entrent et sortent de la salle, débattent, proposent, imaginent des solutions alternatives, pour finir par tomber d’accord sur un chiffre et plusieurs modalités accessoires savamment ciselées pour ne froisser personne.

Soupir de soulagement de tous les côtés, le Juge dicte la convention. Les avocats la relisent, corrigent 2 ou 3 virgules, on signe, on se sert la main et tout le monde repart le sourire aux lèvres, sous l’œil bienveillant du Président, content à juste titre du travail accompli.

Retour de votre serviteur au bureau. Message WhatsApp du client qui remercie et se dit très soulagé de l’issue trouvée.

Et c’est là, que le téléphone sonne. C’est l’avocate de la partie adverse qui était, il y a une heure à peine, toute guillerette. Mon cerveau reptilien se met en branle et m’envoie des signaux de détresse avant même que je n’entende le son de sa voix. Effectivement, elle a l’air tendu.

– Tu n’as pas le sentiment que l’on a oublié quelque chose ?

– Euh non… D’ailleurs, le Président s’est posé la question, il nous l’a reposée. Non, on n’a rien oublié. Enfin, je crois…

– Je viens d’avoir un téléphone de ma cliente toute paniquée. Elle me dit qu’on a oublié de mettre dans la Convention la clause selon laquelle en cas de revente de la maison dans les 10 ans, elle avait droit à une part au gain !

– Et m…. (Note du merveilleux rédacteur de ce billet : cette clause a en effet fait débat durant une bonne demi-heure. Après avoir retourné dans tous les sens les différentes formulations possibles, les futurs ex-conjoints sont finalement tombés d’accord, avec les conseils de leurs avocats et différentes interventions pertinentes du Tribunal, soit pas seulement le Président, mais également de l’un des juges assesseurs versé dans les questions d’inscription au Registre foncier. C’est dire que, moins de 60 minutes plus tard, au moment où le Juge dicte la convention, sous la surveillance des avocats, 9 personnes – un Président, une secrétaire, deux Juges, 3 avocats et surtout les 2 principaux concernés – ont tous complètement oblitérés l’un des éléments centraux de l’accord âprement discuté il y a quelques instants, ont vu et revu et corrigé ledit accord, l’ont confirmé, se sont serrés les mains le sourire aux lèvres et sont rentrés chez eux en fredonnant « Dominique nique nique s’en allait couper les joncs »….)

Voici donc une nouvelle forme d’Alzheimer collectif qui ne sera certainement pas reconnu par la Faculté, qui préférera sans doute remettre en cause notre capacité de discernement….

Le 10 …

… où, vendredi + pas de pluie ni de vents tempétueux obligent, on se risque à prendre le café sur la terrasse, histoire de retarder le moment fatidique du retour au bureau.

D’autres augustes confrères ont eu apparemment la même idée et nous voilà réunis autour d’un collègue transfrontalier (et d’un Amaretto), à l’écouter conter avec sa toute sa faconde du Sud, ses tribulations devant les autorités d’Aix et d’ailleurs à défendre les émules de Cahuzac.

Du coup, on en a oublié la sacrosainte horloge…

Le 13 …

… où l’on se rend compte, à 23h56, que l’on est fatigué en lisant pour la énième « faire trial » dans le recours d’une partie adverse au Tribunal fédéral, en se demandant ce que ça peut bien signifier. Faire procès ? Faire du trial (difficile, mais pas impossible dans une salle d’audience) ?

Bref, jusqu’à se rendre enfin compte que le « e » est de trop et que la langue de Shakespear échappe à mon contradicteur. A moins qu’il n’ait -lui aussi- joué les prolongations. Fair Trial(procès équitable), c’est un peu comme My fair lady

Ouhla. Fatigué. Minuit sonne, allons reposer.

Le 14 …

… où le Ouzbek’s case connaît rebondissements sur rebondissements.

