Décembre …

 … où nous entamons le dernier tour de piste, essayant d’imaginer quelles surprises  nous a réservé Dame Fortune, tout en agitant une olive dans un Dry Martini maison, en mode Club des Belugas… L’important c’est le style, non ?

Le 1er …

… où l’on se demande quelle mouche a piqué ce client qui écrit dans notre dos au Juge, pour remettre en question la Convention de divorce confirmée il y a quelques jours en audience, juste parce que sa future ex-épouse a eu le malheur de parler de son budget à une connaissance commune.

On sent une toute petite pointe d’agacement dans la lettre du Juge en question qui nous demande ce qu’il en est et nous donne un bref délai pour régler ça.

A part enterrer le client vivant avec des fourmis rouges, je ne vois pas…

Le 2 …

… où, étrangement, le gars qui a déjà promis trois fois de passer régler sa note en souffrance depuis des lustres, ne répond plus sur son portable quand on l’appelle.

Pas sûr que la reconnaissance digitale des numéros des appels entrants soit un progrès…

Le 5 …

… où Coccinelle triste

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Le 6 …

… où les voies du Seigneur sont impénétrables, mais ce sont bien les seules !

Dans le couloir résonne les voies de notre jeune padawan, Me Panda et de sa cliente qui, entre autres péripéties sociales,  a récemment accouché de son 2ème rejeton. Les deux sont nés de pères différents et qui ne brillent pas par leur assiduité paternelle. Il y a peu, son père nous disait à quel point il était content que sa fille se stabilise un peu, le père désigné pour son 2ème petit-fils étant un gars normal avec une famille qui a du bien, comme on dit.

– Alors, ce test de paternité  ?  demande Me Panda.

– Ben, euh, c’est pas lui…

– Comment ça ?

– Ben non, test négatif.

– Mais alors, c’est qui ?

– ….

– Vous devez bien avoir une petite idée, sur le test, il est indiqué l’époque de la conception !

– Ouais bon, il y a bien eu ce gars, si je me souviens bien.

– C’était qui ?

– Pfffff, me rappelle même pas son prénom. Et pis, je ne l’ai vu qu’un soir…

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Le 7 …

… où tout est relatif, mais avance dans le bon sens. Enfin, on pense que c’est le cas.

Bien que les arcanes de la comptabilité restent un mystère, les actions valsent, l’impôt anticipé s’anticipe et les dividendes fusent. La fiduciaire sourit, c’est bon signe.

Second rendez-vous, dans la foulée l’horizon se dégage autour d’une situation difficile.

A midi, dans la gargote éponyme, on se rassied pour déguster une entrecôte parisienne rassie à cœur et le merveilleux cru bourgeois qui l’accompagne, avec un vieux camarade. Les succès du matin invitent une seconde bouteille et un Bas Armagnac pour sceller une fois de plus une amitié acquise.

Rasséréné et gonflé à bloc, on part à l’assaut d’un nouveau castel!

PS : l’auteur de cette chronique certifie n’avoir pas abusé de substances psychotropes ni n’être victime d’un dérèglement des humeurs (comme on disait jadis à la place de « ouf »). Juste un petit moment de fatigue…

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Le 8 …

… où, Comté catho oblige, nous sommes fériés.

Et pendant que des ladres subtilisaient le sapin de l’Évêché encore endormi, quelques mails venus de lointains territoires calvinistes et luthériens venaient troubler la quiétude de ce Jeudi Immaculé…

seigneur

Le 9 …

… où le système des sanctions, déjà souvent hermétiques pour nous autres stakhanovistes du barreau, suscite des questions de la part d’un client qui risque quelques avanies pour avoir un peu trop appuyé sur le  champignon.

Il est vrai que c’est plutôt vent mauvais depuis quelques mois pour les Fangio en herbe.

La prison ferme, le gnouf au milieu des dealers, des toxicos et autres braqueurs leur pend effectivement au bout du nez.

Et donc, il s’interroge sur ce qu’il risque sachant qu’un ex-cadre de l’Office fédéral de l’environnement a « pris »  3 ans, dont 18 mois fermes pour corruption et gestion déloyale (c’était il y a 3 jours au Tribunal pénal fédéral à Bellinzone). En même temps, on apprend que Jérôme Cahuzac, le soit-disant pourfendeur de la fraude fiscale, réalise chez nos voisins un score supérieur. 3 ans fermes pour… fraude fiscale !

