July, July, July…

… où l’été est donc désormais sur les rails. Les féries judiciaires, cette bulle de répit relatif, dans laquelle les délais se dissolvent comme le Prosecco dans l’Apérol, n’est plus qu’à quelques encablures. Déjà, le courrier commence à s’alléger. Bientôt terrasse ?

Le 4…

… où nous voici au dernier cours avant les vacances et, malgré la météo un tantinet à l’orage, quasiment tous les élèves sont assis bien sagement à leur place habituelle.

Merci @tous pour votre participation et votre intérêt. Les thèmes du jour n’étant pas forcément des plus sexy. Distinction entre une résiliation ordinaire du contrat de travail pour justes motifs et résiliation abusive ou en temps inopportun. Avec en prime des petits calculs sur le délai de protection en matière de résiliation en temps inopportun. Du grain à moudre cet été donc, en attendant les épreuves du Brevet.

Alors mes Chers, à l’ombre du parasol, CO ou Nothomb ?

Le 5…

… où nous n’aurons probablement jamais la réponse à ce mystère : pour quelles raisons un troupeau d’une huitantaine de bonnes vaches laitières a parcouru à fond de train près de 2 km hors de son pré, pour finir au beau milieu de la nuit sur un tronçon d’autoroute et y provoquer – inévitablement – un accident, heureusement sans de trop graves conséquences, sauf peut-être pour le gente bovine qui y a tout de même perdu huit des siens.

Comment et pourquoi ont-elles pu sortir de l’enclos ? Ces deux ont par contre vraisemblablement leurs réponses. Un veau nouveau-né durant cette même nuit a vraisemblablement passé sous le fil électrique de la clôture. Et, quand un veau se met en danger, l’instinct maternel est plus fort qu’une petite décharge. Tous les promeneurs sur les alpages le savent. Enfin presque…

Ce qui est donc plus mystérieux, ce n’est pas tant que tout le troupeau a suivi comme un seul homme, pardon… un seul bœuf, le premier élan de la mère au secours de son petit, mais c’est qu’il ne se soit pas rapidement stoppé, alors qu’il y avait de la bonne herbe partout dans les alentours et que les vaches ne sont pas réputées pour leurs qualités de sprinters. Non, il a foncé hors du périmètre, traversé un petit pont et une forêt pour finir où on sait, avec des dommages tout de même non négligeables.

Alors, risque inhérent à la nature dont on doit accepter les aléas ou bien le propriétaire du troupeau est-il envers et contre tout responsable de tout comportement de ses animaux, même totalement imprévisible ?

La norme (civile) pour répondre à cette question se trouve à l’art. 56 CO, qui prévoit que, en cas de dommage causé par un animal, la personne qui le détient est responsa­ble, si elle ne prouve qu’elle l’a gardé et surveillé avec toute l’attention commandée par les circonstances ou que sa diligence n’eût pas empêché le dommage de se pro­duire.

Donc, si on résume, a) l’enclos du pré où se trouvait le troupeau répond-il aux standards en la matière et b) le propriétaire pouvait-il ou devait-il anticiper une telle vadrouille ? Dans la mesure où il n’y pas 50 façons de parquer un troupeau et qu’un animal reste un animal, le champ des possibilités est assez restreint. Affaire à suivre donc, sur ce qui se présente d’ores et déjà comme un cas d’école. En tous cas, nos Padawans frais émoulus d’un univers académique où leurs professeurs affectionnaient ce genre de problème, sont sur le pont et déjà prêt à l’abordage.

Le 6…

… où la guerre des sexes serait-elle en train de perturber les Us et Coutumes du Barreau ? Vaste sujet de réflexion à un moment où les néoféministes affirment que nous sommes débarrassés de la domination masculine. Bon, tout le monde n’est pas de cet avis, la preuve…

Fin d’audience, votre serviteur salue l’avocate venue d’une comté voisine : Au revoir Confrère, au plaisir. Sourire pincé . Euh, je vous prie de m’appeler Consœur...

