Octobre…
… où, a priori, pour l’été indien, il faudra encore attendre un peu. Côté météo, l’ambiance est plutôt en mode fin novembre. Nobody on the road / Nobody on the beach / I feel it in the air / The summer’s out of reach…
Le 1er…
… où il faut bien lire les notes transmises par Teams. Parfois, ça peut aider à ne pas confondre les interlocuteurs dont on a interverti les numéros, ce qui peut conduire à des quiproquos, surtout si les deux personnes ont quasiment la même voix au téléphone !
Comme par exemple, quand on rappelle le client qui, croit-on, veut nous parler des réquisitions de preuve de la partie plaignante, qui viennent de lui être envoyées par courriel. Alors que, en réalité, on parle à un autre (celui juste en dessous dans la liste des rappels), qui revient sur le courrier envoyé hier à l’avocat de son ex-associé.
Comme on ne parle pas du tout de la même chose, c’est d’abord votre serviteur qui se demande si son client n’est pas un schlass, parce que ses réponses sont bizarrement à côté de la plaque. Pourquoi ne percute-t-il pas quand on évoque le Procureur ? Le plus drôle, c’est lui qui s’excuse. Il a eu une journée difficile, explique-t-il, et s’est levé tôt. Puis, au détour d’une phrase, on se rend compte soudain de la bévue… pfff… mais le client enchaîne et on continue comme si de rien n’était.
PS : il y a un ange gardien pour les avocats qui ont besoin de vacances…
Le 2…
… où, parfois, la stratégie de la partie adverse nous échappe.
Comme quand on lit dans un « mémoire additionnel », dont la recevabilité en procédure civile paraît douteuse (Note : on ne peut ajouter des faits nouveaux en procédure civile, une fois l’échange des écritures clos, que s’ils sont vraiment « nouveaux », donc qu’ils n’existaient pas avant), que ces braves gens accusent maintenant à mots couverts les témoins dont ils ont eux-mêmes demandé l’audition (et qui ont été entendus par le Tribunal) d’être de mèche avec notre client !
Le 5…
… où il est assis là, devant le Procureur de service, outré d’avoir était arrêté une énième fois au centre-ville pour trafic de stupéfiants, ce qu’il conteste vigoureusement.
Depuis sa libération en août dernier, il a cumulé pas moins de 33 rapports de dénonciation pour toutes sortes d’infractions mineures, certes, mais tout de même, 33…
Quand le Procureur lui annonce qu’il n’a pas d’autre solution que de le remettre en prison, il s’agite et sanglote que ce n’est pas juste, qu’on va lui « ruiner sa vie », parce qu’il devait partir à fin octobre pour l’Italie où sa famille avait réussi à lui obtenir une autorisation de séjour. Quand le magistrat lui demande comment il a procédé, il répond le plus innocemment du monde : « Ben, j’ai payé € 6000 à un avocat italien pour qu’il organise tous les papiers» !
Haussement de sourcils du Procureur. « Monsieur, vous plaidez à l’assistance judiciaire, alors expliquez-moi comment vous avez fait pour payer € 6000 à cet avocat, alors que vous n’avez pas de travail et que vous vivez dans un foyer ? »
« Euh, en fait, ce n’est pas moi, mais ma famille. Bon, j’ai quand même mis € 2000 de ma poche…»

