août…
… où la météo quasi-automnale ajoute au spleen existentiel du retour de vacances
… où le Cercle compte un Poète Disparu de plus
… et le ciel une étoile de moins
Du 4 au 8…
… où je profite d’une Etude fermée, sans téléphone ni client, pour faire le ménage dans mon bureau…
… et il y a du boulot !
Le 11…
… lundi, le secrétariat vibre à nouveau, le téléphone grésille, le fax crépite…
… alors, ces vacances, c’était comment ?
Le grand cirque reprend de plus belle, sous une pluie battante…
Le 12…
… où il a fallu te dire adieu Ò mon Capitaine ! Mon Capitaine… tu as choisi Exit pour sortir de scène…
Gooooooooooodddddd Byyyyyyyyyyyyeeee Robiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiinnnnnnnnnnnnnn
… le 12, où il y a 5 ans mon père s’en est allé…
Sale journée décidément… Vivement le 13… Ah tien, il est minuit deux, j’y suis…..
Le 13…
… où je tente de résumer devant une caméra (étrangère), en quelques phrases s’il vous plaît, les tenants et aboutissants d’un dossier de plusieurs dizaine de milliers de pages. Trop facile les gars ! Surtout sous la pluie et quand il ne faut rien dire de rédhibitoire pour le client (étranger comme la caméra) qui a eu l’excellente idée d’ameuter la presse (qui tient la caméra) !
Sur le fond, il y a effectivement matière à critiquer les méthodes plus que douteuses du Ministère public de la Confédération, dont certains Procureurs sont passés maîtres dans l’art de faire passer le droit d’être entendu du prévenu pour une simple formule littéraire sans portée pratique. Mais bon, même si les journalistes flattent mon ego déjà surdimensionné, le sujet est casse-gueule.
Le 14…
…où il ne se passe pas grand chose de passionnant.
Le 15…
… où, terre catholique oblige, le monde s’arrête, sous une pluie battante.
Le 18…
… je dépose une duplique contenant 14 fois le mot « lixiviation » ! Kezaco ?
Selon le Littré en ligne, lixiviation nf, est une opération consistant à laver des cendres pour en extraire des sels alcalins ou d’autres constituants solubles. Quand on défend un agriculteur accusé (à tort, forcément !) de rendre l’eau d’une source impropre à la consommation, ce terme étrange et quasi-imprononçable sans un entraînement rigoureux résonne agréablement à mes oreilles.
Le 19…
… où je me rends compte lors d’un passage à la Sûreté que les avocats et les policiers la main dans la main pour résoudre une affaire, ce n’est pas pour demain…
… Me, vous devez nous dire ce que vous savez pour protéger votre client !
… Le secret professionnel, vous en avez entendu parler ? Mais je peux quand même vous donner une ou deux informations. Mais, vous, vous devez m’expliquer pour quels motifs vous recherchez mon client.
… Ah non, nous, on ne peut rien vous dire, nous sommes policiers.
Nous voilà bien avancés !
Le 20…
… où la cliente qui me balade depuis 6 mois pour le paiement de la provision demandée l’a enfin versée !
Tiens, il a arrêté de pleuvoir…
Le 21…
… où l’une de mes stagiaires a réussi du premier coup son exa du Barreau, donc forcément une chouette journée !
Le 22…
… où l’on tente de m’arnaquer non pas une, mais deux fois ! Un comble…
D’abord, il y a le téléfax de 8h43, d’une prétendue canadienne au prénom tout ce qu’il y de plus exotique, qui, après avoir loué Dieu de m’avoir trouvé, me demande mon aide pour camoufler USD 20’000’000 derrière des feuilles d’érable helvètes, moyennant un substantiel pourboire de 10%. Excusez du peu, mais les nigérians offrent plus, donc pas intéressé,,,
La seconde arnaque est plus tarabiscotée. Un soit-disant avocat de Tokyo, Takeshi Mukawa me contacte via Linkedin, pour me demander si j’accepte qu’il m’ajoute à ses contacts. Je réponds oui. Il m’envoie alors un mail me remerciant d’avoir accepté et il me dit qu’il a un dossier où la défenderesse s’est installée en Helvétie et voudrait savoir si je peux l’assister. Mais pourquoi pas, cher Confrère, et où est-ce qu’elle crèche votre donzelle et quel est la nature du problème ? Et alors je reçois ce message, accompagné de deux fichiers pdf en anglais : un « settlement » rédigé par un avocat californien à la retraite (j’ai vérifié, c’est bien le cas) et un « divorce agreement » :
Dear Counsel,
Thanks for message. My client ex-husband live in Switzerland right now. I want you to know that, my client and her ex-husband had a collaborative agreement, an out of court agreement after their final Divorce Decree, to pay my client Mikazuki Kamenosuke a one time cash settlement of $748,450.00 usd to his credit, he has paid me $148,000.00 usd but still owing $600,450.00 usd. Attach herewith is a copy of the Collaborative law agreement in pdf format for your review. I tried calling a couple of times and with the time difference (+13 hrs EST) it is a little bit difficult to gauge the best time to reach you.
The lawyer that represented my client is (Ms.Susan E. Hargrove) is retired now and I have not been able to make contact with her til date. As you know time is of great essence. As stated in the collaborative law agreement, I understand that any lawyer can represent both party when appropriate and needed. My client husband is aware of my intention to seek legal actions and I am yet to advise him I’m planning on retaining your firm.
If possible please send me a retainer agreement so that we can proceed. All the necessary information my client has given to you is what she can offer for now, once I receive a standard retainer from your firm, I will go through the agreement and I will get back to you within the next couples of days, I will also give your firm a call at my earliest convenience, I hope to hear from you soonest in this regards. .
