Octobre…

… où l’on entame le dernier trimestre sur les chapeaux de roues, la tête dans le guidon, la fleur au fusil… Euh, enfin, bref. Nous y voilà. Musique !

Le 3…

… où s’il fallait utiliser une allégorie pour illustrer cette journée, celle d’un lancement de fusée expérimentale ferait bien l’affaire.

Dans le rôle de l’astronaute partant pour l’inconnu : Me Jack, désigné volontaire en raison de nos autres calendriers couvrant toute cette journée de lundi. Exit le tennis, direction Genève. Dans ce métier, ce sont les jours où il est sensé ne rien se passer qu’il faut craindre les surprises !

La fusée expérimentale ? Ce sont deux roquettes, pardon, lapsus révélateur, tant le jargon des missiles convient bien à ce genre d’exercice périlleux. Donc, deux requêtes de mesures superprovisionnelles, toujours avec les mêmes protagonistes (cf. le journal de septembre). D’un côté, notre cliente, une entreprise de fabrication de fenêtres, qui attend en vain depuis presque 4 mois d’être payé par, de l’autre, un entrepreneur marron. Expérimentale, le terme n’est pas galvaudé, parce que les deux terrains (les puristes disent immeubles) supportant les constructions sur lesquels ont été posées les fenêtres litigieuses sont tous deux en cours de mutation au RF de la Comté du Bout du Lac. D’où situation intermédiaire confuse dans les strates de l’administration foncière. Et c’est peu dire que les renseignements que nous avons reçu la semaine dernière au compte goutte, sont soit contradictoires, soit manifestement inexacts, voire incompréhensibles (jusqu’à vendredi dernier où, miracle, nous sommes enfin tombés sur un juriste – sans doute pas insensible à la voix de Me Mulan au téléphone – qui nous a permis de saisir correctement la situation et nous a fourni -enfin ! – les bonnes attestations). On évitera de trop s’attarder sur le fait que les immeubles en question naviguent dans la 4ème dimension foncière depuis novembre 2021, date des réquisitions adressées au RF par les nouveaux propriétaires…

Le danger de l’expédition tient aussi au fait que, notre client ayant attendu le dernier du dernier moment pour recourir aux services d’un avocat, le délai pour obtenir l’inscription de l’hypothèque légale vient à échéance… aujourd’hui lundi.

Donc Me Jack emporte sur les bords du Léman aux premières lueurs du jour, deux pavés (requêtes + bordereaux de pièces épais comme les défunts bottins de téléphone), pour être à 9h00 tapantes, heure d’ouverture du Greffe du Tribunal, au guichet, afin de déposer les actes, en précisant que l’ordonnance d’inscription doit être rendue immédiatement, car après, il faudra encore aller au Registre foncier les enregistrer au Grand Livre (avant la fermeture de l’accueil à 16h00), condition sine qua non de la réussite de l’opération ! Il est équipé de la tenue réglementaire de l’avocat spationaute qui emporte dans sa musette les fonds nécessaires au dépôt des avances de frais qui seront demandées par le Juge.

La #FaireCave ressemble donc ce matin un peu au centre névralgique du Cap Canaveral à l’orée du lancement d’un nouvel engin spatial, qui attend sur le pas de tir le final countdown.

9h15 GMT, appel de Me Jack : Je suis au greffe, les requêtes sont déposées… Mais je ne trouve plus mon portemonnaie ! Il a dû tomber quand je me suis arrêté au restoroute prendre un café !!!

Panique à Houston, donc. Bon prince, le Greffier indique qu’il va nous envoyer par mail les BV et que la preuve de l’ordre donné à la banque suffira.

Début de l’attente du mail…

10h41 ! Veuillez vous acquittez immédiatement du montant indiqué pour la 1ère requête. Une fois la preuve du versement fournie, la seconde avance de frais vous parviendra ! Merci pour la confiance.

10h53 : preuve envoyée direction jet d’eau.

On attend le second mail. 11h15, toujours rien. Houston appel Genève : Oui, c’est vrai, excusez-nous, on a un problème avec la compta !

11h43 : second mail, preuve envoyée à 11h48, avec un mot demandant de nous donner un timing. Pas de réponse.

11h56 : message de Me Jack : portemonnaie retrouvé par le restoroute, avec les sous dedans en prime !

13h48 : nouveau message de Houston au pas de tir : Est-ce que ça suit ? Silence radio.

14h48 : Jack calling : J’ai les deux ordonnances en poche. Je file au Registre foncier.

La fusée est donc lancée. Maintenant il faut à tout prix qu’elle quitte l’atmosphère terrestre avant 16h00, sinon, c’est l’explosion en plein vol, et tout ça n’aura servi à rien.

15h26 : Le Registre foncier m’a envoyé payé les droits d’enregistrements. J’attends dans une file avec un ticket. On se croirait dans une administration coloniale !

Et, à partir de là, silence radio. Nous perdons contact avec notre cosmonaute.

