L’honneur est sauf !

11/07/2013 § 1 commentaire

Il y a, comme ça, des certitudes fortement ancrées dans l’inconscient collectif. Par exemple, au risque de me répéter, pour les juges, un policier, ça ne ment pas ! Et pourquoi donc, mon brave monsieur ? Mais parce qu’il a prêté serment, pauvre pomme. Et quand on a prêté serment, après, on dit toujours la vérité, même quand on se contredit. Bon sang, mais c’est bien sûr ! Voilà une évidence aussi incontournable que l’affirmation que tous les justiciables sont égaux devant la loi…

Hier après-midi, cette réalité s’est une fois de plus manifestée au terme d’une (petite) audience. Ma cliente était accusée de violences envers les fonctionnaires et d’avoir refusé de décliner son identité après une dispute verbale avec son copain de beuverie. Rien de grave, sauf qu’elle était un tout petit peu récidiviste et courait donc le risque de voir révoquer un sursis antérieur. C’était surtout cela qui l’avait motivée à me consulter. Comme elle venait de retrouver du travail, elle ne voulait pas passer par la case prison, au risque de perdre son emploi.

En consultant le dossier, je constate que la policière qui avait rédigé le rapport n’était pas très claire dans sa description des faits. Elle expliquait certes que, ma cliente était complètement hystérique et fortement sous l’emprise de l’alcool, et qu’elle venait aussi de se faire agresser par son soi-disant camarade. Sans affirmer pourtant qu’elle et ses collègues avaient été victimes de violences ou simplement menacés par cette virago complètement à l’ouest. S’agissant du refus de décliner son identité, on constatait que la dénonciation disait que les propos de ma cliente n’avaient pas été très clairs quand on lui avait posé la question. Or l’infraction de refus de décliner son identité suppose, en principe, que les agents soient obligés d’emmener l’intéressé au poste pour pouvoir établir (enfin) son identité, ce qui n’avait pas été le cas. Et ils avaient bien réussi à l’identifier, puisque ma cliente était l’objet de la procédure. Ils n’ont pas deviné ça tous seuls quand même !?!

Hier, cette sympathique représentante de la maréchaussée est venue confirmer que ma cliente ne voulait pas qu’on la fouille (là aussi, j’ai relevé que les conditions légales pour une fouille corporelle –soupçon que le produit de l’infraction soit p. ex. dissimulé sur la personne – n’étaient pas remplies), qu’elle gesticulait, mais n’avait pas dirigé de coups directs envers elle ou ses collègues. Et le Président d’insister : Mais elle faisait quoi ? Elle ne faisait que brailler et gesticuler ou elle voulait vous empêcher de faire votre travail ? Réponse du témoin : difficile à dire si elle voulait nous embêter compte tenu de son état. Et quand je lui ai demandé s’il était possible que, vu l’état éthylique de ma cliente, elle n’a peut-être pas compris si elle avait donné son nom, la policière a immédiatement affirmé : oui, c’est tout à fait possible, dans l’agitation je n’ai peut-être pas compris.

Me voilà tout guilleret. Je plaide donc que, pour qu’il y ait violence envers les fonctionnaires, il faut un comportement actif dirigé contre les agents de la force publique. Il faut aussi l’intention. Comme la police s’accorde à dire que ma cliente était complètement saoule et qu’il n’y a eu aucun contrôle médical du taux d’alcoolémie, le doute doit profiter à l’accusé quant à sa capacité de discernement et son intention de perturber le travail de la police. Sans compter que doute il y avait aussi quant à cette question de refus de décliner son identité, puisque les policiers n’avaient peut-être pas compris sur le moment les élucubrations de ma brave cliente, mais que, étrangement, sans l’amener au poste, ils avaient finalement identifié la bonne personne.

Après une heure de délibéré, le juge revient nous dire qu’il condamne ma cliente pour ces 2 chefs d’accusation. Qu’on ne pouvait affirmer qu’elle était incapable de discernement, puisqu’elle avait compris qu’elle avait affaire à la police ! Que cette brave policière qui a prêté serment, faut-il le rappeler, ne peut pas mentir, qu’elle a été très clair dans son rapport et constante dans ses déclarations à l’audience (alors qu’elle est devenue justement beaucoup plus nuancée et évasive) et que, comme elle avait été très sympathique avec ma cliente aujourd’hui, il était évident qu’elle ne cherchait pas à l’enfoncer, on pouvait par conséquent interpréter ses déclarations dans le sens de l’accusation, donc pas de place pour le doute. C.Q.F.D.

Moralité, il n’y a plus de doute si c’est la maréchaussée qui vient vous l’apporter sur un plateau, parce que si les policiers ont prêté serment, c’est justement pour qu’il n’y ait plus de doute pour les pauvres magistrats exposés à devoir annuler des sanctions branlantes pour le plus grand déshonneur de la justice. Ouf, l’honneur est sauf !

