Novembre…

… où l’on démarre, le Jour des Morts, avec cette nouvelle pépite de l’inusable Leonard Cohen You want it darker. Le vieux sage et sa voix caressante donne le La de ce mois qui s’annonce égal à lui-même, glaçant, brouillardeux, humide, pour que l’on mérite Décembre.

Le 1er…

… où Leonard occupe le terrain à lui seul. No problem, ’cause

I love to speak with Leonard / He’s a sportsman and a shepherd / He’s a lazy bastard / Living in a suit

But he does say what I tell him / Even though it isn’t welcome / He just doesn’t have the freedom / To refuse

He will speak these words of wisdom / Like a sage, a man of vision / Though he knows he’s really nothing /But the brief elaboration of a tube

Going home / Without my sorrow / Going home / Sometime tomorrow / Going home / To where it’s better / Than before

Going home / Without my burden / Going home / Behind the curtain / Going home / Without the costume / That I wore

He wants to write a love song / An anthem of forgiving / A manual for living with defeat / A cry above the suffering / A sacrifice recovering / But that isn’t what I need him / To complete

I want him to be certain / That he doesn’t have a burden / That he doesn’t need a vision / That he only has permission / To do my instant bidding / Which is to say what I have told him / To repeat

Ce sera donc lui le Nobel du jour…

Le 2…

… où notre jeune Padawan, Me Dawn, a eu droit à cette merveilleuse déclaration lors d’un rendez-vous avec un client en vue de préparer sa comparution.

– Me, si demain, devant le Juge, je ne parviens pas à garder mon calme, promettez-moi que vous me tiendrai la main, ma psy m’a dit qu’il n’y a que ça qui marchera !

Le 3…

… où, alors que l’on écoute l’accusé tenter (maladroitement)  de se justifier ses actes avec ses mots à lui, en observant le Juge lui jeter un regard torve, on repense à cette citation de Juan Ruiz de Alarcon Dans la bouche d’un menteur, toute vérité est suspecte…

Le 4…

… où l’on préfère encore les références littéraires à la jurisprudence pour conseiller au client, mal pris, qui rechigne à signer l’accord que la partie adverse accepte bon gré mal gré, histoire d’en finir, en paraphrasant Machiavel : En politique, le choix est rarement entre le Bien et le Mal, mais entre le pire et le moindre mal (Le Prince).

En matière de transaction judiciaire, aussi… souvent…

 

Le 7…

… où l’on se retrouve au Tribunal de bonne heure pour une affaire de succession. Querelles de famille, donc toujours des dossiers teintés d’émotion.

En pleine audience, l’un des demandeurs prend la parole et commence à astiquer sérieusement  l’avocat de la partie adverse qu’il accuse de tous les maux. Vous devinez qui se cache derrière cette robe ?

Il se perd dans des digressions sans grand rapport avec l’objet de la séance et, qui plus est, ces propos sont contradictoires, ce que ne manque pas de lui faire remarquer le Président. A un moment donné, il commence sa phrase en disant : « Est-ce que MeFaire pourrait nous expliquer comment… bla-bla-bla… ? »

– Aucun problème, cher Monsieur, c’est très simple…

– Ah, mais, laissez-moi parler tout de même ! ! !

Éclat de rire général, surtout du Président qui lui fait remarquer qu’il pourrait me laisser répondre à la question qu’il vient de poser…

Dehors, il neige à pattes.

Le 8…

… où l’on examine sous toutes ses coutures un rapport d’expertise dans un dossier de construction, avec une lampe frontale.

Jusque-là, rien de spectaculaire (sauf pour la lampe frontale, on y arrive), ce d’autant que l’expert va plutôt dans notre sens en relativisant totalement les défauts dénoncés par le propriétaire de la maison, prétendant que son toit allait s’écrouler sur sa tête, tout ça pour quelques malheureuses fissures.

Non, ce qui retient l’attention dans ce dossier, c’est qu’il a été ouvert à fin 2010. Bon, une affaire qui dure depuis 6 ans, cela n’a – malheureusement – rien de franchement exceptionnel, surtout en procédure civile.