Pour mémoire, l’Ouzbékistan est ce pays idyllique, classé par Amnesty international, à l’antépénultième rang des contrées respectant à la lettre les droits de l’homme. Procès bidons, utilisation systématique de la torture, bref, toute la panoplie totalitaire y est joyeusement pratiquée.

Notre jeune client y a connu des désagréments en raison de son appartenance (lointaine) à la famille du défunt président Karimov. Certains esprits (bien ou mal intentionnés, allez savoir) l’avaient en effet présentés il y a quelques années comme un successeur potentiel à la présidence, ce qui lui a valu d’être embastillé séance tenante, sur ordre du principal intéressé. Procès fictif, charges bidons, condamnations sans assistance d’un avocat, régime « spécial » en prison, bref, la totale.

Karimov ayant passé l’arme à gauche à fin 2016, notre homme a été libéré juste avant Noël. Il pensait être tranquille et que le nouvel homme fort de son pays se désintéresserait de son sort. Hélas, de passage en Ukraine, il a été arrêté dernièrement, car, apparemment, le nouveau pouvoir en place dans son pays a décidé de faire place nette et a fait délivrer un mandat d’arrêt international à son encontre, indiquant les mêmes charges pour lesquels il avait déjà été condamné ! Pour mémoire, selon un principe communément admis du droit, on ne peut être poursuivi deux fois pour les mêmes faits. Pour des raisons qui restent à élucider, les autorités d’ukrainiennes ont décidé d’exécuter le mandat.

Quel rapport avec la Suisse, me direz-vous ? Le client y a déposé des sous sur lesquels le Ministère public de la Confédération. enquête pour savoir s’il s’agit ou non de blanchiment, l’entourage du Président Karimov, en particulier sa fille, Gulnara, ayant mis en place un business qui suscite depuis plusieurs années quelques questions de la part de la justice internationale. A priori, notre client n’a rien à y voir, ayant toujours préféré se tenir loin des arcanes du pouvoir, histoire de pouvoir couler des jours heureux. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il a été bien mal payé de retour.

La semaine dernière mes collègues allemands et anglais se sont rendus à Kiev et ont tenu tenu conférence de presse, dans le but d’attirer l’attention de la communauté sur ce qui s’apparente sur une violation crasse des droits de l’homme. Et comme l’Ukraine fait les yeux doux à Bruxelles, ses autorités devraient être – en principe – soucieuse de respecter la Convention Européenne de ses fameux droits (CEDH) qui sont la raison d’être de biens des avocats.

Le 15 …

… où l’on apprend par notre merveilleuse fiduciaire que de nombreux postes de taxateurs au service du fisc vont être créés ces prochaines années.

Étonnant, parce que, a priori, les impôts ne vont pas si mal dans notre landerneau. Par contre, la Justice aurait bien besoin de postes supplémentaires pour fonctionner à un rythme correct, tant certains arrondissements n’arrivent plus à faire face à l’augmentation des procédures. Dommage que peu de politiciens fasse de l’harmonisation du système judiciaire aussi une priorité.

Le 16 …

… où l’on est dans le train, direction le bout du lac, pour retrouver à l’aéroport un collègue britannique.

A peine quitté la gare, le téléphone sonne. Wagon silence, mais bon, le nom de mon rendez-vous s’affiche, alors décrochons, ça sent l’embrouille cet appel matinal.

C’est bien ce cher David qui me dit qu’il lui arrive une chose incroyable et que je ne dois pas me moquer de lui.

What ? British Airways is on strike ?

No, I’m in front of the desk, at Heathrow…. with my wife’s passport…

– ….

PS : dans ma tête des images de Jean Rochefort tentant de comprendre l’humour anglais dans Ridicule

Le 17 …

… où c’est la grande journée des avocats de notre Comté.

Assemblée générale et surtout élection du nouveau Bâtonnier, en l’occurrence une femme, la première de notre Ordre qui, il faut bien le dire, ne s’est pas montré très innovateur en la matière.