« Personne ne pouvait mourir » dit-il, lucide.

Pas faux, et c’est bien là où le bât blesse. Personne, pas même nos merveilleux juges, ne peut expliquer au commun des mortels dans un langage clair et cohérent  le système des sanctions pénales dont le rapport avec la gravité intrinsèque de l’infraction reste assez obscur, pour ne pas dire abscons.

Un violeur prend 1 an ferme, un trafiquant 24 mois avec sursis, un braqueur qui est reparti bredouille 8 ans. Comment s’y retrouver ?

La théorie favorite des Juges est celle du bien juridique protégé. La route = la vie, ok, ça se défend. Mais après ? La santé des enfants mise en péril face à la fumette, une vie brisée à cause d’une soirée qui a mal tourné. Tous ces drames « ordinaires » ne pèsent pas lourd face à la mise en péril des intérêts financiers de l’État.

Que l’on soit en Suisse ou en France, il ne fait pas bon frauder le fisc. L’État sait faire des « exemples » pour décourager ceux qui veulent s’en  prendre à ses billes. Même si ça nous compliquerait la vie, on aimerait bien le même enthousiasme pour d’autres entorses à la bienséance juridique. Ce serait plus facile de faire comprendre à nos clients que l’État est là pour protéger tout le monde, pas seulement son porte-monnaie…

Le 12 …

… où une Juge de paix de la Comté voisine nous scotche avec la vision qu’elle a de sa fonction de magistrate. Euh, son absence de vision serait plus exact.

Interpellée par la partie adverse sur l’opportunité de citer les parties à son audience pour tenter de trouver une solution au litige, elle lui répond par courrier : « Ayant fonction juridictionnelle et non de médiateur, je renonce à fixer des débats pour vous départager et vous renvoie à mon Ordonnance. »

Déjà que l’activité du juge civil est régie le Code de procédure civile, lequel impose de commencer quasiment toutes les procédures par une tentative de conciliation, histoire d’éviter un long procès si possible, on peut déjà se poser des questions sur les a priori de cette brave fille quant à son rôle dans la société. Mais, de surcroît, quand il s’agit d’un Juge de paix, magistrat particulier, dont la vocation spécifique (et historique) est d’aider les parties à trouver une solution plus humaine que juridique à leur conflit, on ne peut qu’être atterré par cette réponse. Implicitement, elle nous signifie qu’elle n’est pas là pour trouver des solutions, mais pour trancher coûte que coûte. Et roulez carrosse…

Le problème, c’est qu’elle n’est pas la seule fraichement nommée sur le siège à tenir ce genre de théorie à l’emporte-pièce. Bon nombre de ses – jeunes – collègues fonctionnent sur le même mode mécanique. « Fonctionne » est bien le mot. Aujourd’hui, ce sont de plus en plus de fonctionnaires qui siègent dans les cours de Justice. Et de moins en moins de magistrats. Ces êtres étranges venus d’ailleurs, qui rentrent le soir chez eux, bien après l’heure de fermeture du Greffe, un dossier sous le bras, afin de préparer l’audience du lendemain. Ceux qui prennent le temps d’écouter les parties et leurs mandataires sans montrer le moindre signe d’exaspération. Ceux qui se départissent jamais en audience de leur devoir de réserve. Bref, ceux qui respectent les personnes qui se présentent devant eux et donc la Justice.

Une espèce en voie de disparition. Une de plus…

Le 13 …

… où la poste nous demande si l’on n’a pas reçu un courrier recommandé le 11 novembre, courrier dont le greffe du Ministère public lui a signalé l’absence d’accusé de réception.

Quand on demande si l’on peut préciser le nom de l’affaire, le postier répond « Mystère, on ne nous l’a pas dit« .

Bon, déjà qu’on doit confirmer qu’on n’a pas reçu un courrier dont on ne savait même pas qu’il allait arriver précisément ce jour-là, il y a un mois de cela. Mais si, en plus, on ne peut même pas savoir dans quelle affaire….

Le 14 …

… où l’existence d’un mauvais karma frappant les appareils informatiques est confirmé par certains indices.