PS : de manière tout à fait étonnante, compte tenu du comportement gravement attentatoire à l’ordre public, à la sécurité et aux bonnes mœurs, de ma cliente, celle-ci a été condamnée à une peine plus que symbolique, sans révocation de sursis antérieurs, et condamné à s’acquitter d’une participation toute aussi symbolique aux frais de justice. Face à tant d’incivilités délibérées, il est clair qu’il fallait frapper fort pour faire un exemple. C’est fait, mais qui va profiter de cette magistrale leçon de sauvegarde de la société ?

PS2 : si vous êtes complètement bourrés et que vous avez affaire à la police, dites que vous avez vu des flamants roses. Parce que, tant que vous pouvez reconnaître un agent en uniforme, vous êtes toujours en pleine possession de vos moyens !

Le minimum syndical

10/24/2013 § 1 commentaire

François est membre de la direction d’une institution accueillant des adultes victimes d’un handicap psychique. A ce titre, il est salarié comme tout le personnel de l’institution, du directeur au simple marmiton, en passant par les maîtres sociaux – professionnels en charge des résidents.

Durant l’été, le syndicat du service public, dont dépend le personnel de l’institution, a organisé une réunion d’information sur différents sujets. François, en sa qualité de salarié, a voulu se rendre à cette réunion qui se tenait dans un restaurant de la région, en compagnie d’autres membres de la direction, tout aussi salariés que lui. À leur arrivée, ils s’attablent sur la terrasse et commandent des consommations. C’est alors qu’une représentante du syndicat intervient et leur a fait savoir qu’ils ne sont pas les bienvenus, car ils sont membres de la direction et que, par conséquent, leurs collègues n’oseront pas s’exprimer librement. La discussion s’engage et, tout à coup, la représentante en question lance à François : « Vous devriez arrêter de boire ! ». Celui-ci lui montre son verre qui contient de l’eau minérale.

Le lendemain, la syndicaliste, se doutant bien qu’elle était allée trop loin, adresse un courriel au directeur de l’institution pour revenir sur la réunion du soir précédent et, en conclusion, déclare que, s’agissant de François, ses propos ont dépassé la limite et qu’elle les regrette .

François, vexé – et on le comprend – d’avoir été traité d’alcoolo devant ses collègues vient consulter votre serviteur pour savoir s’il a bien été victime d’une atteinte à l’honneur et s’il est en droit de déposer une plainte pénale.

La question de savoir si le fait de traiter une personne d’alcoolique devant des tiers l’a fait apparaître comme méprisable aux yeux du public pourrait être le lieu d’un débat de société intéressant, encore que, une réponse positive puisse être objectivement donnée dans pratiquement tous les cas de figure. Mais, là n’est pas la question aujourd’hui.  Je suggère à François, plutôt que de faire du droit, d’agir sur le plan du savoir-vivre et de l’amour-propre. Il faut obtenir des excuses écrites, qui lui seraient personnellement adressées, suggestion qu’il accepte. J’adresse donc un courrier à notre fameuse représentante en lui demandant de s’excuser dans les formes, faute de quoi mon client se réserve le droit de déposer une plainte. Quelques jours plus tard, je reçois non pas une lettre, mais un simple courriel dans laquelle cette personne dit que, bon finalement, elle s’est déjà excusée une fois, elle ne voit pas l’utilité de le faire une seconde fois, mais elle le fait quand même.

Mon brave François, à qui je transmets ce courriel, me rétorque à juste titre : « Elle pourrait tout de même y mettre les formes et me l’écrire personnellement, comme cela lui a été demandé. » Rebelote, nouvelle correspondance à cette brave dame pour lui dire que mon client attend des excuses correctement rédigées et formulées. Et ce matin, qu’est-ce que je reçois ? Un bout de carte-réponse estampillé aux couleurs du syndicat et au travers duquel ces quelques mots sont griffonnés par-dessus le logo et les différentes coordonnées postales et téléphoniques : « Monsieur, par la présente, je vous présente mes excuses pour mes propos ».

Je dois être vieux jeu, dépassé, souffrant d’une inculture crasse et privé de toute éducation, mais je trouve le procédé choquant et témoignant d’une pauvreté d’esprit insondable, surtout venant de la part de personnes adorant faire la leçon à ceux qu’ils considèrent comme des énarques et des exploiteurs du peuple. Encore heureux qu’elle n’était pas aux toilettes quand elle a rédigé sa bafouille, je vous laisse imaginer le support qu’elle aurait utilisé… L’un de mes collaborateurs a trouvé les mots pour résumer la situation : « Ce doit être cela le minimum syndical ! »

Où suis-je ?

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