Oktober…
… où MeFaire strikes back, après une pause roborative, ô combien nécessaire, vu la détestable ambiance pandémique qui s’est installée depuis la fin de l’été et qui s’acharne à rendre notre quotidien de plus en plus absurde. Sans compter la remise en question des valeurs de notre helvétitude. Alors, on s’est réfugié dans l’écoute de quelques vieilles rengaines, entre Dire Straits et Bernard Lavilliers, en passant par les Talking Heads (« The Road to Nowhere », prophétique non ?), qui nous ramène vers une époque que l’on aimerait bien retrouver. Et croire à ce message « There’s nothing to fear… », cross fingers Chris…
Le 1er…
… où c’est donc vraiment le début de l’automne. Les feuilles commencent à jaunir, mais pas celles des dossiers. Dommage, cela rendrait peut-être certaines lectures plus digestes. Comme les questions qui se posent après la lecture…

Le 4…
… où l’on plaide en appel pour un ouvrier accusé d’avoir causé par négligence le décès de son collègue de travail. Le dossier est complexe, la victime ayant adopté un comportement totalement aberrant, à défaut duquel il n’aurait pas eu la moindre égratignure.
Quand on plaide ce genre de dossier sensible, on ne peut s’empêcher de sonder plus que d’habitude le regard des Juges. En appel, c’est compliqué. Ils sont trois à décider. Et chacun est un technicien qui peut faire pencher la balance. Pas de juges laïcs comme en première instance, sur le visage desquel(le)s on lit souvent comme sur un livre ouvert. (Mal)heureusement, leur l’influence sur le résultat final est plus diffuse. On essaye donc de décrypter les mimiques de nos trois décideurs face à tel ou tel argument. Leurs signes d’agacement aussi. Et il y en a plus qu’on en voudrait. Signifient-ils qu’on enfonce une porte ouverte ou que les jeux sont (déjà) faits ? Quand on le saura, ce sera trop tard.
Aujourd’hui, nos humeurs slaloment entre les questions techniques et pertinentes de la Présidente de la Cour d’appel, cet autre juge qui prend note sur note, sans lever le nez de son bloc. Que peut-il bien coucher sur le papier ? Et celui dont le regard impénatrable semble nous sussurer à l’oreille : « Êtes-vous bien sûr, Maître, de votre raisonnement ? »
Au final, l’appel est rejeté. Une phrase malheureuse, consignée dans un PV ancien et sortie de son contexte, a scellé le sort de la cause. On ne peut s’empêcher de voir dans ce jugement rendu très (trop) vite après la clôture des débats, la marque de l' »hygiénisme judiciaire » actuellement de circonstance dans les tribunaux d’Helvétie et de Navarre. La faute, parce qu’il faut bien l’appeler comme ça, de la victime qui est allé se mettre elle-même en danger, sans qu’on lui demande quoique ce soit, et dont le comportement est aberrant pour n’importe quel professionnel de la construction, doit quoiqu’il en soit s’effacer derrière le résultat. Or la finalité du procès pénal n’est pas de punir le résultat, mais le comportement de celui qui est au centre des débats, en tenant compte à sa juste valeur du comportement des autres protagonistes, sans lequel le résultat ne serait jamais arrivé.

Le 5…
… où l’on renfile sa robe, pour une affaire où la presse se bouscule au portillon : le prononcé du verdict concernant un gérant de fortune qui a perdu beaucoup, beaucoup, mais vraiment beaucoup d’argent.
Toute la panoplie du Code pénal en matière d’infractions économiques y est passé. Et, même si les dégâts auraient pu être moindre, si certaines personnes avaient fait leur travail de supervision, c’est lui qui fait face aujourd’hui à ses Juges.
Le Ministère public a requis 8 ans. Son défenseur, qui avait replacé l’église au milieu du village de manière très pertinente, proposait de limiter l’addition à 5. Votre serviteur avait un rôle plus discret. Représentant un tiers touché par la procédure, il tentait de faire lever le séquestre sur des fonds bloqués au détriment de notre cliente dans le cadre de la procédure. Comme ces fonds ne provenaient pas de l’activité reprochée de gestion de fortune, ils devaient retourner à leur propriétaire. Mais, comme les lésés directs ne récupéreront que des peanuts, c’est peu dire que nos conclusions ont été fraîchement accueillies par leurs représentants, qui craignaient de voir ainsi une peau de chagrin se rétrécir encore.
Verdict : 9 ans. Une nouvelle gifle pour le Ministère public, qui est allé de déconfiture en désillusion dans cette longue procédure. Se voir dépassé ainsi n’est jamais bien accepté du côté du Parquet.
Cela dit, la sanction est énorme. Sans faire de recherches approfondies, elle doit se situer parmi les plus sévères de ces dernières années en Suisse pour des infractions économiques. Pour mémoire, Dieter Behring, avec ses 2000 lésés, son « trou » de plus de 800 millions, s’était vu condamné à… 5 ans et demi.
Mais ce qui interpelle le plus l’avocat « tiers touché », ce que, au moment de l’énoncé de la sentence de 9 ans, pas un seul des 4 juges laïcs qui entourent le Président, n’a eu le courage de regarder le condamné. Qui fixait un point abstrait devant lui. Qui tripotait son crayon. Qui cherchait tout à coup un objet subitement devenu indispensable dans le pli de son veston… Désolante manière de rendre la Justice.
Madame, Monsieur, quand on décide d’envoyer quelqu’un derrière les barreaux pour plusieurs années, la moindre chose serait de ne pas faire comme s’il n’était pas dans la salle…
Le 6…
… où l’on accompagne un client au siège de la FIFA, à Zurich, pour la présentation de son concept d’assistance médicale lors de la prochaine Coupe du Monde. Q22 comme disent les initiés ici. Une journée que la pluie persistante ne parvient donc pas à gâcher, tant l’endroit est spectaculaire et le sujet passionnant. Et quand, en prime, on croise Arsène Wenger !
Le 7…
… où c’est la guerre colonel !