Des Bâtonniers à talons hauts ont déjà exercés au-delà de nos frontières et le monde a continué de tourner, n’en déplaise aux conservateurs.

Dans son discours, elle a abordé différents sujets historiques sur l’arrivée des femmes dans notre profession, mais, bilinguisme oblige sans doute, ne s’est pas appesantie sur les difficultés d’ordre sémantique qui taraude les avocats francophones : faut-il appeler notre Confrère, désormais Calife à la place du Calife, et qui est une Consœur pour certains (mêmes portants caleçons), Madame le Bâtonnier ou Madame La Bâtonnière  ?

La réponse à cette question fondamentale (depuis Galilée au moins) est venue de notre invitée du Barreau de Paris (berceau des Droits de l’Homme, faut voir, mais du français de France certainement) qui l’a félicitée en ces termes : Chère Bâtonnière…

Le 20 …

… où arrivée du printemps oblige sans doute, certains clients sont d’humeur primesautière, et vous appelle à 17h45 pour qu’une requête de blocage du Registre foncier soit déposée dans l’heure !

Le 21 …

… où un Procureur fédéral demande que l’on complète un dépôt de pièces exécuté il y a 18 mois.

Brave homme, il produit une copie papier du document jugé incomplet. Sauf que la pièce est en poldo-croldave et sans aucune indication reconnaissable. En plus, elle faisait partie d’un lot de de plusieurs centaines de documents, répartis dans différents fichiers, transmis au moyen d’une clé USB.

Jamais été doué pour les jeux de patience…

Le 22 …

… où notre nouvelle padawan, Me Granadina, découvre les joies du métier au travers des variations saisonnières dont nous gratifie certains clients, comme ce brave Alix (prénom d’emprunt).

Après avoir changé 4 fois de version durant l’instruction, admettant spontanément, mais à des degrés divers, sa participation aux différentes infractions qui lui sont reprochés, notre merveilleux client annonce tout de go qu’il plaidera non coupable prochainement devant le Tribunal !

Parce que, finalement, il n’a rien fait. C’est le méchant Brutus (autre prénom d’emprunt) qui l’a dénoncé pour se venger (de quoi ? il ne sait pas trop). Et ce sont aussi les vils policiers qui lui ont soufflé les mauvaises réponses (contresignées à de multiple reprises durant l’enquête, après avoir donné force détails sur l’implication de plusieurs comparses).

Bref, il faut le croire, c’est juré sur la tête de maman (paix à son âme !), il n’a strictement rien fait et compte sur notre défense pour faire triompher la vérité.

Quand on lui susurre à l’oreille que cette tactique va le mener tout de droit à la case prison, il répond que, s’il nous a consulté, c’est bien pour que ses enfants ne soit pas injustement privé de leur père, victime d’une erreur judiciaire.

(Re-)bref, jeune padawan un brin déboussolée, mais pas qu’elle. Même après des années de défense pénale, on reste toujours aussi interdit face à ses accusés qui prennent les Juges pour des naïfs (restons polis), à qui il suffirait d’asséner à répétition qu’on est innocent et que c’est les autres qui ont tout manigancé, pour en faire une vérité. Comme dirait un Président paraphrasé récemment sur Twitter : Les faits sont là et ils sont tenaces…

Le 23 …

… où l’on se perd dans les méandres d’un dossier labyrinthique.

Journée longue, heureusement entrecoupée par une très agréable pause déjeuner avec un ami de longue date et des discussions à bâtons rompus autour d’un flacon de St-Joseph.

Le 24 …

… où une question innocente (si, si, elles existent encore) à propos de l’utilisation des Wi-Fi publics permet de faire le point sur une question que personne ne se pose vraiment, jusqu’à ce que…

Ben oui, da, c’est bien joli ces plateformes gratuites et publiques que les gentils commerçants mettent à disposition de leurs geeks de clients. Mais si un petit malin se sert de cet accès internet à des fins illicites, est-ce que les foudres de la justice vont s’abattre sur le titulaire du réseau ? Doit-il le sécuriser pour être tranquille ?

