Décembrrrrre…

… où la fin du monde est programmée. Vendredi 23 décembre. Et tout le monde est au courant ! Le téléphone ne cesse de sonner. Les mails pleuvent comme la vérole sur la bas clergé. Des ersatz de Philippulus toquent à l’huis de la FaireCave. Bref, pas moyen de se défiler. Ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort dit-on… Donc, évitons de finir dans le sapin. Et retrouvons-nous plutôt en dessous, une coupette à la main !

Le 1er…

… où le compte à rebours s’accélère pour notre ami Géorgien (voir la fin du Journal du mois précédent).

Pour rappel, Georg (prénom d’emprunt as usual) a été placé en détention « administrative » en vue de son renvoi d’Helvétie, car, selon les autorités en charge de ces questions, il a déclaré refuser de collaborer à un départ volontaire. Georg ne pouvait rester en Suisse plus que les mois « touristes », parce que, non content de piquer des trucs à droit’à gauche, il ne remplissait aucune des conditions lui permettant de revendiquer le statut de requérant d’asile. D’où une décision de non-entrée en matière difficilement contestable et, surtout, définitive.

Avec Me Mulan, nous avons été désigné défenseur d’office, comme la jurisprudence de Strasbourg l’exige, pour assister Georg dans le processus subséquent de contrôle de la légalité de cette détention et de son renvoi forcé. Un rapide examen du dossier a permis de constater que la réalité des déclarations sur lesquels se fondent la Police des étrangers pour le maintenir dans une privation de liberté qui n’a d’administrative que le nom paraissait pour le moins douteuse. La décision dit : « Il refuse de collaborer« , mais rien dans le dossier n’indiquait ne documentait cette affirmation péremptoire et donc qu’il avait opposé un niet à toutes velléités de mettre en place un départ volontaire. Me Mulan a soulevé ce point. Que nenni répond le Service de la Population et des Migrants (SPoMi), qui, magnanime, nous a alors transmis un PV non signé, sur lequel Georg ami aurait coché la case « niet », PV n’indiquant au demeurant pas la présence d’un traducteur géorgien-français dans les parages.

Nouvel haussement de sourcil réprobateur de Me Mulan et de votre serviteur. C’est quoi ce binz ? Pourquoi Messieurs Dames vous ne nous avez pas transmis un dossier complet ? Qu’est-ce que c’est que ce bout de papier non signé et pas traduit ? Et ne voilà-t-il pas que ce matin, histoire d’enfoncer le clou, le SPoMi précise que le bout de papier en question est parfaitement valable. Preuve en est qu’une traductrice, une certaine Mme Z., était bel et bien présente, même si ce n’est pas dûment protocolé. De plus, l’adjoint administratif écrit qu’il lui a téléphoné. Dame « Z »., toujours inconnue au bataillon, aurait confirmé par oral avoir bien participé à cette audition et que c’est bien juste ce qui est marqué sur le PV.

Non mais, on va où là ?

Demain, fin de partie devant le Tribunal des mesures de contrainte (TMC), autorité judiciaire sensée superviser ces questions de « légalité » de la détention et de l’adéquation du renvoi.Mais, on le sait maintenant, les dés sont pipés.

Le 2…

… où Me Mulan, avec une crève carabinée, s’en va courageusement défendre le non-respect des conditions légales et la légèreté du traitement de cette affaire de renvoi devant le TMC.

On l’a relevé juste au-dessus. L’affaire est pliée d’avance. La Juge -, qui nous a obligeamment mis à chaque fois en copie pour que nous comprenions bien le message – a pris la précaution de recueillir suffisamment de munitions (identités multiples de Georg, séjour illégal, casier judiciaire, procédures pénales en cours, etc.) pour démontrer que, décision du SPoMi mal fagotée ou pas, il y a suffisamment d’autres raisons pour garder Georg au frais, avant de le renvoyer au frais du contribuable à Tbilissi.On appelle ça vertueusement « juger par substitution de motifs ». Traduction, jusqu’ici on s’est planté et on a fait n’importe quoi, mais, rassurez-vous braves gens, on a largement de quoi remettre l’église au milieu du village.

Et c’est exactement ce qui est arrivé.