Dès qu’on approche du serveur ou d’un ordi, celui-ci affiche sournoisement « Préparation des mises à jour 0,0004% Veuillez ne pas éteindre l’ordinateur ». Et quand on revient 3 cafés plus tard : « Installation des mises à jour 3,0348 % Veuillez ne pas éteindre… » screugneuneu.

Le ponpon c’est quand le client appelle et qu’on est devant un écran bleu, donc impossible d’ouvrir le document dont il veut discuter. Pas de problème dit-il, je viens de vous envoyer un fax avec mes commentaires manuscrits sur votre projet !

Soupir… Après 13 ans de bons et loyaux services, notre fax a rendu l’âme ce matin à 8h43, au moment précis où le Ministère public de la Confédération nous informait avec sa délicatesse habituelle ne pas partager notre point de vue. La théorie du complot est, à ce stade, assez tentante.

– Désolé, cher Monsieur, mais notre fax est mort. Paix à son âme.

– Décidément, ce n’est pas votre jour. j’espère que vous êtes plus efficaces que vos machines…

Ecran bleu, « Installation des mises à jour, 7,008%, Veuillez ne pas éteindre l’ordinateur »

Re-soupir…

Nouvel écran, une lueur d’espoir ? Eeeeeeettttttt….. non.

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Le 15 …

… où l’on explore différents modes de communication orale lors de différents appels avec des Confrères tout aussi différents.

La prudence, avec ce représentant d’une partie adverse que l’on ne connaît ni en blanc ni en noir et dont le ton acrimonieux du dernier courrier laisse suspecter un caractère peu amène. Au final, l’entente se fait cordiale. Envolées les craintes de guéguerres épistolaires durant la trêve du Réveillon.

La bonne intelligence, ensuite, lors d’un appel quasi complice de mon voisin du bas de la rue qui m’avertit que la liste de frais envoyé aujourd’hui au Tribunal dans l’affaire commune qui nous a occupé durant tous 2016 est assez « spectaculaire », mais qu’il n’y peut rien vu le dossier que ses clients lui ont filé entre les pattes. De toute façon, cela aura été inutile me dit-il, comme je vais de toute façon me ramasser. Le Petit Jésus l’entende…

On touche au Graal en fin de journée car, là, c’est n’est pas un autre Confrère. C’est mon ancien maître de stage qui me fait l’honneur d’appeler. Eh bien, 20 ans plus tard, on avance toujours en terrain connu. Surtout, quand il tresse des louanges de son client, ce saint homme  qui s’échine depuis 3 ans à satisfaire les mécréants qui, de manière tout à fait irréfléchie, l’accablent de reproches.

– Hosanna mon Cher maître de stage ! Je te rappelle tout de même que ton fameux client, j’ai croisé sa route dans les couloirs de tes bureaux il y a 20 ans et qu’il n’a rien d’un Roi Mage, loin s’en faut…

– Ah, tu t’en souviens ?

– Ben oui, pas besoin d’emballage cadeau. Je connais l’article et le mode d’emploi qui précise « Sans garantie » !

Le 16 …

… où un client lusitanien passe en coup de vent nous souhaiter de joyeuses fêtes avant de prendre la route pour son pays natal. 15 heures de trajet, tout seul.

– Vous n’avez pas peur de vous endormir ?

– Aucune chance. J’ai un secret pour rester toujours éveillé au volant.

– Des petites pauses ? Café, cigarette ?

– Pas du tout, je descends mes pantalons pour conduire et j’ouvre la fenêtre côté passager. Quand vous avez froid aux c….les, impossible de vous endormir !

Alors, là, forcément, à part : « Bonne route et Bonnes Fêtes » on ne sait pas trop quoi dire d’autre. Mais au moins, on connaît un secret de plus…

Le 19 …

… où cet étrange syndrome de croire que la Fin du Monde est pour le jour de Noël et qu’il faut à tout prix régler tous les problèmes avant frappent à nouveau.

Les appels estampillés « Merci de liquider ça avant vendredi » tombent comme les flocons de ce matin, drus…

Le 20 …

… où, une fois n’est pas coutume, tout se passe exactement comme prévu.