Deux heures de silence radio, c’est long. Et enfin, miracle, contact rétabli vers 18h00 Mission accomplie – STOP – requêtes enregistrées par le Registre foncier à 15h58 – STOP – Suis sur le chemin du retour – STOP

Ici Houston, plus un poil de sec…

Le 4…

… où c’est un peu comme un lendemain d’hier.

Après une journée aussi intense que celle du 3, on se sent un peu largué. Phénomène surtout présent après certaines affaires pénales. Pas forcément les plus importantes, mais celles qui demandent beaucoup d’énergie pour rester dans le flow comme on dit jusqu’à la fin des plaidoiries. Finalement, ce genre de dossier, c’est un peu comme une drogue. Quand ça se termine, on est presqu’en manque…

Hier, c’était une affaire civile, certes. Mais, un peu particulière quand même en terme de focalisation sur un objectif incertain : faire inscrire ces maudites hypothèques légales avant le gong.

Et donc, depuis ce matin, l’esprit erre, erre. Réminiscences musicales, un cheval blanc qui tourne, tourne. Alain au sommet. Et cette fille…

marcher sur l’eau / éviter les péages / jamais souffrir / juste faire hennir / les chevaux du plaisir

Le 10…

… où bon sang ne saurait mentir.

Les parents ne sont pas d’accord sur les pensions des enfants.

Le père : Mon ex m’empêche de voir les enfants si je ne paie pas les pensions.

La mère : C’est faux, ce sont les enfants qui ne veulent pas voir leur père.

Le père : C’est un mensonge. J’aime mes enfants et les enfants m’aiment. Et puis, mon fils ne peut pas avoir dit ça, car il est comme moi. Il est beau !

Dont acte et protocolé au PV.

Le 11…

… où comme c’est malheureusement trop souvent le cas, on arrive après l’orage dans le dossier pénal. Les jeux sont pratiquement faits, puisque tous les protagonistes ont déjà été interrogés au moins une fois par la Police, sur délégation du Procureur.

Certes, la plupart des prévenus ont coché la case Ne souhaite pas faire appel à un avocat, alors que c’est toujours leur droit (et souvent leur intérêt). On peut quand même se poser la question de savoir comment cette problématique leur a été expliqué avant d’apposer la coche fatidique. Surtout dans une affaire où le Procureur va par la suite leur imposer un défenseur, car il considère que c’est une situation de défense nécessaire (soit que l’affaire est grave et l’infraction reprochée peut conduire à une lourde sanction, donc la Convention européenne des Droits de l’Homme, relayée par le Code de procédure pénale, impose que le prévenu soit assisté d’un avocat, même s’il pense – naïvement – pouvoir se défendre seul, le fol).

Mais voilà, comme ça la Police garde les coudées franches. Sans baveux qu’elle aurait dû attendre pour lui compliquer la tâche. Et on vous dit par la suite, Mais Me, vous pouvez poser maintenant toutes les questions que vous voulez…

Sans compter que, très souvent, on lira par la suite dans le jugement que Le Tribunal accordera un poids important aux premières déclarations du prévenu, faites à un moment où il n’était pas encore assisté d’un défenseur.

Bien sûr, quand les avocats arrivent dans un dossier, ils commencent invariablement par dire au client de mentir, c’est connu.

Toujours intéressant de constater que le regard de (certains) magistrats sur les pratiques de la défense reste au niveau de l’image d’Épinal, surtout s’il s’agit d’anciens confrères. Donc, tout aussi intéressant de constater que ceux qui – croient-ils – sont passés du bon côté de la Force pensent que leurs anciens collègues fonctionnaient tous comme eux…

Le 12…

… où l’on donne un cours sur la future loi sur la protection des données à mes comptables en classe de Brevet fédéral.

Exercice intéressant, car le thème est éminemment pratique, puisque son application est quasi quotidienne sur la place de travail. Mais encore très théorique aussi. D’ici à septembre 2023, le paysage légal helvétique va devoir encore s’étoffer avec des textes légaux complémentaires, pour se mettre au diapason de la paranoïa européenne. Et ça s’agite pas mal ces temps sur nos Monts, quand on voit toute la littérature que d’éminents juristes pondent actuellement sur ce sujet.

Mais soyons réalistes. Si des précautions élémentaires doivent protéger les données de nos clients, se conformer à la lettre aux nouvelles prescriptions légales en la matière s’avèrera quasi-impossible, en tous cas pour les PME, car techniquement et financièrement trop lourd.

Donc, après une nécessaire période d’adaptation, où le hasard fera que certains seront sacrifiés sur l’autel médiatique en servant d’exemples, il faudra voir où se placera le curseur de ce qui sera considéré comme la norme. En fait, pour avoir vécu le durcissement de la législation en matière de blanchiment (c’était au millénaire passé, aouch !), juste avant, puis au début, c’était la panique partout et surtout dans les études d’avocats. Allait-on devoir dénoncer le client qui se pointait avec de l’argent liquide pour payer la provision, même si on le connaissait de longue date ? Puis, en quelques mois, les choses se sont complètement tassées et tout le monde a pu continuer à vaquer à ses obligations, sans se demander à chaque seconde si le ciel n’allait pas lui tomber sur la tête.