Oui, si vous voulez, mais, étymologiquement, cela revient à dire que je me considère comme étant de sexe féminin. Cela ne fait rien, chez nous on fait comme ça avec les avocates qui le demande…

Certes, le respect est la base de tout, ici comme ailleurs. Mais, il est à craindre que cette déjà vieille querelle de robe ne puisse trouver un jour une solution qui satisfasse tout le monde. En effet, l’usage majoritairement observé dans les strates francophones voudrait que l’on réserve « Consœur » aux cas où plusieurs avocates échangent entre elles. Sinon, un avocat s’adressant à une avocate devrait, selon cet usage, employer « Confrère ». Oui mais, mais, mais selon Le Bon Usage (Grevisse), cette distinction tendrait aujourd’hui à disparaître (Le Bon usage, 16e éd., Bruxelles 2016, § 503), ce qui n’a rien de surprenant vu l’ambiance de notre époque. D’ailleurs, l’Académie française, dans l’entrée de son dictionnaire sous « consœur », ne mentionne plus cette distinction. Quant au Barreau de Paris, il l’a plus ou moins explicitement aboli (Des adresses et formules de politesse de la profession, p. 7, accessible sur https://fr.calameo.com/read/0049674591acb12eebde8), en indiquant tout de même en préambule que plusieurs formules restent plus ou moins appropriées suivant les circonstances.

Bref, che-è-r-s-es ami-e-s, nous ne sommes pas encore sorti de l’auberge, en attendant le prochain sujet clé : quid du sexe des anges aux XXIème siècle ?

Le 8…

… où donc, eh bien voilà, ils sont acquittés !

On a beaucoup glosé à leur sujet le mois passé. Sepp Blatter et Michel Platini ressortent par la grande porte du Tribunal pénal fédéral.

Au-delà du processus judiciaire, où on ne peut que saluer le fait que le doute profite à l’accusé et que le système fonctionne, il ne faut pas se voiler les yeux sur le constat sous-jacent de ce procès.

La déculottée est de classe mondiale pour le Ministère public de la Confédération. La FIFA est mondiale. Blatter et Platini aussi. Une telle Berezina doit-elle nous étonner ? Pas tant que ça.

Ce procès est le digne héritage des années précédentes à l’avènement de Stephan Blätter au poste de Proc général de la Conf. Pas seulement celles passées sous l’égide très contestable de Michael Lauber. Ses prédécesseurs étaient issus du même tonneau, et cela depuis les premiers pas de cette institution supposée être l’équivalent de Top Gun en matière judiciaire, mais qui, pour justifier son existence a cru que les résultats devaient être obtenus coûte que coûte, au détriment des principes généraux de procédure et du droit à un procès équitable. S’il y avait de la fumée, c’est que celui qu’on nous présente avait forcément mis le feu et il fallait trouver la preuve qu’il était bien un redoutable incendiaire. Donc, fidèle au confirmtion bias qui veut que l’on ne recherche que les éléments qui soutiennent sa propre thèse au détriment des autres preuves contraires écartées d’une chiquenaude, le MPC a le plus souvent travaillé de façon à valider ses a priori sur les dossiers à haut potentiel médiatique. Si on est là, c’est qu’il y a une bonne raison, peu importe qu’on ne l’ait pas trouvée, parce qu’il l’a trop bien caché.

La Justice ne peut fonctionner ainsi. C’est une pratique courante chez les cosaques, mais pas chez nous. « Pas chez nous », c’est le message du TPF ce vendredi. Messieurs, vous avez peut-être fait faux, mais le MPC ne peut prouver ni où ni quand ni comment ni avec qui.

Cicéron serait content. Votre serviteur aussi, parce que cela prouve que des juges appliquent le droit et rien d’autre.

On peut imaginer que les couloirs de la Guisanplatz ont connu quelques séances de crises ces dernières heures. Espérons surtout que Blätter & Cie tireront les conséquences de ce fiasco….

Le 11…

… où, oyez, oyez, braves gens, qu’on se le dise (et surtout qu’on le dise plus par mégarde ou simplement pour faire un bon mot), selon des Juges zurichois, traiter quelqu’un de « Taliban » est une injure au sens de notre Code pénal, donc une infraction punissable !?!

Mais comment en sont-ils arrivés là ?