Arrêtons de tourner autour du pot, ce qui est tout à fait particulier dans cette procédure, c’est qu’elle a été introduite juste avant l’entrée en vigueur du nouveau Code de procédure civile, le 1er janvier 2011. Donc, en vertu du droit transitoire, qui règle les questions de passage d’une ancienne législation vers une nouvelle, cette affaire est toujours régie selon l’ancien Code de procédure civile local, enterré avec les honneurs le 31 décembre 2010, sauf pour les affaires déjà pendantes.

On ne peut s’empêcher de penser que le Confrère, représentant le propriétaire, un avocat fort d’une trentaine d’années d’expérience, s’est dit :dépêchons-nous de déposer notre action avant la fin de l’année, pour que la procédure se déroule sous le régime de l’ancien droit, que je connais (du moins à l’époque) sur le bout des doigts. Sauf que, pour différentes raisons – en particulier on a poireauté pratiquement 2 ans en attendant que l’expert soit enfin en mesure de déposer son rapport – nous sommes maintenant plus de 5 ans après l’entrée en vigueur de la nouvelle procédure. Les anciens réflexes ont disparu. Maintenant, plus personne, Président, avocats, greffiers ne se rappellent les subtilités des anciennes dispositions régissant la marche du procès.

Moralité : à chaque épisode de cet interminable procès – qui, soit dit en passant, va tourner en eau de boudin pour le propriétaire qui réclamait un demi-million, alors que l’expertise reconnaît à bien plaire une vingtaine de milliers de francs de retouches et de coups de peinture ici et là – donc, chaque fois que l’on rouvre ce dossier, il faut prendre sa lampe frontale pour aller creuser aux archives et dépoussiérer un vieux code, histoire de savoir de quoi il en retourne.

Parfois, le métier d’avocat tourne à la paléontologie. Quand on vous dit que le droit mène tout…

Le 9…

… où l’on se rend compte de bonne heure ce matin que l’on s’est couché dans le monde des Bisounours et que l’on se réveille dans la réalité : la plupart des gens, les Américains ne font pas exception (on s’en doutait, mais à ce point, quand même…) aime les discours excités populistes, sexistes, nationalistes, racistes, etc. etc. et ceux qui les prononcent.

Pas besoin d’avoir un pays en crise absolue, comme l’Allemagne d’avant-guerre. La nature humaine est ainsi faite. Les élections américaines le démontrent.

L’être humain est comme ça. Le discours extrémiste lui plait, même s’il se gardera bien de l’avouer publiquement. Mais dans le secret d’une alcôve…

Et que croyez-vous qu’il se dit pendant les délibérations secrètes d’un Tribunal ?

Le 10…

… où l’on vit une aventure inédite, plaider devant sa propre fille de 11 ans !

Non, il ne s’agit pas d’une délinquante précoce ni d’une victime de la folie ordinaire, mais juste d’une écolière venue, comme d’autres découvrir le métier de ses parents. L’école buissonnière didactique en quelque sorte.

L’audience consacrée à la désignation d’un expert promettait de ne casser aucune brique et le Président avait d’ailleurs averti le jeune public que les débats allaient être assez techniques.

Finalement, il avait sous-estimé la capacité des êtres humains à compliquer les choses simple. Les passes d’armes entre les deux parties donnèrent lieu à quelques tirs nourris de part et d’autres.

Ce qui n’a pas échappé à cette jeune spectatrice…

– Papa, tu as une grosse voix quand tu parles, comme quand tu nous gronde… Tu avais l’air énervé contre le Monsieur qui parlait aussi. Pourquoi ? Il a fait une bêtise ?

– Mais non ma chérie… Suivent quelques explications alambiquées sur le sens de la Justice, du droit, de la bonne foi, des experts, des assurances, etc.

– C’est bon, j’ai compris Papa, vous n’êtes pas d’accord !

Quand on dit que la vérité sort de la bouche des enfants…

Le 11 …

… où l’on était à mille lieues d’imaginer que le « La » avec lequel on a entamé ce Novembre sonnerait finalement comme une oraison funèbre (cf. le 1er ci-dessus).

