Février…
… où nous allons donc, comme chaque année, vérifier le bien-fondé de cette maxime de Pierre Desproges : Si les hommes font moins de conneries en février, c’est parce qu’ils n’ont que vingt-huit jours...
Etonnant, non ?
Le 1er…
… où ça commence très fort sur le plan de l’agitation politico-médiatique dans le landerneau, avec l’annonce du retrait immédiat de la vie publique de l’ancien Conseiller d’Etat qui croyait transfomer les coulisses du pouvoir de la Comté en manuel didactique de politique pour les Nuls.
L’intention était aussi louable que naïve. Clap de fin raté pour une carrière jusqu’ici exempte de casserole et soulagement perceptible du côté de la droite et – surtout – du centre (son parti) qui n’aura pas à supporter les volée de bois vert que préparais la gauche à l’orée de la prochaine session parlementaire.
Reste sur le tapis la procédure ouverte pour violation du secret de fonction (voir Janvieeeeerrr), le Parquet ne donnant pas l’impression de vouloir lâcher le morceau.
Le 2…
… où on a l’honneur de plaider devant la Chambre patrimoniale de la Baie de Lausanne, Cour spéciale dans cette Comté, destinée à ne traiter que les affaires pécuniaires dont la valeur litigieuse dépasse 100’000.- sesterces.
Moment d’autant plus solennel que la Chambre tient séance dans l’ancienne salle principale du Tribunal fédéral. Plafonds (très) hauts, moulures, boiseries, allégories peintes sur tous les murs et… un éclairage moyenâgeux. Les fenêtres ont beau être immenses. Dehors, il pleut et le plafond est bas. Donc, il fait encore plus sombre que d’habitude. Il est 9h00, mais il faut (presque) plaider avec la lampe frontale…

Le 3…
… où, en parcourant la revue de presse de Gotham City, revue online sur la criminalité économique, on lit un article de la NZZ, sur le défenseur de Pierin Vincenz, Lorenz Erni.
Les avocats sont peu souvent l’objet d’une attention médiatique particulière en Helvétie. Pas assez glamour le baveux à croix blanche sans doute. Mais, s’il y en a un dont la modestie est à la hauteur d’un talent professionnel sans aucun strass ni paillette, c’est bien lui. Pour avoir eu l’honneur de travailler à ses côtés sur deux affaires pénales sensibles, sa vision du dossier, son sens tactique et technique, et ce calme dont il ne se départissait jamais, sont effectivement tout à fait hors du commun.

A chaque meeeting, chacun y allait de son avis, plus ou moins averti. Cela partait souvent un peu dans tous les sens. Forcément, mettre plusieurs avocats autour d’une table… Et, une fois que tout le monde s’était exprimés, une voix calme commençait par : Well, I think that maybe… et, en quelques minutes, il mettait tout le monde d’accord.
Dans le métier d’avocat, on apprend quelque chose tous les jours. Sinon, il faut aller voir ailleurs. Travailler aux côtés de Lorenz, ce fut une formation continue en accélérée, aussi bénéfique que motivante. Cet article de la NZZ, qui ne peut s’empêcher quelques piques que le principal intéressé élude calmement, lui rend néanmoins particulièrement justice. Pour un avocat, c’est un comble !
Le 7…
… où, après deux semaines d’errances « covidiques », retour la tête dans le guidon pour rattraper le retard, avec en point de mire la Réponse & Appel joint à déposer mercredi.
Le jugement objet de toute cette agitation compte pas moins de 97 pages et la procédure de première instance était encore soumise à l’ancien Code de procédure civile de la Comté, aboli le 31 décembre 2010, pour faire place à l’actuel CPC fédéral. Le plus ancien dossier de l’Etude quoi…
Le 8…
… où, oyez, oyez, locataires, n’hésitez plus, viendez chatouiller vos propriétaires en attaquant, dès l’entrée en jouissance de l’appartement, le loyer au motif, qu’il serait abusif. Parce que, selon les calculs savants de votre avocat, affiché spécialiste en droit du bail, pour un trois pièces et demi de standing surplombant la Baie de Lausanne, un loyer de CHF 863.-/mois (et CHF 47.- pour le box à voiture couvert) représente un loyer correct…
Même pas un soupir las, ou une remarque désabusée du Président du Tribunal des Baux, genre : « Vous croyez pas que vous poussez le bouchon un peu loin, là ? »
PS 1: Finalement, nous avons transigé. Beaucoup plus haut. Mais réduction il y a quand même eu. Moralité (si tant est qu’il y en ait une) : Pourquoi le locataire hésiterait à tenter sa chance ? C’est comme à l’Ecole des Fans. Tout le monde gagne quelque chose.
