Avril…
… où, alors que Covid n’est pas mort et que Poutine tire dans le tas, on veut croire que, dans nos vallées, il n’y a rien à craindre. Don’t point your dream on my horizon / Don’t take your rose too far from home / Please don’t forget we’re not each other / Each soul has black thorns of his own … There is nothing to fear…
Le 1er…
… où le Tribunal accepte toutes nos réquisitions complémentaires de preuve, contre l’avis du Parquet, qui refusait d’entendre les employés de notre client. Motif : comme ils travaillent pour lui, ils vont forcément mentir ! Heureusement, le Juge du fond n’a pas oublié que chaque élément du dossier doit être apprécié en fonction des circonstances. On appelle ça l’appréciation des preuves. Et c’est aussi important que les droits de la défense…
Attention : ce post du 1er avril a été réalisé sans trucage !
Le 4…
… où on dit que le silence est d’or.
Hasard du calendrier, plusieurs déterminations à déposer. Dossiers forts différents où il y aurait bien des choses à dire. Mais, pour l’instant , difficile de savoir lesquelles seraient pertinentes. Donc, il semble plus judicieux de rester coi et observer le prochain mouvement à venir.
Sun Tzu a dit : “Faire cent batailles et gagner cent victoires n’est pas la meilleure conduite. Parvenir à battre son adversaire sans l’avoir affronté est la meilleure conduite.”
Le 5…
… où le conseil du jour pourrait être de ne pas organiser de vidéo conférence en utilisant comme lien l’e-mail de la société du client en litige avec son associé.
Téléphone avec ledit client, après trois tentatives vaines de connexion.
– Vous ne recevez mes invitations ?
– Si, mais mon associé à accès à ma boîte de réception et les efface au fur et à mesure…
Le 6…
… où il est toujours question de cette insaisissable Vérité qui fait le bonheur (ou le malheur) de l’avocat.
Mars a déjà eu l’occasion de vous en parler à propos d’un cas concret, toujours en attente de jugement (voir les billets des 24, 29, 30 et 31).
L’actualité judiciaire de la Comté donne aujourd’hui encore l’occasion de s’attarder sur une autre facette du problème. Quand on veut faire rimer la Vérité judiciaire avec la Morale. L’intention pourrait être noble ou défendable, puisque l’ensemble de notre ordre juridique est teinté de morale judéo-chrétienne. Mais Morale et Droit sont deux idées différentes du Bien Commun. Voilà qu’on mettrait presque Thomas d’Aquin sur la table. Mais là n’est pas le débat du jour.
On parle d’un photographe ayant profité de séances de poses avec des jeunes filles pour entretenir des relations sexuelles avec ses modèles, tout en filmant à leur insu ses prouesses. Sans mauvais jeux de mots, un scénario cliché en quelque sorte. Sauf que le cachet de l’acteur principal est plutôt amer. En 1ère instance, il est condamné à 11 ans de prison, les juges ayant considéré qu’il y avait eu abus sexuel.
Le photographe, qui se présente désormais devant la Cour d’appel, reconnaît tous les rapports, mais les décrit comme consentis, ce que les jeunes femmes ne nient pas en bloc. De surcroît, comme il a filmé ses rencontres – qu’il admet avoir provoqué et favorisé – il utilise ces images pour plaider le malentendu vérifiable en HD.
11 ans… ce serait plutôt une peine pour un homicide a dit la défense. D’autant qu’en 1ère instance, le Procureur avait requis 6 ans. Sacré décalage, en effet. Un peu dans l’air du temps, comme n’ont également pas manqué de soulever ses avocats. A juste titre. La plupart des affaires de mœurs sont en effet aujourd’hui phagocytées par la Morale bien pensante de ceux qui veulent substituer la vengeance à la Justice, confondant allègrement les deux pour amener les Juges sur leur terrain. Celui où la présomption d’innocence n’existe plus, car on ne serait plus là pour juger le crime, mais pour permettre à la victime de se « reconstruire », concept prétendûment magique qui doit nécessairement commencer par la condamnation obligatoire de l’accusé.