Le 6…
… où l’on apprend, dans l’indifférence générale, la double sanction de la Suisse par la Cour Européenne des Droits de l’Homme.
En résumé, parce qu’une telle doublette n’est pas anodine, il y a tout d’abord un arrêt rappelant à ces Messieurs Dames de la Cour que, si un acquittement est prononcé en première instance, on ne peut pas garder en détention l’accusé jusqu’à ce que l’appel du Ministère public soit jugé, voire jusqu’à ce que le Tribunal fédéral tranche définitivement la question. Un acquittement, c’est un acquittement, même s’il n’est pas définitif. Et tant pis si le prévenu libéré de ses chaînes se carapate…
Comme toutes les affaires jugées par la Cour, on part d’un cas singulier. Toutefois, le message est intéressant. Nous, les pénalistes, savons que le jugement de première instance est le plus important, car, par la suite, celui qui le conteste, devra ramer ferme pour obtenir satisfaction. La Cour d’appel, puis le Tribunal fédéral, rappellerons toujours au plaideur contestataire que l’on ne va pas revoir une appréciation – même très discutable – des premiers juges (les juges du fait comme on dit), si l’on est incapable de démontrer objectivement que ceux-ci sont complètement à côté de la plaque. Cela leur laisse une sacrée marge de manœuvre. Donc, le message de Strasbourg est le suivant : si les avis des premiers juges sont très partagés et que la balance de la Justice penche un chouïa en faveur de l’accusé, il faudra prendre le risque de le remettre en liberté.
Le second dossier n’était pas moins intéressant, à l’heure où la Suisse, comme ses voisins, essaye à tout prix de brider les libertés individuelles, le secret professionnel bref, tout ce qui permet d’affirmer que l’on vit dans un État de droit. Une journaliste avait été condamnée car elle avait refusé de livrer ses sources, soit l’identité d’un dealer. Elle avait raison nous dit-on, alors que toute une corporation de magistrats bien-pensants avaient vertement tancé l’impudente.
Comme les jugements de Cour, même européenne, sont encore plus improbables que ce que pensait Lafontaine, espérons que les caïques Strasbourgeois resteront à l’avenir tout aussi critique vis-à-vis des grands penseurs du droit helvétique qui cherche par tous les moyens à limiter les droits de la défense, puisque, paraît-il, notre code de procédure pénale est trop permissif à l’égard des mécréants…
Le 7…
… où, en parcourant les news, on tombe sur cette petite perle, un fraudeur pincé à la douane franco-suisse, avec un Renoir dans son coffre…
– Et aujourd’hui, tu plaides quoi ?
– Contrebande de tableaux…
Le 8…
…où, pour poursuivre dans la même veine que la veille, on découvre sur les médias virtuels cette news pompeusement estampillée « Justice » : « Deux personnes ont été interpellées en flagrant délit de trafic d’animaux de compagnie. Elles sont soupçonnées d’avoir importé illégalement des bichons maltais et diverses races de chats.«
Décidément, l’Helvétie plaque tournante des trafiquants en tous genre (ou devrait-on dire de tous poils) ? Peut-être la Fédération Suisse des Avocats devrait-elle proposer une nouvelle formation de « Spécialiste FSA Contrebande et vielles dentelles » ?
Le 9…
… où en prévision des échéances futures il convient d’opérer une petite « retraite », histoire de bien se préparer. Quoi de plus indiqué qu’un petit passage wellness œnologique avec un menu de circonstance dans un Ermitage des environs ?
Bon, il y a un petit challenge quand même. Par quel côté faut-il commencer ?
Le 12…
… où, il fallait s’y attendre vu la seconde vague galopante, le Covid vient perturber la bonne marche des audiences. Une première annulation pour cause de mise en quarantaine probable d’un Tribunal. Ce n’est probablement pas la dernière…
Le 13…
… où l’on va donner un cours à des élèves masqués. Il y a une année, on nous aurait montré une photo de cette classe et tout le monde aurait dit qu’il s’agit du mauvais scénario de SF.