Quelle triste journée que celle-ci, où l’on apprend que la musique a encore perdu un de ses plus dignes représentants.

So long Leonard. Tu resteras celui chez qui on trouveras souvent une réponse en forme d’ellipse musicale et poétique à ce monde qui ne cesse de nous interpeller (et pas souvent en bien).

There is a crack in everything
That’s how the light gets in

Le 14 …

… où notre quotidien préféré @laliberte (Mâtin, quel journal) se fend d’un billet d’humeur vantant les bienfaits à se rappeler de temps à autre de Jean Gabin, parce qu’il nous venge des cons !

Noyé par l’absurdité de certaines correspondances fraîchement délivrées par la postière qui, fidèle à son habitude, a enfoncé la porte de l’Étude, avant d’appuyer sur la sonnette, on se prend à se remémorer (merci Youtube) quelques morceaux de bravoure de cet acteur magnifique.

Un singe en hiver, mon préféré, où il invite Belmondo, avant qu’il ne soit Bébel, à s’en jeter un dans la cambuse en haut de la dune :

Les gastronomes disent que c’est une maison de passe et les vicelards un restaurant chinois.

 Le 15…

… où il est permis de s’interroger sur le bien-fondé des récriminations récurrentes de l’ordre judiciaire quant à l’engorgement dont il serait victime.

Dans ce débat, où les politiques hésitent à s’engouffrer, car le sujet n’est pas très rapporteur de votes, d’aucuns pointent du doigt les avocats, coupables selon eux de multiplier les interventions inutiles, dans le seul but de pouvoir facturer des honoraires sur le dos des pauvres clients.  Braves gens. Il est toujours édifiant de constater que les juges qui se font l’écho de ce genre de clichés sont souvent d’anciens avocats… En prônant cette image, peut-être se regardent-ils dans le miroir de leur ancienne profession ?

Le sujet du jour sera donc une démonstration par l’absurde (et je suis poli !) qu’un soupçon de bon sens et d’esprit pratique ne nuiraient pas à la bonne marche du Palais et contribuerait largement à une saine administration de la Justice.

Le merveilleux homme de robe dont vous suivez les aventures trépidantes au travers de ce blog a adressé ce lundi un téléfax à un Président de Tribunal, disant en substance à peu près ceci :

… Je suis consulté par l’intégralité des membres d’une copropriété, soit 8 personnes, lesquelles rencontrent des problèmes avec l’entrepreneur qui a construit leurs habitations. Ils demandent l’élimination des nombreux défauts qui leur pourrissent la vie depuis maintenant 3 ans. En 2013, trois d’entre eux vous ont saisi d’une requête tendant à établir l’existence de ces défauts. Vous avez statué dans ce sens. Étant donné que mon dossier n’est pas complet, car il manque un certain nombre d’informations liées à cette procédure de 2013, je vous remercie de mettre à ma disposition le dossier qui se trouve dans vos archives. À toutes fins utiles, je joins au téléfax les procurations nécessaires. Avec l’expression de ma considération bla bla…

Précisons qu’il s’agit là d’une démarche tout à fait usuelle. L’utilisation du téléfax sert à gagner un temps souvent précieux. Depuis que votre serviteur exerce ce merveilleux métier, soit depuis l’invention du téléfax (non, je rigole !), jamais il n’a rencontré de problème en procédant de la sorte.

Hier, durant toute l’après-midi, impossible d’atteindre le Greffe par téléphone, soit ça sonnait occupé, soit on ne répondait carrément pas. Le service public dans toute sa splendeur !

Ce matin, le secrétariat appelle à nouveau le tribunal et, ô miracle, quelqu’un daigne répondre. Par contre, l’accueil laisse à désirer. La secrétaire du Président répond vertement que celui-ci n’accepte bien évidemment pas une demande adressée par téléfax, qu’il faut la refaire et l’acheminer par courrier postal ordinaire. Mais ce n’est pas tout ! Le Président considère que le libellé de la demande d’accès au dossier ne va pas, car nous n’avons pas indiqué nommément les trois personnes concernées par la 1ère procédure, mais uniquement celui de la PPE ! En outre, la situation n’est pas du tout claire, car il n’est pas démontré que tous mes clients puissent avoir accès à ce fameux dossier, puisque certains n’étaient pas concernés par la procédure antérieure !