Le 13…

… where this made my day !

Aucun triomphalisme ou esprit revanchard. Mais, quand on vous claque la porte sur les doigts en déclarant irrecevable en dernière instance cantonale un appel qui, manifestement, l’était… recevable, on est soulagé de constater que, pour notre Haute Cour, l’arbitraire n’est pas qu’une notion théorique à géométrie variable.

PS : Dans ce métier, les lignes ne sont pas droites. On le sait. L’avocat vit avec et tente d’expliquer au client que, même si le traitement de son affaire par la Justice est choquante, ce n’est pas forcément suffisant pour les instances judiciaires supérieures. Car, si un autre résultat devait entrer en ligne de compte, elles peuvent très bien considérer que le jugement attaqué reste néanmoins défendable. Depuis que votre serviteur exerce, à deux reprises, la décision a été prise d’aller à nos risques et périls jusqu’à la Haute Cour pour contester un jugement prononcé au mépris du plus élémentaire sentiment de Justice. Les deux fois avec succès. Le dispositif ci-dessus témoigne de la seconde tentative. Finalement, le système fonctionne…

Le 14…

… où, en vue de la fixation de l’audience à venir, le client me précise qu’il ne pourra comparaître du 22 décembre au 3 janvier, pour cause de voyage à l’étranger.

Rassurez-vous, il y a assez peu de chance qu’un juge nous convoque durant cette période.

On ne sait jamais.

Pas faux…

Le 24…

… où décision est prise de porter un (autre) dossier devant le Tribunal fédéral. Décision aussi porteuse d’espoir que génératrice de peurs ancestrales…

Pourtant, l’arrêt visé nous paraît aussi injuste que possible, surtout dans la manière plus que le résultat, vu que nos arguments ont été balayés d’une chiquenaude en un simple paragraphe, sans aucune discussion à leur sujet.

Les puristes diront que c’est le résultat qu’on attaque, pas les motifs. En un sens, c’est ce qu’on nous a appris sur les bancs de l’Uni. Mais, quand le résultat est la conséquence de l’impéritie de juges qui arrivent en audience sans l’avoir préparée, sans connaître le dossier (Me, je ne comprends pas le sens de votre question… J’en suis navré, cette question est néanmoins nécessaire… Bon, posez-la, on verra bien…), montrant visiblement de l’agacement à devoir tenir audience, alors que c’est leur fonction, heureusement qu’il reste une voie de droit, même si celle-ci est on ne peut plus périlleuse.

Le TF, c’est le juge de l’arbitraire. Vous ne pouvez arrivez devant lui en critiquant le jugement cantonal et en proposant un autre solution qui vous paraît plus dictée par le bon sens ou l’équité que celle prononcée. Non, vous devez montrer que le résultat précédent ne pouvait en aucun cas être retenu sur la base du dossier (la voiture était rouge, mais le jugement retient qu’elle était bleue). C’est cela l’arbitraire et cela doit être démontré au travers d’une argumentation aussi fulgurante que précise comme une horloge.

Comme répétait mon ancien mentor : S’il vous faut 10 pages pour démontrer que c’est arbitraire, c’est que ce ne l’est pas !

Et les Juges fédéraux ne sont pas tendres avec ceux qui viennent tenter leur chance…

Le 25…

… où cette manie de lire plusieurs ouvrages glosant (directement ou indirectement) à propos du monde juridique nous amène parfois – et quand même (!) – à leur conclusion.

Premiers tour d’horizon donc des récentes lectures avec Inattendu que… aux Editions du Trésor, titre en contre-pied de la locution phare rythmant les décisions et autres arrêts des cours de Justice de l’Hexagone. Mais ce petit recueil ne se limite pas aux frontières francophones. Il explore le monde, le temps, et parfois même l’espace, à la recherche de curiosités juridiques comme des procès africains où l’on reconnaît le pouvoir de transformation des hommes en animaux, des décisions britanniques cryptées façon Da Vinci Code, le régime juridique si vous allez sur la Lune, où le code de procédure en matière de piraterie.

Bref, on s’amuse bien, en faisant le plein de petites anecdotes qui nous permettront, à nous les avocats de nous montrer moins barbants en société, en parlant d’autres procès que les nôtres.

Le 28…

… où quand on pense avoir trouvé un espace de travail paisible au milieu de la foule, casque noise canceling vissé sur les oreilles, playlist Stay mellow en fond sonore, v’là t’y pas que mon laptop comme à jouer les jolis cœurs. Un message s’affiche : Votre Surface est prêt à s’apparenter à Iphone de Alice !

But Alice ? Who the f… is Alice ?

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