Permanence de la première heure, avec Me Erika où ça tombe de partout. Deux appels coup sur coup. Deux grosses affaires de stup, donc audiences de polices, puis, dans la foulée, devant le Procureur de permanence. Le Tribunal des mesures de contrainte (TMC) qui validera (ou non) la mise en détention de nos lascars, ce sera pour demain sans faute, le code procédure ne tolérant aucun retard.
Donc, pas le temps de respirer Johnny.
Le 8…
… où donc, suite logique, Me Erika s’en va au TMC à deux reprises, sans grandes illusions, vu les risques de collusion incontournables qui ressortent des deux brèves motivations de maintien en détention du Parquet. Il reste encore beaucoup de personnes à auditionner et de perquisitions à effectuer pour définir l’ampleur du trafic. Deux arguments imparables à ce stade, puisque le Procureur sait ce qu’il y a dans le dossier et ce qui n’y est pas encore. Nous, nous devons faire avec ce qu’on a bien voulu nous communiquer. C’est-à-dire le minimum syndical. L’accès complet au dossier, ce sera pour plus tard.
Le premier voulait se marier dans trois semaines. Eh bien, il attendra trois mois pour convoler. Et peut-être plus longtemps. L’autre veut voir sa mère. Il attendra aussi, mais moins longtemps….
Le 11…
… où le manque de courage de notre plus haute juridiction (TF) laisse perplexe.
L’excellent site LawInside.ch publie un commentaire à propos d’un arrêt rejettant le recours d’un ex-banquier russe visé par une mesure d’extradition vers son pays d’origine pour y être jugé.
Les garanties diplomatiques requises en l’espèce auprès de la Russie – telles que la mise en place d’un système de monitoring dès la remise de la personne extradée à l’État requérant, la connaissance du lieu de détention avant l’extradition et sa localisation à l’ouest de l’Oural – suffisent à assurer la protection de la personne extradée de manière conforme à la CEDH nous dit-on.
La belle affaire !
Précisons d’emblée que nous ne connaissons rien du dossier. Mais ce n’est pas le fond qui interpelle dans cette décision. C’est bel et bien que, malgré le fait que, dans les couloirs du DFAE on sait pertinemment que Droits de l’Homme et système judiciaire russe sont incompatibles, surtout quand il s’agit de PEP (personne politiquement exposée), malgré les preuves médiatiques que le pouvoir russe n’a cure des remontrances des pays étrangers horrifiés par les tentatives de mater toute forme de dissonance, Alexandre Navalny en sait quelque chose, malgré le fait que la Douma a clairement signifié à la CEDH qu’elle ignorerait superbement tout arrêt de la Cour qui irait à l’encontre de la Constitution russe – de son point de vue, dicté par qui vous savez – notre Haute Cour garde des oeillères et affirme sans rougir que, si on a mis en place un système de monitoring tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes !
PS : il y a peu, notre client russe, banquier lui aussi, a pu échapper aux foudres du MPC, téléguidées par Moscou, uniquement parce que, avec l’aide de nos confrères russes et anglais, nous avions pu démontrer qu’un procureur russe avait publiquement menacé dans un tribunal de Moscou de ramener notre client de Londres les pieds devant, sans être sanctionné ou simplement remis à l’ordre par sa hiérarchie, que la DDIP de Berne, avait finalement jeté l’éponge et admis que, avec cet épisode, il était illusoire d’affirmer que les garanties données par le Kremlin pouvaient être jugées suffisantes.
Tout le monde n’a pas eu cette chance, malheureusement…
Le 12…
… où ce n’est pas seulement au niveau fédéral que l’on prend les enfants du Bon Dieu pour des canards sauvages (voir la veille).