On respire, on se calme et on tente d’expliquer que c’est bien la première fois qu’une fin de non-recevoir est adressée à ce type de demande, que, si tous les propriétaires agissent de concert, forcément cela couvre aussi les 3 concernés par la procédure initiale, mais que, pour arranger tout le monde et faire au plus vite, on propose d’amener ce matin par porteur au Greffe l’original du téléfax et l’ensemble des procurations où figurent notamment les trois pionniers.

« Vous devez quand même faire une nouvelle lettre, et si vous venez, il n’est pas du tout sûr que l’on vous permettra d’avoir accès tout de suite au dossier, le président doit réfléchir et statuer sur la question… »

Voilà comment on s’ingénie à compliquer la vie des braves avocats ! Non, là encore, je plaisante. Aucune fixette sur le spleen des gens de robe face à l’inertie de la bureaucratie. Mais quand même, soyons réalistes. Avec de telles pratiques chicanières, uniquement destinée à faire preuve d’autorité (mal placée), histoire de montrer qui est le chef, on se retrouve à faire 2 fois, voire 3 fois, le même travail sans la moindre justification objective que celle de satisfaire aux caprices d’un magistrat peu inspiré.

Dire qu’un tel formalisme est lamentable, c’est encore rester poli. On se demande bien quelles qualités de bon sens et de recul l’habitent et comment réagira-t-il au moment où justement ces qualités seront nécessaires pour trancher un litige rapidement ou amener les parties à trouver un terrain d’entente, raison principale pour laquelle il devrait – en principe – avoir été élu ?

Ce coup de gueule peut paraître futile, voire même tout aussi ridicule que le « c’est moi qui décide et j’ai le pouvoir de vous emm… ne l’oubliez pas ». Au-delà de ça, il y a une administration judiciaire qui ne cesse de se plaindre, en persistant à se croire au-dessus du contribuable.

Comme les avocats sont tenus, par leurs us et coutumes et sous peine de sanction, de s’adresser aux magistrats avec respect et déférence, certains Juges en profitent pour se comporter comme des roitelets, au lieu de forcer le respect par leurs qualités supposées être au-delà de la norme. Rassurez-vous braves justiciable, c’est la cas pour la plupart. Mais peut-être l’attention des autres devrait être attirée sur le fait que le respect, ça se gagne…

Le 16…

… où, de bon matin, notre brave secrétaire s’arme de courage et rappelle le Greffe pour savoir si la correspondance demandée la veille pour permettre – enfin ! – l’accès au dossier archivé de la PPE est bien arrivée à destination et si l’on peut enfin venir chercher ce fichu dossier.

Réponse affirmative et tout à fait aimable. Notre jeune padawan Me Dawn se met donc en route.

Au Greffe, on lui donne le dossier avec le sourire. Pour le retour ? Pas de problème, nous ne sommes pas pressés, faites à votre rythme. Merci, bonne journée !

À peine est-elle de retour que le fax crépite – vous savez ce moyen de communication inadmissible selon certains (cf. Le 15 ci-dessus). C’est justement notre Président qui se plaint du ton acrimonieux de ma seconde correspondance (zut, faudra rappeler au dictaphone de ne pas laisser filtrer les ondes négatives !). En bref, il en conteste le bien-fondé et les propos tenus en précisant que, durant l’échange téléphonique entre nos deux secrétariats, il se tenait comme par hasard à côté du téléphone et que de tels propos n’ont jamais été tenus !

Commentaire éclairé de notre gardienne du secrétariat : « Si j’ai raconté n’importe quoi, je me demande bien pourquoi ce matin la secrétaire était tout à coup aussi aimable avec moi au téléphone… ???