La motivation écrite qui nous est transmise à 17:13, alors que l’audience s’est conclue à 16h15 (!), est un modèle de copié-collé. Pas un mot sur les irrégularités du SPoMi. Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil. Georg a dit qu’il comprenait et qu’il était d’accord de rentrer chez lui. Il retourne donc attendre son avion dans sa gentilhommière de la Prison Centrale, au milieu des condamnés de droit commun, ce que tous les textes les textes disent qu’il faut l’éviter autant que possible… Mais, bob, on sait que, dans la Comté, l’offre hôtelière est un peu juste. Pas de chance pour lui. Pas moyen de faire autrement.

Le 3…

… où, une fois n’est pas coutume, on ouvre ce Journal un samedi, pour revenir sur ces deux journées particulièrement frustrantes.

Pas parce que le TMC a décidé – c’est sa fonction – de garder Georg en détention administrative. Mais parce que, selon une formule bien connue des habitués de ce blog : Il ne faut pas prendre les enfants du Bon Dieu pour des canards sauvages… Si les autorités responsables de l’organisation du renvoi des étrangers en situation illégale avaient fait leur travail dans le respect des lois et des principes constitutionnels, traitement auquel TOUT le monde a droit, le résultat n’aurait peut-être pas été différent. Mais là, pas un rappel à l’ordre, pas une tape sur les doigts. Circulez, y a rien à voir…

Cette indifférence est aussi triste qu’inquiétante. Parce que l’indifférence conduit inévitablement à l’arbitraire. Et, pour se donner bonne conscience, on fait intervenir des avocats, payés par le contribuable, dont le rôle doit se limiter à tenir la chandelle.

PS : Ces lignes sont écrites en écoutant The Final Cut, album légendaire de Pink Floyd, boulet de canon signé Waters contre l’establishment, écouté pour la 1ère fois à 18 ans, alors que Faire n’était pas encore Me, et cultivait un certain goût pour la révolte contre le système, mais en mode collégien (cheveux longs, Adidas Rom usées jusqu’à la corde et pins épinglés un peu partout). On veut nous faire croire que ce pays applique le droit et on ne comprend pas pourquoi on ne pointe pas sur une marche du podium d’Amnesty International en matière de respects des Droits de l’Homme. Eh bien voilà notamment pourquoi.

… through the fish eyed lens of tear stained eyes

i can barely define the shape of this moment in time

and far from flying high in clear blue sky

i’m spiralling down to the hole in the ground where i hide…

Le 5…

… où il fallait bien 10 pages au TMC pour développer sa décision confirmant le maintien en détention administrative de notre ami Géorgien. En prenant soin de passer comme chat sur braise sur les informalités des autorités d’exécution de cet enfermement (appelons un chat, un chat) et d’égratigner en prime l’avocat qui a eu le culot de pointer le doigt là où ça ne jouait pas, histoire de faire bonne mesure.

Encore une fois, le résultat ne faisait guère de doute et était difficilement discutable. C’est la manière qui passe mal.

Et c’est là où le bât blesse dans notre système légal. L’autorité qui doit essuyer les plâtres d’une administration déficiente, comme ici la « Police des Étrangers », peut toujours corriger le tir en se basant sur les deux arguments de rattrapage toutes catégories.

Le premier est de se servir de l’alibi de l’avocat. Soyons lucides, nous sommes là pour faire tapisserie. En résumé, l’autorité de contrôle de la légalité de la détention (TMC) nous dit : certes nos collègues n’ont pas fait juste, mais, maintenant, on a collé un avocat dans les pattes du brave justiciable, comme nous le demande Strasbourg. Le baveux s’agite tant et plus. Donc, la défense est désormais assurée et cela permet de corriger les erreurs du passé. Elle ne sont pas sanctionnées, juste on dit : Tout va bien maintenant.

Second argument, toujours aussi imparable : la substitution de motifs. En gros, pour notre cas, Georg est en détention sur la base d’une motivation qui ne tient pas la route (rappelez-vous, cf. plus haut, pas de PV signé, pas de traducteur, etc.), ce n’est plus un problème, on en a une autre interchangeable sous le coude (identités multiples, des procédures en cours un peu partout, il se contredit à gogo quand on l’interroge sur la raison de sa présence en Helvétie, etc.). Voilà, c’est réglé, circulez, il n’y a rien à voir.