Au niveau cantonal, ce n’est pas mal non plus.
Lu dans cet arrêt fraîchement tombé sur nos téléscripteurs : « Même si le Ministère public a refusé d’entrer en matière sur l’opposition à l’ordonnance pénale du prévenu qui avait déjà fait valoir ses arguments dans ce cadre et auxquels la Juge de police a finalement fait droit, on ne saurait retenir l’existence d’un acharnement du Ministère public qui n’a fait que soutenir son point de vue, certes erroné en l’espèce. Il en découle que les enjeux de cette procédure d’opposition et de jugement devant la Juge de police étaient minimes pour le prévenu. On ne discerne donc aucun intérêt prépondérant qui justifiait d’avoir recours à un avocat en l’espèce… »
Une brève explication s’impose pour saisir toute l’hypocrisie de la situation. Notre jeune client avait été condamné une première fois pour diverses peccadilles et une consommation de cannabis. Quelques mois plus tard, autres erreurs de jeunesse obligent, il est à nouveau condamné par une nouvelle ordonnance pénale pour d’autres broutilles et… la même consommation de cannabis que dans la première ordonnance. Il ne s’était pas opposé à la première, mais conteste la seconde, justement pour le motif de cette double condamnation (ce qui est parfaitement correct, puisque l’on ne peut être puni deux fois pour les mêmes faits). Que nenni répond le Procureur, vous n’avez rien compris. Mais si, Monsieur le Procureur, relisez votre dossier. Réponse : je ne change rien.
Mon client s’est donc adressé à un Juge de police, comme c’est son droit, à qui on a expliqué la situation. Ce magistrat donne raison à mon client, mais considère qu’il n’a pas droit à une compensation financière pour ses frais d’avocat, inutiles dans ce cas de figure selon lui. En clair, pourquoi vous venez nous déranger pour des bêtises pareilles ? Votre client a fumé. Certes, il a déjà été condamné pour ça, mais ça lui fait les pieds quand même. Merci pour la leçon, mais la loi dit quand même que l’accusé qui obtient gain de cause, a droit à cette indemnité. Sauf s’il a compliqué inutilement la procédure. En l’occurrence, mon client n’a rien compliqué du tout. Si on en est là, c’est parce que le Procureur a refusé de reconnaître son erreur, ce que vous avez constaté, et de la corriger, ce que vous avez implicitement admis.
Comme cette situation est parfaitement injuste, nous nous sommes donc adressés à l’autorité d’appel cantonale. Qui nous a envoyé sur les roses au travers du considérants ci-dessus. En résumé : votre client à raison, mais il n’avait pas besoin d’un avocat pour le démontrer.
Moralité : aux innocents les mains pleines, pour rester poli.
Le 13…
… où la vraie question à poser dans l’expertise incendie que propose le Parquet n’est pas de savoir si le feu a pris comme le décrit le rapport de la police, mais est-ce que l’intervention d’un tiers peut-elle – dans l’absolue – être complètement écartée ?
Parce que, bon, l’incendie qui a lieu deux jours après que notre client ait quitté les lieux, on veut bien, mais cela suscite tout de même quelques interrogations…
Le 14…
… où il faut laisser à César, ce qui est à César, et aux spécialistes des questions de prévoyance, ce qui relève de la LPP.
Cela dit, un « il faut proposer un plan carré » ??? Je m’interroge… Kézaco ?
Le 15…
… où troisième déplacement en train ces dernières semaines, trois fois retard !
Là, arrivée à Zurich avec 25′ de retard. Du coup, la correspondance pour Vienne est loupée et induit 2 h de retard sur le programme pour cette destination.

Les trains suisses, autrefois réputés pour leur ponctualité, se mettent au diapason de l’imprévisibilité judiciaire dirait-on…
Le 18…
… où cette chanson, écrite à l’époque des valises diplomatiques, n’a pas pris une ride.
« J’ai voulu me racheter / Mais voilà, j’étais trop cher »
Le 19…
… où, OK, une instruction pénale n’a rien à voir avec un épisode des Experts, en particulier en terme de célérité. Mais, tout de même.
Audience d’instruction dans une procédure d’abus sexuel présumé. La plaignante n’est pas vraiment sûre, elle a des doutes sur ce qui s’est effectivement passé cette soirée-là, nous dit son avocate. Elle ne veut pas accuser à tort. D’autant qu’elle était passablement bourrée la nuit en question, tout comme notre client et son copain, invités chez elle pour une « after ».
Et, donc, 2 ans ( !) plus tard, nous ne sommes guère plus avancés. Mais, ce matin, la police nous sort de son escarcelle un paquet de préservatifs que la plaignante aurait retrouvé, au moment de son déménagement, coincé derrière son lit. Sauf qu’elle a déménagé juste après les faits, en 2019 donc. Et c’est seulement aujourd’hui qu’elle nous parle de cet objet fort opportunément retrouvé ? Non, elle l’avait transmis aussitôt à son avocate, qui avait signalé immédiatement la découverte au Procureur en charge du dossier. Celui-ci a donc attendu 2 ans avant de s’y intéresser. Pourtant, il s’agit-là d’un élément de preuve qu’on ne peut considérer a priori comme inintéressant dans ce contexte.
Le conseil du jour, chers Confrères, est donc d’utiliser des polices de caractère beaucoup plus grandes dans vos réquisitions au Ministère public par ce que, soit le Parquet a des problèmes de vue, soit il ne lit pas les courriers des avocats…