Poser la question, c’est y répondre…

Affaire classée, mais bon sang, qu’est-ce qu’il faut s’énerver pour des bêtises pareilles…

PS : aujourd’hui, la barre des 10’000 vues a été franchie sur http://www.maitrefaire.ch !!! Un grand merci pour votre intérêt et votre fidélité.

Le 17 …

… où l’on assiste à la démonstration #338 que le client peut – parfois – s’avérer rédhibitoire pour sa propre cause.

Comme lorsqu’il envoie lui-même in extenso à la partie adverse par mail le courriel de notre crû, où on lui proposait un projet de mise en demeure AVEC juste en dessous un certain nombre de commentaires sur le bien-fondé de sa position ET une liste des arguments qui pourraient lui être opposés, dont certains ne seraient peut-être pas de la roupie de sansonnets…

dasboot

Torpedo, los….

Le 18 …

… où, comme dirait Ségolène, nous voici en pleine « perplexitude ».

Il s’agit d’une affaire matrimoniale, où, entre autres détails bassement matériels, il s’agit de régler aussi la question du droit de visite sur les enfants, point sur lequel les parties ne sont- là aussi – pas vraiment d’accord, pour différentes raisons, bonnes ou mauvaises, peu importe.

Depuis quelques années, le droit oblige le juge à entendre les enfants, s’ils sont assez âgés pour comprendre les enjeux. Et s’il faut 18 ans pour pouvoir écraser les piétons, 16 ans pour picoler, 12 ans pour aller voir Massacre à la tronçonneuse sans chaperon, 6 ou 7 ans suffisent pour dire si on préfère papa ou maman…

Depuis l’entrée en vigueur de cette audition « forcée », imaginée à nouveau par de brillants penseurs universitaires, certes soucieux du bien commun, mais à 100 000 lieues des réalités du terrain, seul un nombre minimum de procédures ont vu cette audition apporter des éléments nouveaux et vraiment déterminants à la problématique du droit de visite. La plupart du temps, l’audition des enfants confirmait ce que tout le monde savait déjà. Par contre, à chaque fois, les enfants étaient placés devant un véritable conflit de loyauté, parfois insolubles. Parce qu’il est inimaginable qu’à l’approche de la date fixée pour l’audition des bambins, l’attitude des parents varient et qu’ils ne lâchent pas ça et là quelques remarques inopportunes. N’est pas Dolto qui veut…

Voilà donc d’où vient cette soudaine perplexitude, teintée d’un certain courroux, forcément. Parce que, là, on prend les enfants du Bon Dieu pour des canards sauvages. Nous recevons en effet une lettre d’un juge nous informant de manière lapidaire avoir entendu le frère et la sœur. Le frère ne souhaite pas que ses déclarations soient connues de ses parents. La sœur, accepte uniquement que ces déclarations soient transmises à sa mère, la partie adverse. Donc, ce merveilleux magistrat nous informe transmettre une copie des déclarations de la fille à sa mère. Point. Merci et bonne journée.

Pas besoin d’être grand clerc pour comprendre que quelque chose cloche.

Tout d’abord, cette audition est réglementée de manière très claire. Les 2 parties doivent recevoir au minimum un résumé des déclarations de l‘enfant. Ensuite, ce juge, pourtant nourri au sein de l’égalité de traitement entre les parties, puisque cela fait partie de la formation de base du plus obtus des juristes, alors vous pensez… un président !, eh bien, cela ne l’a pas effleuré une seule seconde qu’il ne pouvait pas transmettre une information à une partie, information qu’il cachait à l’autre.

Sans compter qu’il ne s’est vraisemblablement pas imaginé une seule seconde dans quelle situation il plaçait les mandataires faces à leurs clients. De notre côté, où nous ne recevons pas la moindre indication, nous allons devoir faire face à un client qui va s’insurger – à juste titre – sur l’injustice de cette décision. De l’autre, mon Confrère se retrouve avec un document qu’il ne peut pas utiliser, puisque nous ne pouvons pas en avoir connaissance selon le juge. Par contre, sa cliente va lui mettre la pression pour qu’il se serve de cette information contre nous.

Bref, kafkaïen comme situation.