Si c’est si évident que Georg devait être maintenu en détention administrative, pour pouvoir exécuter son renvoi, pourquoi ne pas faire juste depuis le début ?

Notre système cautionne donc le bricolage et l’approximation sous le couvert de Oui, mais, à la fin, c’est juste quand même. Ben non, pas tellement. Georg et d’autres, même s’ils sont là où ils ne peuvent pas rester, et qu’ils y ont fait des crasses en plus, eh bien, ils ont toujours des droits. Si, si. Et ce n’est pas parce qu’on pense que ça ne sert à rien de faire du zèle avec eux, qu’on ne doit pas assurer une fonctionnement parfait de l’institution, dans le respect des droits de tout un chacun. Là, on pourra regarder tout le monde dans les yeux.

Allez circulez….

Le 6…

… où l’on revient sur le sujet d’actualité de la semaine : l’expression du consentement du partenaire sexuel. Vaste sujet qui a agité le Parlement hier.

Tout le monde, enfin surtout les spécialistes autoproclamés des sujets à la mode, s’accorde à dire avec plus ou moins de force que le viol est actuellement défini de manière restrictive dans notre code pénal. Seule la pénétration vaginale non consentie d’une femme par un homme est considérée comme tel. Et la victime doit avoir démontré une certaine résistance. C’est juste.

Une révision était donc nécessaire. L’idée générale était que, à l’avenir, toute pénétration non consentie, quel que soit le sexe de la victime, doit être considérée comme un viol. Au passage, on abandonne également la notion de contrainte.

Là où les positions se sont cristallisées c’est sur la forme de l’expression du refus du partenaire que l’on veut inscrire dans la loi comme ligne de démarcation. Un « oui est un oui » ou un « non est un non ». On a pu voir que le débat est à ce stade devenu difficile, voire impossible avec certains, qui assimilaient immédiatement les partisans du seul non qui est un non comme de vulgaires partisans du viol. C’était et c’est toujours un peu court, chaque camp ayant de bons et mauvais arguments pour justifier sa position.

La discussion est aujourd’hui terminée. Elle fut longue. Finalement, les députés ont finalement adopté par 99 voix contre 88 et 3 abstentions la version « oui, c’est oui. »

Grande victoire du camp féministe sur les machistes ? Pas sûr. Dans la pratique judiciaire, il n’y aura pas de révolution de Palais. La présomption d’innocence reste le point de départ. Comme jusqu’à aujourd’hui et pour la quasi-totalité des infractions listées dans le code pénal, c’est à l’accusation d’apporter la preuve de l’infraction (ici le viol) et pas à l’auteur présumer de prouver son innocence, bien qu’il serait bien inspiré de le faire, s’il le peut. Mais, tous les praticiens le savent, prouver un fait négatif, c’est la quadrature du cercle. Le doute continuera de profiter à l’accusé et c’est normal, sinon la Justice versera du côté de #MeToo et autre #BalanceTonPorc et la loi du talion remplacera l’administration des preuves.

Donc, voilà, où nous en sommes. C’est-à-dire pas beaucoup mieux qu’avant sur le plan judiciaire. Mais, contrairement à ce que voulaient nous faire croire quelques apôtres du « oui c’est oui », la conception de la procédure pénale était et reste cohérente. Sur le plan social, il ne faut par contre pas relâcher les efforts pour « éduquer » ceux qui prennent leur désir pour des réalités. Ils ont toujours existé, depuis la nuit des temps. Il suffit de lire la Bible…

Le 12…

… où une pratique s’installe gentiment dans les cours de droit pénal, et c’est dommage de l’avis de votre serviteur.

Pourtant, le code de procédure pénale privilégie toujours l’immédiateté de la sentence après les débats, à la différence des procès civils. Pourquoi ? Parce que la procédure civile est écrite à la différence du pénal ou l’oralité des débats prévaut. Donc, à l’issue d’un procès civil, le magistrat se retrouve avec des écritures qui sont à peu près les seuls éléments qu’il peut retenir dans sa décision. En pénal, il y a bien sûr un dossier, souvent volumineux, mais pas que ça. Il y a les débats publics, l’impression que laisse les parties, les plaidoiries des avocats qui sont souvent le moment fort de l’audience. Et c’est ça aussi (et surtout devrait-on dire) que doivent emporter les Juges dans la salle des délibérations. Et, en principe, n’en sortir qu’avec un verdict. Quelque soit le temps que ça prendra.

