March…
… où le printemps pointe mollement son nez avec son cortège d’attentes plus ou moins réalistes. Enfin, on voudrait bien qu’elles le soient. Dame Justice est aveugle, sait-on jamais… Restons tout de même lucides. Un bref tour d’horizon indique sans l’ombre d’un doute que l’ambiance générale n’incite pas à l’optimiste. Un vieil adage nous rappelle d’ailleurs qu’il faut se méfier des Ides de Mars. Mais l’espoir fait vivre, non ?
Le 1er…
… où c’est une veillée d’armes. Une préparation d’un procès un peu particulier tout de même. Cette fois, ce n’est pas l’accusé qui occupe notre esprit. Ni la victime, un lésé ou une plaignante. L’objet de nos pensées porte le titre officiel en procédure pénale de tiers touché par des actes de procédure.
De qui parle-t-on ?
De la personne qui, sans être directement impliquée dans les infractions reprochées, est touchée dans ses droits par leurs conséquence. Par exemple au travers de la confiscation d’un compte bancaire dont elle est titulaire ou d’autres valeurs patrimoniales qu’elle considère lui appartenir.
Pourquoi cette mesure ? Parce qu’un Procureur considère qu’il y a danger que le produit dérivé du crime ne prenne la poudre d’escampette. Dans ce genre de situation, le Parquet ne prend pas le risque de se faire taper sur les doigts, il ratisse large. La loi l’y autorise, il ne s’en prive donc pas. On décidera plus tard si les sous en questions ont un rapport ou non avec l’accusé et, donc ce qu’il convient d’en faire. Les rendre aux victimes, les donner en guise de compensation à l’un ou l’autre lésé ou les transférer dans les caisses du trésor public. Les solutions sont nombreuses et sont régies chacune par des règles strictes.
Le plus souvent, arrivé au terme de l’instruction, le Parquet transfère la patate chaude au Tribunal, avec ce message subliminal : débrouillez-vous avec les plaignants, moi Ponce Pilate, je m’en lave désormais les paluches ! Et c’est ce qui a été fait dans notre cas.
Ici l’affaire est d’autant plus sensible que les actes du gestionnaire qui comparaîtra demain en appel ont non seulement causé un gouffre abyssal dans les caisses de ses victimes, mais provoqué aussi une petite crise dans le Landerneau, en impliquant quelques élus qui se voient reprochés aujourd’hui en parallèle de n’avoir pas assumé leur devoir de contrôle. Ce débat politique n’intéressent pas les victimes. Elles veulent uniquement récupérer coûte que coûte, le plus de numéraire possible. Mon tiers n’est donc qu’un empêcheur d’indemniser en rond et elles ne vont pas se priver de nous le rappeler demain !
Procès en appel donc, vous avez bien lu. Le tiers y intervient toujours, à son corps défendant. Eh oui. Si, en première instance, on avait pourtant tranché en sa faveur et prononcé la restitution des valeurs convoitées, les lésés n’ont pas voulu lâcher le morceau. Ils ont fait appel de cette partie du jugement. L’accusé aussi soit dit en passant, sur l’autre partie, celle des infractions reprochées et de la peine. Mais, là, c’était plus que prévisible. 9 de prison, c’est compréhensible.
B. comme le désigne pudiquement les médias (secret de polichinelle !, sera bien évidemment au centre de l’intérêt médiatique. Ce dont on parlera moins, ce sont les combats d’arrière-garde sur les questions financières. Pourtant, ils vont occuper la plupart des avocats présents. Et ils seront plus acharnés que sur les questions de savoir si telle ou telle transaction doit être qualifiée ou non d’escroquerie. L’argent est le nerf de la guerre. Et cette guerre-là a déjà trop coûté. Il s’agit maintenant de limiter la casse. Et mon tiers est un obstacle de taille pour certains.
Donc, en marge de la question centrale de savoir si une réduction de peine est prononcée, deux logiques vont s’affronter demain. Celle des lésé pour qui il serait choquant qu’une quelconque valeur patrimoniale ayant un lien avec l’accusé leur échappe versus celle du fameux tiers, entraîné bien malgré lui dans ce fiasco hors norme et qui se permet de revendiquer humblement ce qui lui revient légitimement.