Tout d’abord, la cliente arrive en retard, comme à l’accoutumée. Si l’exactitude est la politesse des rois, elle considère que son âge vénérable l’autorise à arriver quand bon lui semble. Donc, la préparation de sa comparution l’après-midi devant le Procureur, comme plaignante dans une affaire d’abus de confiance, commence de manière optimale. Il n’y aura pas de pause de midi. Pas de problème Me, je n’ai de toute façon pas faim. C’est vrai quoi ! Mieux vaut aller au casse-pipe le ventre vide…

Ensuite, l’audience.

Le Procureur désormais en charge a dû reprendre les pots cassés du Procureur général qui, après avoir tenté vainement par deux fois de classer l’affaire, lui a transmis le bébé avec l’eau du bain. Pas facile de prendre le train en marche. En plus, il nous avoue avoir préparer son dossier en septembre. En décembre, forcément, il y a moins de lumière, donc, on tâtonne.

Ma cliente fait comme d’hab’. Elle ne comprend pas la question, digresse, interrompt, intervient à tout bout de champ.

L’accusé, lui, noie le poisson, répond juste à côté d’une voix doucereuse en jouant les vierges effarouchées.

Et mon honorable, mais agaçant Confrère, traite ma cliente de sénile, son avocat de demeuré, et caresse le Proc’ dans le sens du poil.

Bref, tout est normal.

Sauf que le Procureur reste d’un calme olympien, même quand ma cliente lui lance qu’elle n’a rien compris. Et, bon an mal an, commence à mettre le doigt où ça fait mal. De l’autre côté de la barre, on commence à faire grise mine.

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C’est la que la défense sort cette réplique magnifique. Alors qu’on lui fait remarquer qu’accuser ma cliente d’avoir versé des dessous de table peut avoir des conséquences pénales, mon confrère rétorque : « Bah, en procédure on a le droit de dire ce qu’on veut ! »

PS : la parole de l’avocat est libre, certes. C’est le privilège de la défense et la garantie d’un procès équitable. Toutefois, il ne peut dire et faire n’importe qui. Comme proférer des menaces ou des accusations dont il n’a pas la preuve. On n’est pas à la télé…

Du 21 au 23 …

… où l’on vit dans « l’angoisse du facteur »

Quelles bombes à retardement nous réservera le courrier de ces trois derniers matins avant la quille?

En fait, c’est plutôt calme. La trêve est déjà effective chez la plupart de nos interlocuteurs semblerait-il.

Pas de trace des décisions dont le MPC nous disait qu’elles étaient déjà dans les pneumatiques…

Pas de signe d’activité cérébrale du côté de TF à propos de Coal Wars. 2 ans et demi que le recours a été déposé.

Les écrans sont vides.

Sauf du côté d’un Confrère qui a dû mal lire le calendrier. Il nous lâche ce vendredi matin un mémoire complémentaire, doublé d’un bordereau de pièces épais comme un bottin de téléphone. Comme ça, sans crier gare, « afin de faciliter les débats du 12 janvier prochain… » Tu parles ! Comme s’il fallait attendre le dernier moment pour nous jouer Le retour de la vengeance ?

Apparemment, le Juge a aussi peu goûté son sens de l’humour. Il a renvoyé sans discuter les débats sur simple demande de notre part. Motif : Violation de l’égalité entre parties. Parce qu’il ne faut pas pousser mémé dans les orties en balançant de telles torpilles juste avant les Fêtes, en sachant pertinemment que l’autre partie ne pourrait vraisemblablement se retourner avant la séance.

Voilà, on peut faire péter dans une relative quiétude. En attendant de se retrouver en 2017…

PS : Le 28 décembre …

… où l’on revient au bureau histoire de faire un peu de rangement (traduction : virer toute la paperasse inutile qui traîne sur le bureau)

Presque par hasard, on entre dans le secrétariat silencieux, pour voir que le fax a craché quelques feuillets éparpillés sur le parquet. Qui s’est amusé à nous faire un gag de dernière minute ?

Eh bien, c’est la première fois que je vois une ordonnance datée du… 25 décembre !

Rien de grave en plus. D’obscures mesures de substitution à une détention préventive. Drôle de conte de Noël quand même…

Bon, allez, on ferme…

Merci infiniment à tous, toujours plus nombreux, pour votre intérêt, vos commentaires et votre soutien. Rendez-vous le 9 janvier, pour de nouvelles aventures.

coccinelle_salut

 

 

 

 

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