Aujourd’hui, il est 16h00 dans cette affaire d’incendie par négligence et on sent bien la fatigue chez tout le monde. La Juge propose de faire parvenir le jugement « dans les 5 jours ». Soulagement visible chez les parties civiles qui, manifestement ne voulaient pas profiter des jolies rues de cette ville de « province » en attendant au minimum deux bonnes heures l’ouverture du jugement en séance publique. Sentiment mitigé chez votre serviteur, nourri à la vieille école où on fait chauffer la machine à café du troquet voisin du tribunal, en tentant de calmer son client et en glissant de temps en temps un regard à l’autre bout de la salle du bistrot où attendent aussi les autres parties.

En sortant du Tribunal, un souvenir ressurgit. C’était il y a bien quelques années. Une affaire de braquage. Nous étions plusieurs confrères commis à la défense des accusés qui opéraient en bande, sans compter ceux des parties plaignantes. Et c’était le père de la magistrate de notre affaire du jour qui présidait le Tribunal (comme quoi, la Justice peut être aussi une affaire de famille !). Les rues aux alentours du Tribunal étaient vides depuis bien longtemps et les cafés tous fermés en ce mardi soir, où nous avions attendus jusque vers minuit que le verdict soit rendu…

Souvenirs, souvenirs….

Le 13…

… où la difficile coexistence entre le droit, la technique et le fédéralisme a rarement été aussi perceptible que cet après-midi.

Audience d’instruction au Ministère Public, affaire de lésions corporelles graves par négligence. Un accident lors de l’utilisation d’une installation sportive dans une salle de gym. L’affaire est sérieuse, car la victime est aujourd’hui lourdement handicapée.

Outre celle-ci, son mandataire et les représentants du Parquet, il y a là l’expert commis par le Procureur – dont les conclusions sont contestées par les avocats du prévenus – ainsi que… le traducteur. Eh oui. Les experts en installation sportive ne courent pas les rues et celui-ci s’expriment en allemand. Il s’est chargé lui-même de traduire son rapport d’expertise, ce qui est déjà une source de divergences, et, maintenant, il doit répondre aux questions du Parquet et des avocats pour clarifier ses écrits.

En résumé, pendant plusieurs heures, l’exercice se décomposera ainsi : question posée en français, traduction, contestation d’un participant (Ah non, Monsieur le traducteur, je n’exprimerais pas cela ainsi). Bon, on recommence (Et comme ça, ça va ? Sinon, venez prendre ma place), réponse de l’expert en allemand, traduction (Excusez-moi, je ne comprends pas la réponse. A-t-il bien compris la question ?). Bon, on recommence (Et là, ça vous convient ?). Réponse protocolée au procès-verbal. Et on recommence. Question suivante.

Et pour couronner le tout, à la fin de ce va-et-vient fastidieux, où tout le monde s’épuise dans cette salle d’audience minuscule vu le nombre de participants (nous sommes onze sur une vingtaine de mètres carrés), il y a la relecture du PV. Pour contrôle et signature de ses déclarations par l’expert. Avec le concours du traducteur, forcément, puisque c’est écrit en français, la langue de la procédure (l’instruction est toujours menée dans la langue officielle du canton où elle se déroule, ou d’une langue que comprend le prévenu, à condition qu’il s’agisse d’une langue nationale). Le pauvre intermédiaire est déjà au bord de l’apoplexie. Il est loin d’en avoir fini. Ce contrôle final va durer plus d’une heure, exercice compliqué par un expert pointilleux, qui souhaite mieux formuler certaines réponses…

En guise de remarque finale, une petite constatation, récurrente dans ce type d’affaire où la situation dramatique à examiner induit au moment de l’ouverture des débats un clivage marqué entre les participants. Procureur et greffière tendus en prévision de discussions qui s’annoncent ardus (Pas de questions qui sortent du cadre, s’il-vous-plaît), avocats, partie plaignante et prévenus qui sont dans les starting-blocks pour défendre leur position, expert sur la défensive et traducteur tendu comme une corde à piano (il a reçu en amont le projet de questionnaire du procureur pour se préparer; même en français, les questions sont absconses pour un lecteur non averti). Bref, tout ce petit monde, où chacun peut se toucher, puisque nous sommes entassés les uns sur les autres, commence par s’observer le couteau entre les dents.