Voilà pour le tableau général de ce qui nous attend demain. Pour le moment, sur le plan purement technique, le contexte juridique est assez complexe et va nécessiter que l’on se triture encore les méninges quelques heures, alors que les ténèbres règnent depuis longtemps…
Le 2…
… où l’on comparaît donc devant la Cour d’appel, les yeux un peu ensommeillés.
Les choses se passent comme on pouvait s’y attendre.
Comme tout procès économique qui se respecte, les « questions préjudicielles », soit les obstacles procéduraux à franchir avant de pouvoir passer aux choses sérieuses, occupent une bonne partie de la matinée. Comme il n’est là que pour défendre une décision qui lui est favorable, notre tiers (en fait dispensé de comparution, donc, en réalité votre serviteur) observe tranquillement ses Confrères exposer leurs arguments tous azimuts. Nous, on attend les plaidoiries.
Face à quelques demandes inattendues des parties lésées, on sent une légère pointe d’agacement du côté de la Cour, dont le Président lance à l’un des avocats qui s’apprête à exposer les motifs de son intervention : Bon, allez, plaidez votre truc maintenant !
Son truc ? En plumes ?
Bref, on se dit que la journée sera longue… et sans plume.
Elle le sera.
Comme prévu, notre tour de plaidoirie consacré au tiers n’arrive qu’en début de soirée, en dernier. Rester concentré, concis aussi. Car on sent la fatigue s’installer chez la Cour. C’est bien normal.
Elle a eu droit à un plaidoyer en faveur de l’accusé très pertinent sur la question de l’intérêt à punir et de la vocation éducative du procès pénal. Par la suite, au fil des interventions, les choses sont devenues plus… ardues, voire arides, malgré les zéros qui virevoltaient d’un effet de manche à l’autre. Grosse fatigue donc au terme de tous ces développements juridiques.
Dans ses dernières interventions, la Cour a laissé entendre qu’elle avait été surprise par plusieurs arguments soulevés, notamment sur ces questions de confiscation de gros sous. Remarque un peu surprenante au vu du contexte qui ne laissait guère de suspense sur les interventions possibles des personnes concernées. Apparemment, nous avons tous été un brin innovateur.
En guise de clôture, on nous fait bien comprendre que, pour ces raisons notamment, le jugement ? Eh bien, ce n’est pas pour demain.
Comme l’accusé qui attend de savoir s’il doit retourner derrière les barreaux, notre tiers devra donc s’armer de patience…
Le 3…
… où le soufflé du procès retombe, mais pas l’excitation.
Aujourd’hui, la #Fairecave met en ligne son nouveau site internet, http://www.etudemm.ch, fruit d’un long processus de réflexion notre ADN et sur la finalité d’une présence numérique.
Aujourd’hui, où l’avocat du IIIème millénaire cherche encore sa voie, trouverons-nous la notre ?
Le 8…
… où, il ne faudrait pas l’oublier, le premier droit du prévenu est de se taire.
Et contrairement a une idée reçue, ce droit ne sert pas à faire obstacle à la manifestation de la vérité ou à protéger les criminels. Il est l’une des garanties fondamentales du droit à un procès équitable.
Parce que, répondre à des questions de la Police, sans savoir précisément ce que l’on vous reproche, c’est faire de l’équilibrisme les yeux bandés.
Le 10…
… où on se demande où a bien pu passer notre client ?
Personne à la dernière adresse connue (qui fonctionnait encore il y a peu). On a cherché dans les foyers, demandé à la Justice de paix si on n’avait pas eu affaire à lui récemment (par exemple dans le cadre d’un placement à des fins d’assistance). Nada.
Ce n’est pas comme à la télé. On ne peut pas envoyer Kalinda faire le tour des hôpitaux (ne pensons même pas à pire !). Et s’il avait de nouveau été arrêté (il est un peu coutumier du fait), on aurait été averti…
Bref, mystère et boules de gomme…
Le 13…
… où il est question de se balader avec un mètre (si si, un mètre, pas un Me) pour respecter une ordonnance d’éloignement.