PS 2: Petite précision d’ordre juridique pour saisir tout le sel de ce genre de situation : en droit des contrats, le code impose que les deux parties soient de bonne foi au moment de signer le contrat. En clair, si vous apposez votre griffe au bas de la page, c’est parce que vous voulez conclure (et respecter) l’accord selon les modalités discutées et convenues. Donc, vous n’avez pas, derrière la tête, comme première intention (cachée) d’aller tout de suite voir un juge pour lui demander de réduire le prix de votre engagement. Mais, en droit du bail, là, vous pouvez ! Et avec les félicitations du jury en plus. Vous regardez le bailleur droit dans les yeux en sachant pertinemment que, dès qu’il aura tourné les talons, vous vous précipiterez chez un juge en prétendant avoir été abusé. Et personne ne vous taxera de mauvaise foi…

Le 9…
… où ce fut un « intermède » très intéressant, intellectuellement parlant.
Dans ce métier, une journée ordinaire est souvent consacrée à gérer en parallèle plusieurs dossiers, qui n’ont souvent rien en commun en termes de sujets techniques.
Et là, depuis la nuit dernière, il n’y a plus qu’un point de repère. Un seul objectif avec pour terminus la fermeture du guichet postal. Un petit pavé d’une vingtaine de feuilles intitulées « Réponse, doublée d’un Appel joint » (traduction – pour l’appel joint – on avait renoncé à recourir contre le jugement avec lequel on pouvait vivre, mais, puisque la partie adverse veut vraiment la bagarre, pourquoi se priver ?).
97 pages de jugement à décortiquer. 22 pages d’appel principal à désosser. 5 classeurs d’écritures, pièces, expertise, etc (c’est un dossier de construction). Mode avion sur plusieurs heures. Rien d’autre ne vient interférer. Là, on peut faire pleinement ce qu’on sait (et aime) faire… Sans jeu de mots.
Après, tous les avocats le savent. La Cour d’appel passe par là et on se sent des fois, comment dire…
Pour illustrer tout ça,allégorie – presque – un peu facile, mais ce morceau a suivi certaines circonvolutions cérébrales sur ce processus. Bon, il était tard.
Le 11…
… où toujours et encore le même constat.
Mesdames et Messieurs, vous qui avez prêtez le serment d’Hippocrate, vous sauvez nos vies. Mais, chacun son métier. Ce n’est pas parce que vous êtes maîtres et seigneurs dans une salle d’opération qu’il en va de même dans un Tribunal. Laissez vous conseiller par ceux dont c’est le métier et qui sont formés pour ça.
Recours irrecevable au Tribunal fédéral d’un médecin contre le retrait de son autorisation de ptatiquer : Dépourvu de motivation et de conclusion recevables (art. 42 al. 2 LTF), le présent recours est ainsi manifestement irrecevable (art. 108 al. 1 let. b LTF) et doit être traité selon la procédure simplifiée de l’art. 108 LTF, sans qu’il y ait lieu d’ordonner un échange d’écritures.
Le 14…
… où, une fois les roses du matin éclosent (allégorie), il faut bien revenir à des sujets plus terre à terre, comme un bon dossier de droit pénal économique.
Il s’y trouve tout de même quelques sujets dignes d’intérêt. Comme cette performance attribuée au client à son corps défendant. Celle de se voir réclamer deux fois le même montant, pour les mêmes faits (fausses factures), par deux lésés distincts. La banque qui a octroyé le crédit de construction et le titulaire du crédit en question. Apparemment, ce « détail » ne chiffonne ni le Procureur ni mes chers Confrères des parties civiles. Mais bon, soyons sérieux, mettez-vous d’accord ! Lequel de vous deux supporté effectivement la perte ? Parce que, l’autre, il y aurait comme qui dirait de l’abus…
Et, donc, quel est l’intérêt de ce billet ?
Un petit point de procédure qui devrait avoir l’avantage de soulager les Tribunaux, lorsque les faits ne sont pas discutés.
Ici, ils sont largement établis et reconnus. Votre serviteur a donc demandé une procédure simplifiée. Pour faire court : si tout le monde est d’accord et si le Ministère public propose une peine adéquate qui est acceptée par l’accusé (après une discussion qui n’a rien à voir avec le bargain made in USA, mais bon le législateur ne propose – pour l’instant – pas mieux en Helvétie), le procès se résume à la validation de l’accord par le Tribunal. Mais, il y a un « mais »… Il faut aussi que les parties lésées consentent à la procédure simplifiée. Cela suppose que l’accusé accepte dans la foulée de couvrir l’intégralité du dommage réclamé. Et pas moyen de discuter là-dessus. Rien d’étonnant à ce que certains essaient de profiter de la situation.
Monsieur le législateur, une petite réforme du code s’impose. Par exemple, le Parquet devrait avoir la possibilité d’imposer la procédure simplifiée, si les parties civiles font valoir un dommage discutable, en les renvoyant devant le juge civil pour qu’il tranche…
Le 16…
… où, pas plus que d’application anticipée du droit pénal, application anticipée de la levée des mesures de restrictions COVID il y aura cet après-midi au Tribunal.