Il ne reste donc plus qu’à écrire au tribunal pour demander qu’on remette l’église au milieu du village en communiquant aux 2 parties un résumé de ce qui s’est dit et en demandant de retirer de la procédure la pièce transmise initialement.

Et c’est ainsi que l’on arrive avec quart d’heure de retard à l’apéro du vendredi, ce qui relève bien entendu de l’arbitraire le plus crasse….

 Le 21 …

… où, pour tromper le spleen existentielle d’une morne journée passée à répondre au téléphone, on s’offre quelques instants de détente devant le petit écran pour regarder la nouvelle fiction télévisuelle Munch incarnée par la pétaradante Isabelle Nanty.

Bon, la plupart des clichés sur la profession d’avocat y sont. Mais, ce qui offre une surprise bienvenue, ce sont les acteurs, plutôt bons dans leurs rôles inévitablement stéréotypés, et certains dialogues déjantés.

munch

– Munch, je te présente notre nouveau collaborateur, le fils de notre plus gros client.

– Ah, c’est vous le pistonné ?

– Je te rappelle quand même que c’est son père qui fait bouffer le cabinet !

– Oh, tu sais, moi, je mange très peu. Et si tu me dis le contraire, je t’en colle une.

Bref, ça passe plutôt bien, avant de retourner au taf. Et, d’ailleurs, Munch pense la même chose.

– La journée a été longue. Tu viens boire un verre, Munch ?

– Non, c’est gentil, tu vois, j’ai encore de la lessive à repasser, en désignant la pile de dossiers sur son bureau.

Des clichés certes, mais pas toujours.

 Le 22 …

… où « Toutes les hypothèses sont ouvertes, y compris celle de n’avoir aucune volonté de trouver une solution amiable. » est élue à l’unanimité phrase du jour !

Elle émane d’un client, remonté à juste titre contre la partie adverse qui lui a joué un tour de cochon et qui a eu ensuite le culot d’ouvrir action en réclamant un demi-million de dommages et intérêts pour des malfaçons. Rien que ça !

Aujourd’hui, nous recevons une expertise sur les prétendus défauts du bâtiment du tard, expertise concluant que, si on veut bien chercher des poux parmi la paille, il y a peut-être Fr. 20 000 de coups de pinceau et de rustines à effectuer çà et là, mais que pour le reste, tout est en ordre.

Alors notre brave client attend de pied ferme toute velléité de la partie adverse de trouver maintenant un terrain amiable, alors que les frais (tribunal, avocat, expertise, etc.) sont 3 à 4 fois supérieurs aux broutilles dénichées par l’expert.

Et on ne saurait lui donner tort…

Le 23 …

… où, une fois encore, la conception du management dans la fonction publique ne laisse pas de surprendre.

Nous parlons d’une procédure qui accumule la poussière des Tribunaux depuis 7 longues années. Cela parle de défauts de construction. 3 gros classeurs débordants d’écritures contradictoires, de rapports d’experts, de demandes de récusation, bref, toute la panoplie d’incidents de procédure y est passée.

Et aujourd’hui, alors que nous sommes dans les starting block pour aller enfin (!)  plaider devant le second Tribunal désigné volontaire (eh oui, le 1er s’est désisté au profit d’une Juge nouvellement nommée au motif que, comme ça, on avancera plus vite), on nous informe que le dossier a été transféré – sans nous demander notre avis- à la Cellule itinérante, soit un Juge spécialement nommé il y a peu pour débarrasser les Tribunaux de la Comté des cadavres traînant dans leurs placards, empêchant de rendre la Justice dans des délais « raisonnables ». Bon, quand on sait que le droit à ses raisons que la raison (trop) souvent ignore, raisonnable ne veut pas dire grand chose, mais c’est l’intention qui compte.

Là, on peut tout de même s’interroger sur ce brillant choix stratégique de transférer à la Cellule un mastodonte, déjà traversé par deux magistrats et dont le second n’avait plus rien d’autre à faire que de convoquer les parties, les entendre et… rendre son jugement. La fameuse Cellule – dont on espère que toutes les grises soient au rendez-vous, ça aide parfois – n’aura donc pas d’autre alternative que de tout reprendre à zéro. L’ordre judiciaire aura ainsi fait trois fois le travail (au lieu d’une). Et dans plusieurs mois, on se retrouvera exactement au même stade.