L’interdiction d’approcher, ce n’est pas seulement à la télé. Les Juges helvétiques peuvent réellement imposer à une personne de ne pas franchir un certain périmètre autour d’une autre, sous la menace d’être dénoncé, avec une sanction à la clé (amende pour commencer, puis, en fonction de la « menace », des mesures plus « coercitives »).
Ce genre d’astreinte pose néanmoins deux problèmes.
Le premier réside dans son bien-fondé, puisqu’elle ne découle jamais d’une décision commune. Une personne, en principe dans le cadre d’un conflit familial, déclare être menacée par son conjoint ou un parent. Généralement, sa requête sera tout de suite prise en considération par la Police tout d’abord, qui priera ledit parent de quitter le domicile conjugal pour quelques jours. Et avant qu’il n’ait le temps de revenir chercher sa brosse à dents, un juge aura étendu cette injonction, par ordonnance judiciaire, avec une interdiction d’approcher, qui restera effective au moins jusqu’à une audience dudit juge, plusieurs semaines plus tard.
Mais, durant ce laps de temps, personne ne se sera inquiété de savoir si cette mesure est justifiée par un quelconque péril. C’est humain et précautionneux. Quasiment aucun magistrat ne voudra prendre le risque de se voir reprocher de n’avoir pas su prévenir un drame familial. Sauf que ça finit par se savoir. Et certain.e.s n’hésitent pas en profiter. Par exemple des ados en rupture avec l’autorité parentale, qui érigent leur invulnérabilité en dogme : Si tu élèves la voix, si tu ne me fiches pas la paix, j’appelle la police et elle te vire. Alors, casse-toi !
Une mesure sécuritaire destinée à prévenir les violences familiales est ainsi détournée de sa vocation, avec la complicité involontaire de la Justice. Le Mieux, le Bien, le Mieux. On ne sait plus…
Le second problème réside dans l’applicabilité de la mesure. 100 ou 200 mètres, ou… ? Un client : Je vais donc devoir aller mesurer si le fitness est à 98 ou 102 mètres de la maison… Plus sérieusement, à part dans les (très) grandes villes, les risques de violer ce fichu périmètre de sécurité défini arbitrairement seront quasi quotidiens.
Par exemple, il est rare que les trottoirs séparant les deux axes d’un boulevard soient à plus de 100 mètres l’un de l’autre. Ou alors, dans un stade bondé, comment faire pour s’assurer que « l’autre » n’est pas quelques travées au-dessus en train d’observer goguenard celui qui ne se doute de rien et d’appeler la police ? Alors quoi ? Rester confiné chez soi ou déménager ?
Et si certains proscrits affectionnent de se tenir ostensiblement avec un pied sur la limite du périmètre de sécurité, l’inverse n’est pas rare non plus. Qui de débarquer dans le bistrot où l’on sait que le puni a ses habitudes, à l’heure où il prend régulièrement son café, l’ordonnance d’éloignement à la main, pour le forcer triomphalement à quitter immédiatement les lieux.
Bref, la plupart du temps, cette situation pose plus de problèmes qu’elle n’en résout.
Ce billet n’a d’autre but – vous l’aurez compris – que de relativiser une mesure dont il est très facile de détourner la finalité, car le bruit s’est répandu que l’examen judiciaire initial de la réelle nécessité d’une mesure d’éloignement est très (trop) superficiel et la possibilité d’entendre les protagonistes renvoyée d’office aux calendes grecques. Le correctif serait donc d’entendre immédiatement les parties en présence, pour pouvoir mieux apprécier la situation et le danger potentiel. Les avocats sont prêts ! Et vous Mesdames et Messieurs les magistrats ? En plus, c’est chez vous que l’on vient. Même pas besoin de vous déplacer !
Justice de proximité en matière d’éloignement…
Le 16…
… où la question peut paraître incongrue après trois années de procédure.
Mais elle est bien sur la table du Tribunal ce matin : Pouvez-vous juger ?
Le Code de procédure pénale (CPP) est un condensé de vieilles casseroles et de nouvelles mixtures. L’une de ses principales dispositions, la maxime d’accusation (art. 9) pose très clairement qu’une infraction ne peut faire l’objet d’un jugement que si le ministère public a déposé auprès du tribunal compétent un acte d’accusation dirigé contre une personne déterminée sur la base de faits précisément décrits.