Le 14…
… où l’on se pose la question de savoir si le Ministère public de la Confédération (MPC) a une dent contre vous quand il choisit de faire notifier à votre cabinet une poursuite visant la créance compensatrice en faveur de la Confédération prononcée définitivement contre un client domicilié à la même adresse à l’étranger depuis des lustres, adresse parfaitement connue du MPC. Le client n’a pas l’ombre d’un bien en Suisse et, quand même, CHF 12’384’292…

Le 15…
… où la salle de conférence est (presque) en capacité maximale, chacun arborant qui son masque médical en papier qui son modèle perso en tissu.
Au bout d’une heure, ça commence à démanger de partout, de la buée se forme sur les lunettes, chacun regarde son voisin, attendant qu’il esquisse le geste de balancer ce truc infernal qui l’empêche de se concentrer depuis un bon moment.
Finalement, ce foutu masque aura peut-être comme vertu collatérale d’accélérer les discussions transactionnelles…
PS : Bon, là, ça n’a pas marché…
Le 16…
… où l’on reçoit un courrier adressé au nom d’une partie adverse par un pseudo cabinet juridique qui affiche des appartenances ronflantes à des corporations professionnelles apparemment inexistantes (en tous cas introuvables sur Google, c’est dire !)
8 pages de menaces et de blablas hors de propos, pour un litige qui pourrait être réglé en deux coups de cuillère à pot si on avait comme interlocuteur un confrère conscient de l’enjeu et de la déontologie.
On a beau le répéter, mais parce que c’est vrai, consulter un avocat pour régler son litige a certes un coût, mais présente aussi des garanties. Parce que, là, ces 8 pages ne valent même pas le prix du papier…

Le 19…
… où après trois heures de préparation d’une réponse – moitié en présentiel et moitié en visio (la faute à qui ? je vous laisse deviner) – sur une procédure d’action en paiement pour inexécution d’une vente d’immeuble, que l’on enchaîne avec près de deux heures de décryptage d’une réponse de près de 100 pages d’un entrepreneur en compagnie de l’administrateur d’une PPE, eh bien, on sent un petit coup de mou… mais petit hein !

Le 20…
…où, décidément, comme disait mon grand-père, le bon marché est toujours trop cher. 100.- l’heure de consultation juridique, pour un soit-disant spécialiste du droit privé qui se vante de dizaines d’années d’expérience, c’est déjà trop quand on lit la convention de divorce qu’il a proposé à notre client pour le compte de son épouse qui voulait faire des économies.
Aucun juge n’homologuera ce document qui propose des modalités de liquidation du régime matrimonial tout bonnement illicites !
Apparemment, cela ne lui fait pas peur. Il a même glissé à notre client de se dépêcher de signer, pour qu’il puisse aller déposer sa merveilleuse convention bidon aux pieds du Président du Tribunal – une connaissance paraît-il – et lui donner les explications nécessaires « comme ça, ça passera comme une lettre à la poste !«
Ben voyons…
PS : déjà, le 16, et quelques jours plus tard, rebelotte ! Les gâche-métiers proliféreraient-ils pendant le Covid ?
Le 21…
… où, dans la série, Splendeurs et misères des avocats au temps du Covid, voici l’épisode 25… ou 26… Bref, on va les arrêter de numéroter, parce qu’on ne va plus s’en sortir, vu qu’il est à craindre que ce n’est que le début de la saga.
Donc, c’est l’histoire d’un avocat s’en allant gaiement rencontrer une délégation d’édiles communaux pour discuter d’une opposition à un plan d’aménagement local. C’est ainsi que l’on se retrouve à 5 dans une salle grande comme un terrain de basket. Ici, la distanciation sociale c’est 7 m. entre les interlocuteurs, pas moins. Mais, vous pouvez tomber le masque Me si vous le voulez…
– Merci, et le porte-voix, vous l’avez mis où?