Ces talibans de la chair veulent donc en arriver à la négation totale du but du droit pénal qui est de protéger la société contre les comportements de l’accusé et non de sacraliser la victime au détriment de ce but. La victime a le droit de participer au procès pénal, c’est indéniable. Mais on ne peut se servir d’elle pour le détourner de sa fonction. Sinon, la Vérité judiciaire, déjà si difficile à cerner, se met soudain à tanguer dangereusement vers le militantisme. Et, là, c’est la loi de Lynch qui reprend la main.
A distance, comme d’habitude, difficile de se faire une idée cohérente de la situation. D’un côté, les vidéos, nous dit la presse. De l’autre, la Vérité du Procureur, dont il faut dire que son travail est rendu difficile, car il a dû reprendre (et donc défendre) le travail d’un autre Procureur, réputé pour son intransigeance à l’égard des accusés d’infractions à caractère sexuel, aujourd’hui parti à la retraite.
Trois Vérités s’affrontent donc devant la Cour. Celle du photographe, qui plaide le dévergondage, mais pas l’abus. Celle du Procureur qui défend une vision #MeToo, dopée aux amphétamines depuis le jugement de 1ère instance. Et celle du dossier qui est dans les mains des Juges d’appel.
Verdict à suivre.
Le 8…
… où c’est donc un arrêt à 180° du premier jugement qu’a rendu la Cour d’appel de la Comté, dans l’affaire du photographe qui voulait concurrencer Marc Dorcel.
De 11 ans fermes, on passe à 30 mois, dont 15 fermes, soit une libération immédiate au terme de l’audience nous rapportent les médias.
La Vérité de l’accusé a donc pris le pas, non sur celle des victimes, mais sur celle des Juges de 1ère instance et du Procureur, qui voyaient en lui un vulgaire violeur, bien qu’il reste assez sèchement sanctionné pour avoir tout de même largement dépassé la ligne rouge en matière de protection de la sphère privée au travers de ses souvenirs vidéos, filmés à l’insu de ses partenaires.
La Vérité judiciaire ne serait donc qu’une simple affaire d’interprétation ou de sensibilité ?
Pas si simple. Elle est l’aboutissement d’un long chemin, qui a passé par une instruction, des débats, des plaidoiries et, au final, un verdict. Elle ne doit donc pas être jugée pour ce que l’on voudrait qu’elle soit intrinsèquement, mais à l’aulne du processus qui a permis d’aboutir au jugement, dont on doit admettre qu’il n’atteindra jamais l’unanimité dans la perfection, mais doit permettre d’affirmer que la voix de tous a été entendue et prise en compte, équitablement. Et ça c’est la Justice.
Le 11…
… où l’on se dit qu’il faut avancer prudemment. Ce terrain autrefois balisé est devenu aujourd’hui incertain dans cette époque où l’on se sait guetté pour la moindre phrase jugée politiquement incorrecte.
Cours de droit du travail, auditoire exclusivement féminin et, au menu du jour, harcèlement sexuels, mobbing et résiliation immédiate du contrat de travail pour justes motifs notamment. Bref, des sujets dont il est aussi délicat de parler en réunion que de les traiter en situation professionnelle.
Au final, grâce à un auditoire intéressé et de grande qualité, le cours s’est déroulé à merveille et les échanges furent passionnants…
Le 12…
… où, alors que sous les murs du Palais fédéral s’organise un débat sémantique pour savoir si « Seul un oui est un oui » ou « Non, c’est non » en matière de viol, c’est beaucoup plus calme sur l’avenue de la Gare de notre Comté. On y constate en effet, avec un certain étonnement tout de même, que la Permanence de l’Ordre des avocats a de la peine à reprendre son rythme après la pandémie.
Pourtant le besoin d’assistance juridique ne semble pas avoir baissé auprès de la population, toujours plus confrontée au dédale juridique de notre société. Mais, force est de constater que, ce soir, avec mes trois Confrères, nous hésitons à taper le carton, tant le chaland demandeur de renseignements quant à la meilleure manière d’aborder son litige se fait rare. Et cela à peine une heure après l’ouverture.
La secrétaire qui, d’ordinaire, peine à contenir les demandeurs, nous informe que, effectivement, depuis février, l’affluence est en berne.