Le 22…
… où l’on sent planer un parfum d’Agatha Christie sur le drame qui a frappé le tournage du western Rust. Alec Baldwin aurait tué jeudi par balle, vraisemblablement par accident, la directrice de la photographie et blessé le réalisateur du western qu’il était en train de tourner dans l’Etat américain du Nouveau-Mexique, a annoncé la police locale.
Voilà qui rappelle Hercule Poirot. Une star hollywoodienne, personnage cher à Agatha, impliquée dans ce qui a tout l’air d’un accident. Mais en était-ce vraiment un ? Poirot n’aurait pas tardé à découvrir que la victime cachait un lourd secret ou une aventure avec la star. Un mari trompé, donc un mobile. Aaaah, que de perspectives qui pourraient servir de story board à un whodunit.
Donc, laissons-nous emporter par le charme d’une murder party avant que la réalité d’une bourde tragique de l’accessoiriste ne nous rattrape…
Le 25…
… où ce fut une journée d’avocat, comme dans les séries hollywoodienne.
L’affaire est pliée le temps d’un épisode.
Client – trop – tardif à venir consulter (on ne le répètera jamais assez, n’attendez pas que le rafiot prenne l’eau de toutes parts, avant de faire appel à un homme de loi). Délai obtenu in extremis à 12h00 pour transmettre notre position à la partie adverse et 15h00 pour déposer une écriture au Tribunal.
Rédaction à l’arrache, relecture, appel au client pour les pièces manquantes, et finalisation du mémoire durant la matinée. Première conférence téléphonique houleuse avec la partie adverse vers 15h15.

On va au procès semblerait-il. Puis, nouvel appel de sa part, plus constructif cette fois, 30 minutes plus tard (peut-être ont-ils finalement tout lu et mesuré les risques ?). Client joint en fin d’après-midi. Examen des positions respectives et de la marge de manoeuvre. Elaboration d’une contre-proposition cohérente. Nouvelle conférence téléphonique entre les mandataires. On finit à une encablure. Rendez-vous demain matin à la première heure en audience pour finaliser (en principe) !

Le 26…
… où le Tribunal de la Comté ne craint pas les amalgames douteux ou les mauvaises plaisanteries avec le système instauré pour séparer le bon grain de l’ivraie, pardon pour séparer les vaccinés des scrofuleux.
Si vous présenter votre certificat de vaccination à la réception, vous recevez un macaron jaune (qui tient plutôt du postit) et êtes autorisé à tomber le masque dans les pas perdus et dans les salles d’audience.
Donc, pour ne pas à avoir à subir de contrôle, il faut se balader avec un macaron. Si, si. Personne ne s’est dit que, peut-être, on pourrait au moins choisir une autre couleur que le jaune… Bref…
Et bien sûr, qui c’est qui n’a pas lu l’annonce à ce sujet, scotchée sur la vitre de la réception, et s’est donc pointé en audience avec son masque, avec l’autre confrère à découvert qui vous balance avec un clin d’oeil « pas d’étoile jaune ? » Hein, à votre avis ?
Et à qui le Juge lance un « Alors, pas vacciné Maître ? »
– Euh si, si, mais je n’ai pas été informé de cette pratique du macaron.
– Dommage. Bon, commençons…
– D’accord, mais, si je suis vacciné, au moins puis-je enlever mon masque pendant l’audience ?
– Non, vous n’avez pas de macaron jaune…
Le 27…
… où, changement de greffe, changement d’ambiance covidique. Tiens, ce mot pourri rime avec Mody Dick ! Joli métaphore, isnt’it ?

Aujourd’hui, c’est audience d’instruction au MP, un dossier difficile. En marge d’une procédure civile de bail entre un deux châtelains reclus dans leur monde (leur château) et leur ancien gardien (notre client), encore que le terme de « gardien » soit un brin galvaudé, les deux parties se déchirent depuis des années à coup de plainte pénale.
– Ceux qui sont vaccinés peuvent tomber le masque, annonce le Procureur, les autres, vous savez quoi faire…