Ambiance aux antipodes une fois le PV enfin signé. L’entente cordiale s’installe subitement, tout le monde sourit à son voisin. Certains échanges sont même à la limite de la plaisanterie. On se sert la main et on se dit : à la prochaine !

Un genre de syndrome de Stockholm, consécutif à une audience qui a presque tenu lieu de prise d’otages… Difficile de qualifier autrement cette résilience qui s’est tout à coup installée dans le microcosme de cette petite salle. Droit, technique, fédéralisme et… psychologie. Les multiples visages du droit…

Le 14…

… où c’est un drôle de sentiment qui se dégage de la lecture de cet acte d’accusation. Une affaire de vol dans un EMS, où une aide-soignante est accusé d’avoir arrondi ses fins de mois en puisant dans les porte-monnaies des résident.e.s.

Une quarantaine de victimes potentielles désignées (potentielles parce que, jusqu’au jugement la présomption d’innocence prévaut), une trentaine de plaignant.e.s. Et à côté de la quasi-totalité des noms, une croix…

Les faits remontent certes à une année, deux ans max, mais c’est un EMS…

Le 16…

… où, c’est sûr, ils ne partiront pas en vacances ensemble. C’est le constat sans appel et incontestable de l’expert, au terme de la séance de clôture de son mandat, organisée dans son minuscule bureau. Décidément, c’est la semaine des séances avec un expert, dans un espace trop exigu pour caser tout le monde à l’aise (poser sac et veste, ouvrir le laptop, prendre des notes…). Mais, là, à la différence de mardi, il s’agit d’une affaire civile. Défaut dans l’exécution d’un contrat d’entreprise sur les hauts de la Baie de Lòzan pour être plus précis. D’un côté, mon client, l’entrepreneur général. De l’autre, le paysagiste.

Un regard neutre dirait sans doute qu’il n’y en a pas un pour sauver l’autre. Mais, mon client a au moins le mérite de l’humour et d’un certain recul. De l’autre côté de la table, son contradicteur est franchement insupportable dans son personnage d’artisan outragé. Michel Audiard en aurait fait son quatre heures, tant ses postures sont caricaturales, ce qui n’échappe ni à son vaillant mandataire ni à l’expert.

Comme d’hab’, fin de la séance, tout le monde se sert la main. Sauf lui, qui retient sa respiration et détourne les yeux quand on lui tend la nôtre…

Le 19…

… où c’est une situation inhabituelle, mais comme nous sommes dans la dernière ligne droit avant la fin du monde, rien ne devrait nous surprendre. Tout de même, là, ce n’est pas tellement courant.

Affaire pénale. Le Tribunal est au complet. Madame la Procureur occupe son siège. La partie plaignante et son mandataire sont en place. La presse idem et votre serviteur aussi. Mais l’homme du jour dont j’ai l’honneur d’assumer la défense… Non ! Il est accusé de détournements de sommes conséquentes au préjudice de son employeur (la partie plaignante) et il a choisi de faire défaut, au sens strict, et aussi procédural du terme, puisque c’est ainsi que l’on qualifie dans la code celui qui ne se présente pas devant ses Juges.

C’est tout de même assez rare pour le relever. En effet, soit le principal intéressé est déjà derrière les barreaux et se fait amener au Tribunal, pour y être juger, en limousine de l’administration pénitentiaire s’il-vous-plaît. Soit, il est en liberté, mais a bien saisi toute l’importance de pouvoir venir s’expliquer et espérer ainsi un jugement correspondant à tous les paramètres de sa situation.