Quand on veut que quelqu’un sorte la tête de l’eau, en général, on garde pour soi les nouveaux dossiers, histoire de le laisser régler le sort de ceux qu’il a déjà dans ses bacs.

Le 24 …

… où l’on est ni plus ni moins un fils indigne et un avocat qui n’a aucun respect pour les cheveux blancs.

Voilà, c’est dit. Honte sur moi. Et aucune excuse digne de ce nom, même si…

D’abord, on passe 3 heures à essayer de convaincre mère de laisser les spécialistes (garagistes, techniciens, personnel communal, etc…) exercer leur métier en paix et leur laisser une chance de faire juste, avant de les traiter de foutriquets qui ne connaissent rien. Fils indigne donc, mais ma chère maman n’a pas internet qui n’est bon – comme chacun sait – qu’à propager des ondes néfastes pour le cerveau, donc les risques qu’elle lise ce blog et me déshérite dans la foulée sont faibles. Pardon maman et… ne caftez pas hein ?

Ensuite, on arrive enfin au bureau. Là, vous voilà assailli derechef par une contemporaine de mère. 20 minutes pour tenter de remettre l’église au milieu du village en dissipant un malentendu qui n’existait pas il y a 21 minutes.

Et… paf ! La bourde. Cette interpellation lâchée au comble du désespoir, tel Guy Bedos dans Un éléphant ça trompe énormément : « Mais mamaaaannnn… »

– Oups, zut, euuuuhhh pardon Madame, la fatigue sans doute.

– Ce n’est rien, c’est vrai que je pourrais être votre mère…

Le 25 …

… où l’ATS nous apprend de bonne heure que notre merveilleux Procureur général de la confédération, Michael Lauber, annonce tous azimuts que, ce matin, en vertu de son pouvoir discrétionnaire et divin, il a eu une illumination. Il souhaite inculper les dirigeants du Conseil central islamique Suisse.

Ce n’est donc pas une nécessité, parce que la situation l’exige. C’est juste un vœu pieux : il « souhaite » ! Selon le communiqué, le but de cette manœuvre hautement stratégique est de déterminer les ressources du Ministère public de la Confédération (MPC) pour lutter contre la propagande islamiste.

Bravo !

Ce brave garçon ne sait vraiment plus quoi faire pour redorer son blason. Pire, ce genre d’opération marketing à 2 sous risque de provoquer exactement l’effet inverse en donnant une tribune à ceux qu’il prétend vouloir combattre.

On peut se demander quelle mouche a piqué Michael Lauber ? Alors que son MPC croule sous les critiques (pas toujours infondées), que les procédures autour de sommes faramineuses, bloquées pour les besoins d’enquêtes déclenchées sans avoir le début du commencement de la preuve d’une infraction s’éternisent, il s’engage dans une voie pour le moins hasardeuse en annonçant non pas que ses sbires enquêtent sur des faits avérés, constitutifs d’infractions, mais qu’il « souhaite » savoir s’il peut poursuivre des islamistes, des salafistes, des intégristes, peu importe… Peut-on les poursuivre ?

La belle question ! Parce qu’il n’est nul besoin ici de discuter du bien-fondé de telle ou telle idéologie.

On ne peut que secouer la tête devant la naïveté (en est-ce vraiment ?) du Parquet fédéral qui s’engage sur le chemin hautement périlleux d’un hypothétique procès visant la liberté d’expression de groupuscules qui ne demandent que ça. Non seulement, tous les illuminés pourront s’en donner à cœur joie en se prenant pour des martyrs, mais, cerise sur le gâteau, si le MPC renvoie Blancho et consorts devant le Tribunal pénal fédéral à Bellinzone, il offrira une audience quasi internationale à cette équipe d’improbables barbus en mal de notoriété.

Alors oui, bravo !