Le 22…
… où, ouais, mais bon quand même ?!?
En parcourant les arrêts du jours, via Droit pour le praticien (petit coup de pub, parce que bien fichu ce site, bravo les gars) on tombe sur cette décision du TF qui se conclut par un : « le recours doit être rejeté et l’assistance judiciaire refusée parce que le recours était d’emblée voué à l’échec ». Quand même, 10 pages pour arriver à ce résultat, alors que, paraît-il le recours devait à peine passer la rampe de la recevabilité…
Décidément, je ne voudrai pas participer à votre souper de boîte. Je ne suis pas sûr qu’on se comprenne…
Le 23…
… où la police veut jouer au chat et à la souris avec notre client. Au début de l’instruction, elle en a la latitude, c’est de bonne guerre. On peut « cuisiner » sa proie, sans qu’elle sache précisément ce qu’on lui reproche. Et l’avocat qui peut accompagner son client n’est pas plus informé. Eh oui, ça ne se passe pas – toujours ! -comme dans les films.Très bien. Mais, quand on vous fait revenir une seconde fois pour recommencer à tourner autour du pot, alors la défense peut proposer un autre jeu qui commence par « Sur les conseils de mon avocat, je refuse de répondre à cette question.«
« Mais qu’est-ce qui lui prend à votre client, Me ? » … « Ben, je ne sais pas trop si c’est un symptôme du Covid ou l’exercice des droits du prévenu. Dites-lui ce que vous lui reprochez CONCRETEMENT pour voir. »
Le 26…
…où c’est une journée classique de vacances d’avocat. Le téléphone cellulaire n’arrête pas de sonner, organisation impromptue d’une visioconférence et rendez-vous avec le client de l’audience de mercredi pour la préparer, parce que, oui, vacances, mais audience mercredi, et demain aussi, histoire de ne pas se laisser ramollir

Aurais-je fait quelque chose de faux quelque part ?
Le 27…
… où l’ambiance de l’audience de premières plaidoirie et de discussion sur les moyens de preuve dans le si glamour Tribunal d’arrondissement de la Baie de Lausanne se détend, lorsque l’avocate de la partie adverse, venue remplacer sa consœur, empêchée, se présente avec le sourire.
Prénom ? Lorraine, comme la quiche !

Pragmatique, efficace et, en plus, une bonne dose d’humour, que demander de plus dans ce dossier économique déjà si compliqué ?
Le 28…
… où, c’est un classique, on sait quand commence une audience pénale, mais rarement on peut en anticiper la fin. Surtout si l’affaire est délicate, comme ici un accident de chantier ayant entraîné le décès d’un ouvrier.
Tout le monde pensait que la matinée suffirait pour l’interrogatoire des parties (employeur et employé de l’entreprise de construction notamment) et les plaidoiries du Procureur et celles des avocats de la défense). Et, donc, que le Tribunal délibérerait l’après-midi pour rendre son jugement en audience publique entre chien et loup.
Finalement, fin des auditions 12h30 et reprise à 14h00 avec les plaidoiries, jusqu’à 16h00 environ. Comme c’est souvent le cas maintenant, le Tribunal remet son verdict à un autre jour, vu l’heure de clôture de la procédure.
Le code actuel le permet. Il fut une époque où le jugement devait obligatoirement intervenir à la suite des débats, même s’il fallait siéger jusqu’à minuit. Pourquoi ? Parce que c’est l’essence même du droit pénal, qui est une procédure essentiellement orale. Pour juger l’accusé, le Tribunal doit rester dans l’ambiance du moment, garder un souvenir précis non seulement de ce qui a été dit, mais surtout de comment ça été dit. De plus, les plaidoiries, beaucoup plus qu’en droit civil, sont essentielles. Elles ne se contentent pas d’apporter au juge une synthèse du dossier, mais, en alternant les zones d’ombre et de lumière du dossier, elles lui rappelle la fragilité des choses et du destin. Bref, elles ramènent l’humain au centre du débat juridique.
Une fois les émotions passées, quand le Tribunal se réveille le lendemain matin pour délibérer, ce n’est plus la même cause. Seulement, un dossier…
Les 29 & 30…
… où, cette fois, c’est bon, deux jours de quille et quelques heures de sommeil supplémentaires à la clé. On peut décompresser !
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