Mais, aujourd’hui, personne… Et, après toutes ces années, c’est une première en ce qui me concerne ! Parfois, ce sont les témoins qui se défilent, pour de plus ou moins bonnes raisons (et qui, tout aussi parfois, se font amener manu militari à l’audience sur ordre d’un Juge ombrageux). La partie civile peut aussi choisir d’ignorer la citation à comparaître. Mais, là, personne ne la forcera à se présenter, car elle est, comme on ne devrait pas l’oublier, un « accessoire » au procès pénal et conserve de toute manière ses droits sur le plan civil. Le Procureur peut décider de ne pas venir dans certaines affaires dont la gravité est relative. Il a toutefois la politesse de prévenir. Mais, le prévenu, l’accusé, celui-là ne peut choisir de venir… ou pas. Parce que, sans lui, il n’y a pas de débat possible. Ou si peu. En tous cas, à ce stade. Car la loi permet au « défaillant » d’être reconvoqué au moins une fois, avant d’être jugé en son absence.

S’il ne donne pas suite à la seconde convocation, c’est là qu’il sera immanquablement jugé « par défaut ». Dans ce cas de figure, la sentence est à coup sûr plus sévère qu’au terme d’un procès classique, les Juges goûtant peu qu’on leur fasse faux bond. Toutefois, lors du premier défaut, toute personne ainsi condamnée « par contumace » (comme disent les voisins) peut demander – une fois – à être rejugée. C’est un droit garanti par la Constitution et les standards internationaux. Mais, l’intéressé – et son avocat – partiront dans ce cas-là avec un sévère handicap, parce que, à moins d’avoir une bonne excuse…

Aujourd’hui, quelques fantasmes sont exprimés de part et d’autres par l’accusation et la partie civile. Et s’il était sur une île au soleil en train de se dorer la pilule en pensant à nous ? Peu probable. Le dossier démontre que toutes les sommes détournées ont été dépensées. La vérité est certainement moins romantique. Il est fortement à craindre que cet homme aujourd’hui fini, dont l’expertise psychiatrique a démontré le très fort sentiment d’échec d’une vie autrefois bien rangée et la honte du regard des autres, ère quelque part dans une rue, dormant à la cloche de bois. La fuite, il faut de l’argent, un minimum au moins. La légion ? Il est trop vieux, même pour peler les pommes de terres. Marin anonyme sur un cargo en direction de l’Orient mystérieux ? C’est pour la littérature. La vérité est souvent désespérément terre-à-terre…

Le tribunal ayant accepté de le reconvoquer, peut-être en saurons-nous un peu plus au printemps prochain. Espérons seulement que, si nouvelles il y a, elles ne seront pas trop mauvaises.

Le 21…

… où le temps file vers la fin du monde. Pas besoin de Philipulus pour nous rappeler le 23.

Le courrier devient gentiment clairsemé. Les téléphones par contre densifient. Et les journées n’ont toujours que 24 heures…

Et il y a la séance du 23 à préparer.

Le 23…

… où c’est la dernière séance de l’année. Séance de « conciliation » au sens large, puisqu’il faut trouver des solutions dans une situation inextricable depuis des années.

L’esprit de Noël planait-il sur la salle d’audience ce matin ? Difficile à dire. Pas de sapin dans un coin, de vin chaud ou d’autres signes appelant à la paix sur terre (et accessoirement à l’apaisement dans ce dossier). Mais une Juge qui, par ses paroles d’introduction et surtout ses excuses au principal intéressé, pour le traitement pas forcément adéquat dont il a été l’objet pendant ces dernières années, a permis à tous les participants de bien comprendre qu’ils n’étaient pas là pour expliquer à quel point ils avaient raison, mais pour faire avancer le schmilblick vers une solution en 2023.

Et si tout n’est pas réglé, ça en prend (enfin) le bon chemin.Le Père Noël n’était peut-être pas en avance avec des cadeaux. Mais tout le monde a fait en sorte que le lendemain on trouve aussi de l’apaisement sous le sapin.

Le 26…

… où en ce jour de Boxing Day votre serviteur prend congé de vous et de 2022, pour vous retrouver en… 2023 ! Eh oui, c’est déjà là.

Un grand merci à vous tout.e.s qui me fait le plaisir et l’immense honneur de suivre ce blog. Profitez de vos familles et de vos amis durant ces quelques jours, c’est le plus important.

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