Le 28 …

… où nous sommes « stupéfixé » par la subtilité du sens aigu de la Justice d’un procureur et du respect qu’il témoigne au passage pour la profession d’avocat.

L’instrument de son glaive vengeur est une banale ordonnance pénale de classement dans une procédure pour faux témoignage.

Un jeune chef d’entreprise s’est vu accuser de mensonge éhonté pour avoir témoigné au procès d’un ami qui contestait un excès de vitesse. Comme l’ami en question avait été reconnu coupable par le tribunal, celui-ci avait décidé en même temps que les déclarations du témoin étaient à l’évidence des balivernes. Dans la foulée, il avait donc transmis le dossier au procureur pour qu’il ouvre une instruction contre ce supposé charlatan.

Comme on ne badine pas avec une telle accusation, le témoin devenu prévenu a, comme il en avait parfaitement le droit, fait appel aux services d’un avocat. Devinez qui ?

Au cours de l’audience d’instruction, où le procureur a obligeamment transmis la patate chaude à sa greffière, nul besoin d’être devin pour comprendre de quel côté soufflait le vent. La plupart des questions commençait par : « Ne devez-vous pas admettre que… », signal à peine déguisé que l’opinion de l’accusateur public est déjà faite. Il a donc fallu batailler ferme pour finalement faire admettre qu’un témoin exprime ce qu’il a constaté et ressenti, la question de savoir si ses déclarations correspondent à la vérité telle qu’elle est conçue par le tribunal est secondaire, sauf si l’on est en mesure de démontrer que le dit témoin fait sciemment des déclarations contraires à ce qu’il a perçu.

Donc, notre client voit la procédure dirigée contre lui classée, puisque cette démonstration était à l’évidence impossible. Le procureur ne peut tout de même s’empêcher de faire remarquer qu’il peine à le croire (alors qu’il n’a pas assisté à l’audition, se contentant d’en lire le PV). Et, pour faire bonne mesure, c’est là qu’il sort sa baguette magique et frappe ce pauvre moldu de justiciable. Il conclut que l’indemnité prévue par la loi pour celui qui se voit acquitté lui sera en définitive refusé, parce que ses frais de défense sont à l’évidence « insignifiants ».

Seul un esprit chagrin comme celui de votre serviteur voit là une forme – subtilement – déguisée de sanction, puisqu’on fait tout de même supporter au prévenu relaxé – donc poursuivi à tort ! – ses frais d’avocat. Et ce n’est pas tout. En qualifiant au passage d’« insignifiants » le travail de l’avocat, soit le fait de prendre connaissance du dossier judiciaire, dans lequel était inclus le dossier de l’ami accusé d’excès de vitesse (une centaine de pages au bas mot), d’avoir rencontré son client pour qu’il expose sa version des faits, puis de l’avoir assisté durant l’audience d’instruction qui a duré près d’une heure, bref, des broutilles, ce magistrat témoigne de toute la considération qu’il a pour notre profession, dont le temps compte pour beurre à l’inverse du sien, et qui ne sert à l’évidence à rien, sauf à l’empêcher d’exercer à sa guise sa justice immanente, crime impardonnable qui mérite une sanction exemplaire !

Dont acte…

 Le 29 …

… où l’on se perd toute la journée dans des allers-retours téléphoniques entre mandataires d’un ex-entraîneur et son ex-club.

Proposition, contre-proposition, contre-contre-proposition, etc… et, finalement, ô miracle, un accord tombe en fin d’après-midi.

Ne reste plus qu’à le finaliser et, surtout, à le « confidentialiser » pour garantir la paix des ménages.

Ça aussi, c’est du sport…

Le 30 …

… où l’on est touché par l’attitude pleine de dignité de cette partie adverse qui vient, résignée, reconnaître sa défaite, qu’elle trouve injuste (elle n’a pas complètement tort), et payer son dû au beau milieu de l’après-midi.

Nous échangeons quelques mots. Puis, comme il faut bien en finir : Je vous prépare une quittance et un double de la Convention…

– Voilà l’argent. Vous pouvez compter… Comme vous voulez pour les documents. Si on ne peut plus faire confiance aux avocats…

 

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