En creusant un peu, on découvre que la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) s’est penchée il y a peu sur le sujet et a rendu un arrêt de principe (Arrêt McFadden/Sony Music Germany GmbH, C-484/14).

En résumé, une entreprise de sonorisation et d’illuminations germanique offrait à sa clientèle un accès gratuit et anonyme à internet. Il fut utilisé par des tiers pour mettre en ligne, via une plateforme de partage, des œuvres musicales protégées par le droit d’auteur. L’occasion était belle pour le détenteur des droits d’auteur de créer un précédent. Ce qu’il a donc essayé en saisissant le Tribunal de Munich, lequel a soumis à la Cour diverses questions préjudicielles en relation avec la violation de ces droits.

Le résultat n’est probablement pas celui escompté par Sony. La CJUE considère que la mise à disposition d’un réseau Wi-Fi gratuit est un service de la société de l’information, s’il est octroyé à des fins de publicité. Aucune responsabilité ne peut être imputée au commerçant pour les infractions commises par d’éventuels utilisateurs de son réseau. Sauf lui imposer de mettre fins aux actes illicites de ces êtres irrespectueux des droits d’autrui. Le fournisseur d’accès devra ainsi sécuriser son système par le biais d’un mot de passe, obligeant ainsi les utilisateurs à ne plus pouvoir agir sous le couvert de l’anonymat. S’il respecte ces quelques contingences, il peut dormir sur ces deux oreilles.

Certains pourraient être tentés de dire que, comme cette jurisprudence est  « européenne », elle n’est pas applicable sur nos Monts. Pas sûr. Si la Suisse ne dispose pas d’une législation comparable aux Directives sur le commerce électronique de nos voisins, rien n’empêche nos Juges de s’inspirer de solutions transfrontalières pour pallier au vide juridique local. Ils l’ont déjà fait à bon escient à d’autres occasions, en matière de responsabilité civile par exemple.

Donc, pour parer à toute évolution légale future (inéluctable) en matière d’hébergement et de fourniture d’accès internet, il vaut mieux prendre les devants. Si donc, en tant que commerçant, on souhaite mettre à disposition de tout un chacun un Wi-Fi gratuit, mieux vaut en sécuriser l’accès au moyen d’un logiciel permettant d’identifier les visiteurs.

(Source : Le Temps, 20/07/2016 et Plaidoyer 6/16 p. 5)

Le 27 …

… où il est question de secret professionnel à l’occasion d’une remarque incongrue, mais récurrente, concernant notre belle profession d’avocat, remarque émanant d’un client. Un comble !

Pourquoi ? Jugez plutôt.

D’abord, ce que le secret professionnel n’est pas : un moyen détourné de s’assurer un avantage concurrentiel.

Mais, alors, à quoi ça sert?

Depuis (presque) la nuit des temps – braves gens – le secret professionnel de l’avocat indépendant a toujours été érigé en tant que vertu cardinale de notre profession. Déjà au temps des romains, les « baveux » en toge qui le violaient étaient sanctionnés.

Avec le Lumières, la profession va se développer et l’idée du secret reste solidement ancrée dans la formation qui est désormais dispensée sous les préaux. C’est un corollaire essentiel de l’indépendance de l’avocat, autre marque de fabrique des gens de robe.

En 2017, le secret professionnel est non seulement une garantie contractuelle donnée au client  mais aussi une obligation légale, puisque l’art. 321 CP prévoit une sanction pour sa violation. Pas question d’envoyer le fautif aux galères, mais ça fait tout de même tâche dans le paysage.

Alors qu’aux États-Unis par exemple, le secret professionnel de l’avocat est relatif (l’avocat ne peut pas notamment garder pour lui certaines informations illicites), en Suisse, comme chez nos proches voisins, il est absolu.