Le 26 juin 2020 en gare de Zurich, un quidam traite une femme, revêtue d’un foulard, de « Talibane », alors qu’il ne la connaît ni d’Eve ni d’Adam. Après quelques hésitations, la femme dépose plainte pénale quelques semaines plus tard. 8 juillet 2021, le Tribunal de district de Zurich reconnaît le quidam coupable d’atteinte à l’honneur. Ni une ni deux celui-ci forme appel devant le Tribunal cantonal qui rejette son pourvoi.

L’excellente revue en ligne crimen.ch revient sur ce fait divers juridique finalement pas si anodin que cela. La question n’est pas tellement de savoir ce qu’on peut ou ne peut pas dire à son prochain. Certes, le terme de « taliban » a une connotation négative, mais de là à le ranger au rayon injure, donc avec une sanction à la clé, il y avait un pas à franchir. Et les Juges du Limmat Quai le font allègrement.

Selon leurs considérants résumés en français sur crimen.ch, les Taliban représentent une organisation terroriste islamiste ayant régné une première fois sur une grande partie du territoire afghan et qui contrôle à nouveau le pays depuis août 2021. Dès lors que le vocable visait une personne en particulier, le destinataire moyen et impartial ne pouvait le comprendre que comme signifiant l’appartenance aux Taliban de la personne visée. Très bien, mais comme on ne sait rien de plus précis sur l’état de fait, difficile de se positionner sur les connaissances géopolitiques de l’auteur.

Là n’est toujours pas la question. Au paragraphe suivant, la justice zurichoise nous rappelle que notre arsenal législatif comporte aussi une Loi fédérale interdisant Al-Qaïda et l’État islamique qui prohibe expressément « les groupes de couverture, ceux qui émanent du groupe ‹Al-Qaïda› ou du groupe ‹État islamique› et les organisations et groupes dont les dirigeants, les buts et les moyens sont identiques à ceux du groupe ‹Al-Qaïda› ou du groupe ‹État islamique› ou qui agissent sur son ordre » (art. 1 al. 1 let. c LAQEI). Pour identifier ces groupes tiers, il faut se référer la liste de l’Annexe 2 de l’Ordonnance du 2 octobre 2000 du Conseil fédéral instituant des mesures à l’encontre de personnes et entités liées à Oussama ben Laden, au groupe « Al-Qaïda » ou aux Taliban, laquelle se fonde sur les sanctions imposée par le Conseil de sécurité de l’ONU. Conformément à l’art. 5 let. a de l’ordonnance précitée, les Taliban englobent les « Taliban », « Talebans » ou le « Mouvement Islamique Taliban », y compris les sociétés, entreprises, établissements et corporations qui sont leur propriété ou qu’ils contrôlent. Partant, la LAQEI qualifie expressément les Taliban d’organisation terroriste au sens de l’art. 260ter CP. Quiconque y participe est donc punissable. CQFD ? Euh non, pas tout à fait… faut quand même participer.

Cette fameuse « participation » au sens de l’art. 260ter CP doit selon nos bons juges être comprise de manière large. On ne vise pas seulement les individus qui veulent zigouiller Charlie et consorts, mais également tous les sympathisants qui, à long terme, sont prêtes à obéir aux ordres qui leur sont donnés (TF 6B_1132/2016 du 7.3.2017, c. 6.2.3, non publié à l’ATF 143 IV 145). Et c’est là l’argument massue : tous les membres des Taliban, respectivement chaque Taliban, sont des participants à cette organisation, le simple fait d’être un Taliban étant déjà constitutif de l’infraction. On voit bien la logique, mais l’argument est tout de même tiré par les cheveux. Les alcooliques boivent de l’alcool. Donc, si vous buvez un verre de vin, vous êtes alcooliques. Ah, non… c’est un peu court, Messieurs les Juges !

Rappelons aussi que, début 2022, des représentants du DFAE ont rencontré des délégués Taliban à Genève ! Qu’est-ce à dire? Nos braves élus fricotent-ils avec de dangereux terroristes ? On le voit, l’amalgame est facile et la rhétorique juridique peut se révéler tendancieuse, car si on applique ce qui précède sans filtre, on risque de se retrouver un peu en porte-à-faux entre politique et droit.