Est-ce simplement la crainte de croiser son prochain, quand on sait que la moitié de la population a actuellement la crève ? Ou, comme pour d’autres prestations de services, la pandémie a conduit à un changement d’habitude ? Au lieu d’aller prendre d’abord la température à la Perm’ des avocats, avant de se lancer dans une procédure, on fonce directement chez le baveux pour en découdre avec l’adversaire ? Ou pire… on va chercher une réponse juridique sur internet ?
Le 13…
… où ce Jeudi Saint est le jour de la Vérité de l’accusation.
Tout d’abord, ailleurs en Helvétie :
Le Tribunal de district de Zurich a finalement reconnu l’ex-banquier Pierin Vincenz coupable d’abus de confiance, de gestion déloyale, de faux dans les titres, d’escroquerie et de corruption passive et l’a condamné à 3 ans et 9 mois.
Verdict intéressant, parce que, si tant est que l’on puisse se fier aux médias (!), les juges de première instance sont allés très loin dans leurs considérants en qualifiant pénalement les conflits d’intérêts cachés par les accusés. Pour autant que l’on ait bien compris l’accusation, ces conflits, certes moralement discutables, ne sont pas pour autant qualifiés spécifiquement dans notre Code pénal. L’abus de confiance et la gestion déloyale visent des sommes confiées par le lésé à l’auteur et utilisées à d’autres fins. L’escroquerie exige que ce dernier ait fait preuve d’une astuce particulièrement rouée pour commettre son forfait. Il faudrait donc démontrer que le conflit d’intérêt caché, c’est ça l’astuce. Pas évident du tout. Sauf si l’on considère qu’une personne ne peut gagner de l’argent qu’en faisant preuve d’une transparence totale. Mais là, c’est tout le système qu’il faudrait revoir. Et nous sommes en Helvétie…
Une sanction donc très lourde pour ce qui s’apparente à un jugement de valeur sur le monde parallèle bancaire, vertement stigmatisé par les médias durant out le procès. De là à dire que la campagne de presse contre Pierin Vincenz a eu des effets sur l’intellect des juges, il n’y a qu’un pas que l’on n’hésite pas trop à franchir tant la couverture médiatique de cette affaire, relatant à chaque fois avec mordant les virées en pince-fesses de l’accusé, a été particulièrement intense.
Rendez-vous en appel donc, puisque comme l’a souligné laconiquement le défenseur de Vincenz : « Nous allons recourir, car ce verdict est faux ».
Et aussi, dans la Comté :
Cette autre affaire dramatique qui nous avait permis de mettre en lumière la problématique de la Vérité dans un procès se termine également par un verdict de culpabilité. Plus lourd, parce que là, c’est la prison à vie qui attend cette jeune femme de 27 ans accusée d’avoir étranglé à mort la fillette de son compagnon.
Le Tribunal, n’ayant pas de preuves matériels directes, il s’est appuyé – comme la loi le lui permet – sur un faisceau d’indices lit-on dans les médias. Là, ce n’est plus de jugement de valeur sur un système dont il est question, mais d’appréciation globale des éléments à charge et à décharge, opération délicate, car le raisonnement présente inévitablement des failles, puisque la dernière étape qui écarte les preuves en faveur de l’accusé, la subsomption comme on l’appelle, est donc forcément non scientifique !
Sans surprise, la défense annonce l’appel.
Voilà… Au terme de ces billets de mars et d’avril, où nous avons tenté d’apporter quelques pistes de réponse à cette fille de l’air qu’est la Vérité dans un procès judiciaire, force est de constater que nous ne sommes pas beaucoup plus avancés. Sans être cynique, la Vérité, pour l’opinion publique, sera celle du dernier jugement qui ne sera pas contesté, ou ne pourra plus l’être, car on sera allé jusqu’à Strasbourg. Mais, pour l’avocat, elle sera toujours celle de son dossier, car, pour lui, il n’y a que cela de vrai…
Cela dit, il est temps de prendre quelques jours congé. Lapin, œuf, gigot, bref toutes ces choses. A bientôt !
Le 25…
… où l’on est de retour au jeu en croisant par hasard cette info qui, bien que déjà surannée, nous plonge dans un abîme de réflexions.
Selon une étude de l’université américaine Johns Hopkins, les avocats auraient plus de risque de développer une dépression que toute autre profession.
Nous voilà bien. Sombrons immédiatement dans l’alcool avant le premier rendez-vous…
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