Regards
Takeshi Mukawa
MORI HAMADA & MATSUMOTO
(Partner)
Within 23 wards, Tokyo, Japan,
Chiyoda-ku, Tokyo 100-8385
TEL:+81-3-5223-7553
FAX:+81-3-5223-7873
… joli non ? Comme je ne sais toujours pas où est logé la dame, j’entre Mikazuki Komenosuke dans l’annuaire internet. Inconnue au bataillon. Alors, j’essaie le truc de la dernière chance : Google. Et là, ô surprise, je tombe sur un site d’avocats californiens il me semble, qui mettent en garde leurs confrères ricains contre une arnaque. Je retrouve le mail ci-dessous presque mot pour mot, avec le coup du « je n’ai pas réussi à vous appeler à cause des 13 heures de décalage horaire » et « faites moi parvenir une demande de provision« .
Donc prudence, mes chers Confrères, si vous recevez un mail. Apparemment, les arnaqueurs (qui sont surement autant japonais que je suis poldo-moldave) tentaient leur chance en avril auprès d’avocats serbes, macédoniens ou bulgares, selon le site en question. La menace progresse semblerait-il…
Le 25…
… où je décide d’envoyer un jerrycan d’essence et un Zippo au client, convoqué par la police (voir le 19 ci-dessus), alors qu’il était à l’étranger. La Police ne veut pas me dire pourquoi (Il est prévenu, oui ou non ? Réponse : on veut l’entendre comme personne appelée à fournir des renseignements (ndlr : traduction : on ne sait pas encore si on va l’inculper). J’arrive à joindre le client à l’étranger, pour lui dire que ce serait peut-être mieux de rentrer. Lui, veut m’expliquer ce qui se passe au téléphone. Moi : Surtout pas, bouclez-là, vous êtes peut-être sur écoute. Quand vous êtes de retour vous m’appelez illico et vous venez de suite à mon bureau me raconter tout ça. Et, surtout, vous ne parlez à personne sans m’en avertir et, si c’est la police, vous demandez à ce que je sois présent, c’est votre droit !
En fin de journée, j’apprends par le frère de mon lascar, qu’il est bien rentré en Suisse et qu’il se présentera tout seul comme un grand au Poste demain à 9h00…
Moralité : une fois de plus, il est démontré avec une précision quasi-mathématique que ce métier serait beaucoup plus simple sans les clients…
Le 26…
… où j’accompagne gaillardement mon client improbable au Poste de police, pour y être entendu en qualité de quoi, on ne sait pas trop, après avoir fait annuler par le Procureur l’audience du matin pour violation des prescriptions procédurales.
C’est peu dire que la maréchaussée n’a pas apprécié que je vienne piétiner ses plates-bandes.
Aucune satisfaction particulière d’avoir obligé les pandores à respecter le code, mais moment plein de significations. Le commissaire a été remplacé par un inspecteur contre qui j’avais dû à l’époque porter plainte pour abus de pouvoir. Manière de me dire : tu sais mon coco, il y a plein de jeunes ici aujourd’hui. Ils apprennent le métier, mais moi, je ne t’ai pas oublié. Et avec le sourire s’il vous plaît.
Résultat des courses, on a strictement rien à reprocher à mon client, qui est considéré comme la victime d’un groupe de harpies venues de l’Est. Mais alors, si, dès le départ, vous saviez n’avoir rien à lui reprocher, pourquoi diable l’entendez-vous comme personnes appelées à fournir des renseignements et non comme victime ? J’attends toujours la réponse…
Le 27…
… où je retourne au Poste (décidément cela devient une habitude !). J’attends que l’on vienne me chercher à la réception. Suis absolument tout seul. Une porte s’ouvre. Une jeune inspectrice entre dans le hall. Son regard glisse sur moi. Elle regarde à gauche… à droite… secoue la tête… puis me regarde à nouveau. Oui, c’est moi l’avocat dis-je. Ah bon, j’pensais pas. Je tente un Désolé, j’ai laissé mon Armani au bureau. Sourire forcé : Excusez-moi Monsieur. Suivez-moi.
Bon, effectivement, je suis venu au pied levé. Jeans, mocassins, blazer rugby, foulard, sac à dos. L’habit ne fait pas le moine, je veux bien… Mais les idées préconçues des jeunes pandores laissent à désirer. leur sens de la formule de politesse aussi…
Et on s’étonne après que le vieil antagoniste entre les condés et les baveux a la vie dure !
Le 28…
… où les clients me demandent à 17h02 de faire annuler la séance de 8h30 demain matin avec Direction étatique, parce qu’ils viennent de se rendre compte qu’un membre de leur conseil est encore en vacances…
Je veux bien qu’il y ait parfois des surprises de dernière minute, mais là…
Bon, et de toute façon, à partir de 17h00, on oublie de trouver encore quelqu’un qui travaille à l’Etat !
Le 29…
… où j’annonce donc (cf. le 28) in extremis que mes clients demandent le report de la séance.
Pas vraiment énervé mon interlocuteur : Ah bon, c’est dommage, parce qu’ils sont déjà tous là en train de prendre un café. Je m’attends à ce qu’il me demande d’apporter les croissants. C’est presque ça. Dites vous voulez quand même pas venir Maître. Vous tout seul, ça ira vite comme ça !
C’est sur, mon lapin, c’est sur. Mais bon, là ça ne va pas le faire, désolé…
Devriez en faire un livre de ces quotidiens d’avocat, un poil plus caustique encore, ça ferait un tabac dans les gares et les aéroports, c’est drôle, ça détend, ça peut s’arrêter et se reprendre en route.
Si j’étais éditrice, je publierais.
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