Cette formulation technocratique moderne est pourtant l’émanation d’un vieux principe défendu par Cicéron, le premier avocat médiatique. Juges ! Vous ne pouvez condamner que si vous avez répondu à ces cinq questions : Qui ? Quand ? Quoi ? Comment ? Où ?
Et c’est là où le bât blesse de bonne heure à l’ouverture des débats. « Me, avez-vous des questions préjudicielles à faire valoir au nom de l’accusé ?«
-Oui Monsieur le Président. Mon client requiert le classement de la procédure au motif que l’acte d’accusation tient sur quelques lignes qui disent en substance que, durant l’année 2019 – mais sans pointer sur une époque particulière ou des dates précises – mon client aura soustrait des données confidentielles – sans indiquer la nature de cette confidentialité – soit des listes de prix – il n’y en a qu’une au dossier, pourquoi ne pas la nommer ? – et des devis – lesquels ? – au détriment de son ancien employeur – il était encore employé en 2019 – dans le but d’obtenir des contrats – lesquels, on ne sait pas !?! – pour sa société – qui n’a été constituée que bien plus tard en 2020… Face à de telles carences dans la description de ce qui est reproché à mon client, vous ne pouvez à l’évidence rendre un jugement.
La partie plaignante – la société qui s’estime lésée – s’oppose bien sûr par la voix de son mandataire à cette requête, qui, si elle est acceptée, signifierait la fin de la procédure pénale en cours et donc le rejet de ses conclusions à se voir octroyer des dommages-intérêts. Mais, l’opposition est assez molle. Eh, il sait bien que la requête est tout à fait pertinente, lui qui quelques minutes plus tôt demandait au même juge de préciser l’acte d’accusation, s’agissant des infractions précisément reprochées qui n’apparaissaient pas clairement…
Après délibération, on nous revenir dans la salle d’audience. Classement, il n’y aura pas. Mais de jugement non plus. L’acte d’accusation est bien considéré comme largement incomplet, mais il reste une possibilité de corriger le tir : renvoi à l’instruction pour complément ! Manière de dire au Parquet : merci de faire votre travail…
Voilà, voilà. Tout ça pour se faire mousser avec cette petite victoire ? Non. Le problème est ailleurs.
Cette situation est malheureusement de plus en plus courante dans la Comté et alentours. Le Ministère public peine régulièrement à établir des actes d’accusation conforme au principe d’accusation. On décrit vaguement ce qui s’est passé, parce que, dans la loi, il est écrit le plus brièvement possible au sujet du contenu d’un tel acte (art. 325 al. 1 lit. f CPP). C’est juste, mais faites l’effort de continuer à lire. Juste après, on trouve …mais avec précision. Et tout ce blabla n’est pas destiné à servir les desseins d’un avocat retors qui tente coûte que coûte d’opposer un formalisme strict au pouvoir de juger. Cette obligation de motiver est bel et bien destinée à protéger l’accusé qui a le droit de savoir ce qu’on lui reproche précisément, pour pouvoir se défendre efficacement !
Le 20…
… où, trop souvent, le problème, ce n’est pas l’expertise, mais l’expert.
Notre système judiciaire permet à toute personne possédant des connaissances pointues dans le domaine visé d’être « éligible » comme on dit. A condition bien sûr de n’être pas déjà en cheville avec l’un e des parties ou mal disposé à l’égard de l’autre.
Mais, ces quelques précautions suffisent-elles pour faire un bon expert ?
Pas sûr, mais lors pas sûr du tout.
On lui demande d’éclaircir les zones d’ombre du dossier, hors de portée du droit. Le problème, c’est que la méthodologie pour y arriver va différer d’un sujet à l’autre. Seul une poignée de candidats (le masculin est utilisé à dessein, en plus de 20 d’exercice du Barreau, jamais croisé d’expertes, étonnant non ?) ont suivi une formation leur expliquant le cadre juridique et les rôles de chacun. Un expert n’est pas le juge. Il le renseigne sur les tenants et aboutissants, mais ne tranche pas. Malheureusement, bon nombre de spécialistes, certes très compétents n’ont pas saisi cette nuance fondamentale.