– Monsieur le Président, le Conseil fédéral vient d’annoncer la levée de la plupart des restrictions pour demain matin. Ne pourrions-nous pas tomber le masque dès cet après-midi ?
– Non.
« Bien essayé » glisse le Confrère de la partie adverse, dépité lui aussi.
Le 17…
… où l’on retrouve notre client agriculteur que l’on avait quitté il y a quelques trois semaines, alors que les symptômes du Covid commençaient à nous submerger. Trois heures passés assis côte à côte, avec masques, car c’était encore la norme. Mais bon, trois heures quand même, où on se parlait à voix basse entre deux quintes de toux du futur positif !
– Alors, vous avez aussi été malade ?
– Non, rien du tout.
Sélectif ce virus, où alors il n’aime pas les citadins.
Le 22…
… où les foudres médiatiques s’abattent depuis 2 jours sur le Crédit Suisse.
Les hordes journalistiques, pour une fois appuyée par les politiciens bien-pensants, veulent obtenir la mise à mort de l’article 47 de la Loi sur les Banques. Cette disposition, aussi vieille que la loi en question, puisqu’elle date de 1934, époque révolue où le secret bancaire était un sujet tabou, serait l’ennemie numéro un de la transparence et de la liberté de la presse. Bien…
Essayons de remettre l’église au milieu du village. L’article 47 dit que :
Est puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire celui qui, intentionnellement
- révèle un secret à lui confié ou dont il a eu connaissance en sa qualité d’organe, d’employé, de mandataire ou de liquidateur d’une banque ou d’une personne au sens de l’art. 1b, ou encore d’organe ou d’employé d’une société d’audit;
- incite autrui à violer le secret professionnel;
- révèle un secret qui lui a été confié au sens de la let. a ou exploite ce secret à son profit ou au profit d’un tiers.
Est puni d’une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d’une peine pécuniaire celui qui obtient pour lui-même ou pour un tiers un avantage pécuniaire en agissant selon l’al. 1, let. a ou c.
Si l’auteur agit par négligence, il est puni d’une amende de 250 000 francs au plus.
La violation du secret professionnel demeure punissable alors même que la charge, l’emploi ou l’exercice de la profession a pris fin.
Tout tourne autour de la révélation de ce secret ou de son exploitation à son profit ou à celui d’un tiers. Mais, la vraie question est de savoir si ce secret est fondé sur la protection – légitime – de la sphère privée ou s’il ne sert uniquement qu’à cacher l’origine illégale des fonds qui dorment paisiblement dans les coffres de nos jolies banques helvétiques ?
Les pourfendeurs autoproclamés de la morale bien-pensante mélangent allègrement ces 2 notions. On veut casser du salaud exotique ! Si quelqu’un, désigné par l’opinion publique comme étant un dictateur, possède un compte dans une banque suisse sur lequel il n’y a que des fonds provenant d’activités légales, selon la polémique actuelle, il ne devrait bénéficier d’aucune protection.
Et, c’est là que surgit l’autre problème. Suivant les variations politiques qui agitent certaine république bananière, des fonds déposés, initialement sans histoire, deviennent tout à coup illégaux au gré d’un changement de régime.
Finalement, on n’en revient toujours à la même discussion. Comme toujours, les Helvètes doivent être les meilleurs élèves de la classe et les gendarmes du monde, alors que ceux qui nous accusent abritent des paradis fiscaux en toute impunité. Et si quelqu’un leur demandait de s’auto-flageller, nul doute qu’il l’enverrait paître en lui demandant de s’occuper de ses affaires.
Moralité : venir planquer des fonds en Suisse aujourd’hui ? Il faut être fou.
Le 23…
… où l’on se demande pourquoi les journalistes (soi-disants non helvétiques) qui ont publié les Suisse Secrets (sic) n’ont pas appelé leur site Credit Suisse Secrets ? Vu qu’on n’y parle que de cette banque (ce qui arrange bien les affaires du MPC à Bellinzone). Appelons un chat, un chat !
Le 24…
… où, rétrospectivement, on constate que la neutre Helvétie a apporté (involontairement ?) son concours à l’invasion de l’Ukraine par la Russie, en détournant l’attention de Kiev de ses frontières. En effet, en programmant mardi dernier, depuis Bellinzone, l’audition en vidéo conférence du témoin Evelin Banez, trafiquant de drogue concerné par le procès que mène actuellement le MPC contre le Crédit Suisse, les autorités ukrainiennes, cherchant vainemment le quidam sur leur territoire, se sont concentrées sur le mauvais cheval !
Bon, assurer la comparution on line du sieur Banev ne devait pas être la priorité du parquet de Kiev…
Le 28…
… où, arrivé (presque) sans encombre au terme de Février, mention spéciale à notre Padawan, Me Yselda, qui a rédigé ET déposé aujourd’hui trois écritures tarabiscotées en droit des successions et en reconnaissance d’un jugement français (dont une en 11 exemplaires avec bordereau de pièces XL).
Il fallait le faire. Elle l’a fait… Respect