Tenez-vous bien, même si le client délie son mandataire du secret, l’avocat reste libre de parler ou de se taire, s’il considère que l’intérêt du client l’exige. Non pas que l’avocat est un tyran psychotique qui veut avoir le dernier mot, mais uniquement parce que ce fichu secret est là pour protéger le client et pas l’avocat et que ce dernier est en principe le mieux placé pour savoir ce qui est mieux pour celui qui l’a engagé. C’est d’ailleurs aussi pour ça qu’il le paie… et  cher. Parce que si c’est pour se faire du mal, autant que  cela en vaille la peine !

Donc, le secret professionnel est bel et bien un droit fondamental du client. Et c’est normal, parce que c’est lui qui est au centre de la procédure qui peut avoir de graves conséquences pour lui.

Précisons tout de même que le secret  ouvre uniquement les activités spécifiquement liées à la profession d’avocat. Donc, point de salut si le mandataire se livre par exemple à des spéculations immobilières pour son client.

Autre limite, le secret de l’avocat ne peut pas être invoqué, si ce dernier a enfreint la loi, qu’il est tenu de respecter comme n’importe quel citoyen.

Voilà, c’est dit, cher client, protégé malgré lui et que la reconnaissance n’étouffe pas. Maintenant, vous savez, donc, plus d’excuse. Le secret professionnel est  chevillé à l’avocat, dont il est un des signes forts de son indépendance par rapport au Pouvoir. C’est une garantie fondamentale de l’État de droit et de la démocratie. Et c’est bienle justiciable qu’il protège envers et contre tout.

Qu’on se le dise !

Le 28 …

… où l’on se dit que le monde a encore quelques progrès à faire en matière de séparation entre droit et morale, ainsi que du côté de l’égalité des sexes…

Au Maroc, deux amants ont été condamnés pour « adultère ». 2 ans de prison ferme pour la femme, 7 mois pour l’homme. Et on ne parle pas d’une lavandière et d’un gardien de troupeaux !

Elle est une jeune femme d’affaires dirigeant une compagnie aérienne et, lui, un entrepreneur à succès. Et elle est divorcée ! Mais son ex a retenu les papiers du divorce et a déposé plainte contre elle et son amant, comme ça, pour le fun.

En relisant cette nouvelle trouvée sur le site net du journal Marianne, on ne sait pas trop ce qui choque le plus. Les conceptions rétrogrades de Juges mélangeant religion et morale ou l’inégalité de la sanction. En effet, ils ont considéré que la femme était bien plus coupable que l’homme !

Le 29 …

… où nous sommes contraints, une fois de plus, d’apprécier à sa juste valeur, le sens de l’humour de certains magistrats dans le domaine de l’assistance judiciaire.

Dans cet exercice, à la fin de la procédure, quand il a obtenu l’aide juridictionnelle pour son/sa client/e, l’avocat doit envoyer la liste des opérations nécessaires à la conduite du mandat au juge qui a tranché la cause et qui doit fixer quelle rémunération a droit à l’avocat, rémunération qui sera avancée par L’État, avant d’en demander le remboursement au bénéficiaire.

La loi précise que seules les opérations absolument nécessaires à la conduite du mandat (audiences, échanges d’écritures, contact avec le client, ben oui, on n’est pas devin…) peuvent être retenues. Quant à la jurisprudence, rendue par des juges fédéraux dont le salaire est hors classe, elle précise que, dans le domaine de l’assistance judiciaire, l’avocat doit couvrir ses frais et a quand même droit à un petit quelque chose en plus, mais petit hein !

Dans cet exercice où un magistrat est investi de la glorieuse mission de sanctionner le travail d’un avocat, dont il n’a pas forcément partagé les vues durant la procédure, certains sont d’une justesse et d’une équité parfaite. Ce sont les plus nombreux, fort heureusement. Et le respect qu’il témoigne à notre profession renforce celui qu’ils ont de l’institution judiciaire.