Ici, nous avons un problème d’horticulture. L’expert proposé par nos soins était chef de chantier. Il a été choisi par le Tribunal, car il possédait les connaissances pratiques en matière de conduite d’une réalisation immobilière, indispensable à nos yeux. Malheureusement, il a décliné sa nomination. Trop occupé pour rendre son travail dans un délai approprié ! Le Tribunal a derechef désigné le candidat de la partie adverse, un autre horticulteur.
Résultat : un expert-horticulteur qui dit que les factures émises par l’horticulteur expertisé correspondent aux postes de travail effectué. A priori, son travail d’analyse ne découle pas d’un simple copinage, mais plutôt d’une incompréhension de la finalité des questions à régler. On passe ainsi à côté des interrogations centrales, soit de savoir si ces innombrables allers-retours reportés sur les feuilles d’heure, étaient finalement vraiment nécessaire, ou découlaient d’une mauvaise organisation ? Question à laquelle un chef de chantier semblait plus à même de répondre. Mais voilà…
Si l’on revient maintenant sur la problématique juridique désormais sur la table – en tous cas pour notre cliente – face à une expertise au résultat discutable. Qu’est-il juridiquement possible de faire ?
La procédure prévoit que chacune des parties peut poser à l’expert des questions complémentaires. Très bien. Mais on peut déjà anticiper sa réaction quand on lui demandera d’expliquer pourquoi il ne dit pas un mot des dizaines de documents demandés à notre cliente, qu’elle a ponstuellement fourni… Rares sont ceux qui auraient l’honnêteté intellectuelle de répondre : Ah oui, tiens. Vous avez raison. Allez, je reprends tout à zéro ! Pouf pouf…
Donc, le dernier moyen de contrer cette situation ne pourra intervenir qu’au moment des plaidoiries finales, où il faudra argumenter que l’expertise n’est pas du tout concluante, car sa méthodologie est biaisée. Certes, le Juge peut entendre une telle argumentation et écarter l’expertise du dossier. Mais, il faut bien en être conscient. L’usage de ce « droit de veto » par le Tribunal constitue plutôt l’exception qui ne confirme pas la règle.
Une législation spéciale, imposant à tout expert désigné par une autorité judiciaire de suivre, au préalable, une formation spécifique et donnée dans un cadre étatique, si ce n’est déjà fait, permettrait non pas d’éviter les erreurs de casting, soyons réalistes, mais au moins de garantir une certaine uniformité dans le processus.
Le 21…
… où c’est bien joli toussa, mais quand on se retrouve à arpenter les couloirs d’une unité d’un hôpital psychiatrique et que l’on tombe sur deux pensionnaires, discourant des mérites de leur avocat respectif. Et qu’ils se tournent tous les deux vers vous et lancent Ah bonjour maître, avant de se regarder avec étonnement, puis d’éclater de rire, le doute s’installe…
Ai-je bien pris mes pilules ce matin ?
Le 23…
…où, manifestement, there is something rotten in the State of Denmark, quand on reçoit en réponse à une demande d’offre pour remplacer la timbreuse électronique (coût 15.-/mois + 15.-/mois pour les consommables et la maintenance) 5 mails avec des tonnes de paperasses à remplir, pour prouver, entre autre, qu’on est bien l’ayant-droit économique et qu’on confirme ne pas faire de blanchiment…
Le 27…
… où le suspense est de mise.
C’est toujours le cas, juste avant une audience, surtout pénale. Mais là, outre le réquisitoire du Parquet que l’on tente d’anticiper, on se demande si le client sera là et, donc, comment tourner certaines phrases dans un cas… ou l’autre !
C’est rare que l’accusé décide faire faux bond à ses juges en cours de procédure. Celui qui a participé aux premières étapes de « son affaire » va en général jusqu’au bout. Soit, il n’a pas le choix, car il est pensionné aux frais de l’État. Soit, il tient à se défendre et faire face à ses juges. Et c’est ce que lui conseillera en principe son défenseur. Rentrer dans la clandestinité, c’est courir le risque d’être arrêté une fois le jugement rendu et de croupir derrière les barreaux jusqu’à une nouvelle audience puisse être organisée. Parce qu’on le droit d’être présent quand on est jugé. Mais, après une telle variante, aucun magistrat n’acceptera de remettre dans la nature l’accusé qui a déjà prouvé sa capacité à jouer les filles de l’air.