Et c’est sans compter le fait que, si on accuse quelqu’un de Taliban, alors qu’on voulait simplement souligner son jusqu’au-boutiste, quel qu’en soit le sujet, cela reviendrait à dire qu’on l’accuse en réalité de commettre des infractions graves et potentiellement létales ? Cela va tout de même un peu loin. C’est assez dans l’air du temps, la nuance et le bon sens n’étant plus vraiment à l’honneur dans les débats sensibles. Mais tout de même… Doit-on s’inquiéter qu’une certaine forme de wokisme ait insidieusement fait son entrée dans les salles de délibérations ?

Le 12…

… où le commandement de payer est une belle institution de notre système juridique, mais il ne faut pas en abuser tout de même. Surtout si c’est juste pour enquiquiner son prochain ou le forcer à baisser pavillon.

Notre client est aux prises avec un courtier un brin indélicat qui veut le contraindre à lui rembourser un prêt. Le problème : les deux ex-partenaires ne sont pas d’accord sur le montant du prêt. D’où mise en demeure, poursuites, et, finalement, action en Justice. Pour faire bonne mesure, le courtier fait notifier un nouveau commandement de payer portant sur une somme rondelette, dont il n’a jamais parlé jusqu’à maintenant et qui correspondrait à une dette qui n’existe que dans son imagination certes fertile, mais dont notre client ne peut être techniquement le débiteur…

Comme la mise en poursuite d’une personne est facile selon notre système d’exécution forcée, puisque, dans un premier temps du moins, celui qui se prétend créancier n’a pas à justifier du bien-fondé de sa position, on pourrait être tenté d’en profiter, histoire d’effrayer l’autre.

Mais, cette tactique n’est pas sans risque pour le poursuivant qui, pour avoir semer le vent, risque de récolter la tempête. Pénalement parlant, la méthode peut être assimilée à une tentative de contrainte, voire de la contrainte tout court, si la personne visée par le commandement de payer verse la somme pour laquelle elle est mise en poursuite sans droit, de peur de subir d’autres foudres.

La contrainte, selon l’art. 181 CP, est le comportement de celui qui, en menaçant une personne d’un dommage sérieux, ou en l’entravant de quelque autre manière dans sa liberté d’action, l’aura obligée à faire un acte. Payer une somme qui n’est pas forcément due ou sur laquelle il y a litige quant à la quotité exacte sous la menace d’une poursuite réalise selon le TF les conditions de cette infraction. En effet, pour une personne de sensibilité moyenne, faire l’objet d’un commandement de payer d’une importante somme d’argent est, à l’instar d’une plainte pénale, une source de tourments et de poids psychologique, en raison des inconvénients découlant de la procédure de poursuite elle-même et de la perspective de devoir peut-être payer le montant en question. Un tel commandement de payer est ainsi en principe propre à inciter une personne de sensibilité moyenne à céder à la pression subie, donc à l’entraver d’une manière substantielle dans sa liberté de décision ou d’action. Utiliser un tel procédé comme moyen de pression est clairement abusif, donc illicite. La possibilité de se défendre par la voie judiciaire contre le dommage dont on est menacé ne supprime pas le caractère sérieux de celui-ci. 

Donc, vous voilà prévenus. Quant à notre client, avant de lui conseiller un dépôt de plainte pénale, allons d’abord attirer l’attention de son contradicteur sur les avantages en termes de tranquillité d’esprit de retirer ce commandement de payer un tantinet déplacé.

Le 13…

… où il est question de préparation de séance d’instruction.

Alors, selon le rapport de police, la route était mouillée ce jour-là.

-Mais pas du tout ! On était en plein juillet, il faisait beau et chaud et il n’avait pas plu depuis un moment !

-D’accord. Ensuite, l’autre automobiliste était parqué sur le côté droit de la route ?

-Mais non, il était au milieu de la voie de circulation…

Bon, on va avoir des choses à dire au Procureur finalement.

Le 15…

… où nous voici arrivés au 1er jour de ces fameuses féries tant attendues par tout avocat pour gagner en sérénitude !

C’est aussi pour MeFaire l’occasion de vous remercier de votre intérêt et de vos retours pendant tout ce 1er « semestre » et vous souhaiter de beaux moments sous le soleil, le temps d’une petite pause estivale.

Nous nous retrouverons à partir de la mi-août pour de nouvelles aventures en espérant que d’ici-là les fumées de la guerre et des incendies se seront quelque peu dissipées…

Keep the faith and save the planet…

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