Quand c’est faux, c’est quand même juste
12/05/2012 § 5 Commentaires
La Justice a bel et bien un visage humain. Elle n’est pas à l’abri d’une contradiction. Preuve en est cette décision spectaculaire rendue par le Tribunal cantonal fribourgeois (http://www.fr.ch/tc/files/pdf48/501_2012_95_14_09_2012.pdf) . Un automobiliste condamné à un mois de retrait de permis de conduire et à une amende de CHF 500.-Pour avoir roulé à 78 km /h dans une zone limitée – selon une première décision à 50 km/h – a vu sa demande de révision rejetée. Ce brave homme, qui, à première vue, n’avait rien d’un émule de Michael Schumacher avait payé son amende et acceptée la sanction, jusqu’à ce qu’il apprenne par la bande que le panneau n’était pas au bon endroit et que la Commune avait tardé à le déplacer. En réalité, la vitesse autorisée sur le tronçon où il avait été flashé était de 80 km/h et non 50. Ni une ni deux, il a déposé une demande de révision, estimant qu’il n’avait commis aucune infraction, roulant même en dessous de la vitesse autorisée.
Eh bien non ! Les Juges cantonaux ont estimé que, même si cette situation est de nature à ébranler les fondements de la condamnation, il est plus important que les usagers de la route respectent les signaux, lorsque ceux-ci n’apparaissent pas manifestement faux. Donc, rejet de la demande de révision, frais à la charge du brave conducteur.
En soit, le raisonnement de Juge est compréhensible. Chacun doit respecter la signalisation routière et ne devrait pas se poser la question de savoir si le panneau qui lui impose telle ou telle contrainte est bien à la bonne place. Mais il est quand même merveilleux de constater que si les autorités se plantent, qui plus est en omettant de corriger la situation dans un délai raisonnable (la décision indique bien que la commune a tardé à déplacer le fameux panneau), le justiciable reste le dindon de la farce. Comme les juges ont au travers d’un considérant un humour bien à eux, ils appâtent d’abord leur proie, en laissant entendre que les arguments du recourant sont effectivement de natures à annuler la décision, avant de le cueillir en beauté au paragraphe suivant avec leur laïus sur la sécurité routière, puis l’achever – cerise sur le gâteau – en mettant à sa charge tous les frais de procédure. Bref, Monsieur le justiciable lambda, quand c’est faux, c’est quand même juste et, pour vous remercier de votre confiance en nos institutions judiciaires qui sont là, selon la Constitution, pour nous protéger de l’arbitraire, nous vous faisons payer au prix fort votre incommensurable aplomb à être venu nous déranger dans notre tour d’ivoire. Veuillez passer à la caisse une nouvelle fois !