Là, c’est vrai qu’il n’y a plus grand chose à défendre sur le fond. Il a tout admis et n’a même pas cherché à relativiser sa faute. Il a piqué plus de 800’000 balles dans la caisse de son patron pendant 7 ans, pour que la femme pour qui il avait quitté la sienne, après une vie et deux gamins sans histoire, ne le quitte pas. Elle l’a quitté. Pour qu’il ne connaisse pas le même sort avec la suivante. C’est raté. Mais ce parcours déprimant, validé par une expertise psychiatrique qui nous en a plus dit sur lui que le principal intéressé durant toute l’instruction, donne au moins un peu de grain à moudre.
Demain, il est donc sensé comparaître devant le Tribunal. C’est la 2ème citation, car il a déjà fait faux bond à la 1ère. Donc, selon le Code de procédure pénale, là ou pas là, il sera jugé quand même. Et comme mentionné plus haut, si d’une manière ou d’une autre, il refait surface, il pourra demander à être jugé en sa présence.
Vu qu’il n’a plus donné signe de vie depuis des mois, personne ne se fait trop d’illusions sur une apparition impromptue demain, à commencer par votre serviteur. Mais, sait-on jamais. Les surprises, c’est une des constantes de ce métier.
Le 28…
… où manifestement, il n’est pas là, mon client.
L’audience est donc limitée à sa plus simple expression. Sa vocation première : l’audition de l’accusé, ne peut être menée à bien. Il n’y a pas non plus de témoins à qui poser des question. Tout est admis. Donc, une fois les préliminaires réglés, on passe au réquisitoire de la Procureure, la plaidoirie de la partie civile et, pour terminer, celle de votre serviteur.
Avec, pour cette dernière, un fil rouge. Ne ne pas tirer sur l’ambulance et ne pas suivre le Parquet qui réclame 4 ans fermes. A quoi bon ? L’homme n’est pas en fuite pour essayer d’échapper à une juste sentence. Il n’a simplement plus le courage ni la force d’affronter la suite de son parcours et a choisi cette échappatoire qui est déjà une condamnation pour lui. Il n’a plus un sou. Tout a été dépensé. Il n’a plus de famille. Ils ne savent pas où il est, lui qui est devenu grand-père dernièrement et qui n’a donc jamais vu son petit-fils, alors qu’il décrivait à l’expert psychiatre que la naissance de ses deux fils avait été le plus fort moment de sa vie…
Triste histoire, derrière l’affaire.
Ce billet est l’occasion de revenir sur un des paradoxes du droit pénal. On nous apprend à l’Université que la vocation du Code pénal n’est pas venger la société, mais de punir le trouble causé à l’ordre social et… d’éduquer. Pour que ça ne recommence pas. Bon, tout le monde sait que cela recommencera, ailleurs, avec d’autres, qui auront aussi une histoire de vie. Mais, la punition du trouble, comment l’évaluer à sa juste mesure pour quelqu’un qui n’est pas là et qui s’est, d’une certaine façon, déjà puni ?
C’est toute la difficulté de la tâche d’être juge. Entre répression et compassion, quand c’est possible. Et, là, la compassion, c’est possible.
Le 30…
… où la vidéo-conférence est une invention inestimable, aussi pour l’avocat, surtout quand son client est aux antipodes.
Beaucoup de vidéos gags aussi, avec telle ou telle situation cocasse.
Le secret professionnel m’empêche de vous présenter celle du jour, mais ce n’est pas trop grave car le côté humoristique réside plus dans l’explication que l’image.
Le client est filmé dans son bureau de son entreprise de traiteur. Il est fort tard dans la soirée, décalage horaire oblige. Votre serviteur n’a pas encore eu le temps de souper. Au mur, derrière mon interlocuteur, un écran publicitaire filme la préparation et le montage de plats qui ont tous l’air plus succulents les uns que les autres. Heureusement que Teams ne fournit pas l’odeur…