D’autres, malheureusement, se posent en censeurs d’une activité qui, manifestement, ne leur a pas convenu ou, pire encore, eux-mêmes anciens avocats, appliquent un barème uniforme de réduction linéaire du temps consacré qui laisse augurer de la manière dont il remplissait leurs listes de frais avant de « statuer sur le siège » comment ils disent.

Et donc, dans un dossier matrimonial où un client portugais avait beaucoup de peine à comprendre les subtilités de la législation en matière de divorce, on constate que le temps consacré à lui expliquer ses droits, ses obligations, mais aussi le travail du juge pour qu’il puisse l’accepter, est tout simplement divisé par 2.

Toujours dans la veine comique, à la fin de la procédure,  s’agissant du courrier qu’on lui adresse pour lui expliquer quelles sont les implications de la décision rendue par ce fameux juge plus Ponce que Pilate, les 20 minutes indiquées pour tenter de rendre le plus clair possible le courrier résumant les obligations imposées à ce lusitanien sont biffées avec la mention manuscrite « déjà assez d’explications » ! Où sont-elles indiquées ces fameuses explications que, en vertu de notre science infuse et prémonitoire, nous aurions pu dispenser avant le jugement ? Mystère.

Un juge cantonal, à qui je faisais la remarque il y a quelques années qu’un minimum d’honnêteté intellectuelle dans l’examen des listes de frais ne serait pas inutile et favoriserai le respect mutuel, je me suis vu répondre : «Ah, mais en matière d’assistance judiciaire, tout le monde doit faire un effort, car cela coûte fort cher à l’État ». « Très bien ai-je répondu. Si tout le monde doit faire un effort, les magistrats qui traitent également un nombre croissant de causes où les parties bénéficient de l’aide juridictionnelle devraient aussi participer à cet effort collectif en abandonnant une partie de leur salaire. Comme ce n’est pas eux qui payent leurs locaux, leurs secrétaires, leurs employés, le matériel informatique, bref toute l’infrastructure, le calcul ne devrait pas être trop compliqué… »

Je vous laisse imaginer la réponse…

Le 30 …

… où l’on est toujours surpris de constater à quel point le fait de donner à une personne quelques responsabilités et un certain pouvoir, opère sur lui une étrange mutation, à savoir qu’il se croit autorisé de se comporter avec ceux sur lequel il peut exercer ce pouvoir comme un tyran.

Comme ce fonctionnaire qui convoque une séance qui n’a plus rien d’urgent aujourd’hui, vu que cela fait 6 mois que nous attendons son bon plaisir, pour réunir les membres d’une hoirie, dont certains, représentés par votre serviteur, sont domiciliés à l’étranger.

Et là, tout à coup, il décide de réunir toute la coterie en plein milieu des vacances de Pâques, en prenant bien le soin d’indiquer que tout le monde devra être présent, sinon la séance ne sera pas valable, et qu’il demandera dès lors aussitôt la dissolution de la communauté héréditaire.

Sa réponse au courrier lui demandant gentiment de reporter cette audience après Pâques est une fin de non-recevoir à peine polie. En résumé, « je ne vais pas m’embêter à reconvoquer tout le monde. Vous n’avez qu’à vous débrouiller ! »

Comme dit un de mes excellents Confrères : « Un jour ou l’autre, il sera confronté à un autre petit caporal. Il s’énervera contre lui, sans même se rendre compte que c’est un copain de régiment »

Le 31 …

… où l’on découvre, en cette épilogue de mars, un excellent remède contre les scories d’une soirée un peu trop arrosée : le calcul de contributions d’entretien selon le nouveau droit, avec de multiples variables (maison vendue, pas vendue; Madame travaille… ou pas, etc…).

Tout à coup, le mal de caillou s’estompe… Miracle, nous voilà dans la twilight zone…

 

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