November…
… où, comme un fait exprès, on commence sous la pluie. Ok, c’est facile – et, surtout récurrent – mais on ne s’en lasse pas. Let’s play Slash…
Le 1er…
… où nous y sommes, l’antichambre de 2022. La pluie – toujours – et son crépitement contre la vitre, les dossiers en piles imparfaites qui menacent de sombrer, la ToDoList qui s’allonge dangereusement.
Audiard disait, « à partir de novembre, pour les clochards, il n’y a plus que deux solutions : la Côte d’Azur ou la prison« . Et pour les avocats ? Le bistrot ou le tribunal ?
Le 2…
… où la mauvaise foi de certains clients cherchant un prétexte pour n’avoir pas à payer leur facture atteint parfois des sommets.
– Mêêêêêtre (voix aigre), vous avez mal fait votre travail en envoyant le dossier pénal de mon fils à la mauvaise autorité. Maintenant, il ne peut plus récupérer son permis !
– Madame, je vous rappelle que vous n’avez pas voulu que je m’occupe du volet pénal du retrait de permis. Je n’ai donc jamais pu transmettre un dossier que je n’avais pas. C’est le Procureur qui l’a transmis à son collègue de Lausanne et c’est normal.
– Ah… mais vous avez quand même mal fait votre travail, mon fils n’a toujours pas récupéré son permis !

Le 3…
… où les pessimistes diront qu’il n’y a pas de fumée sans feu. Et les optimistes diront … No comment !
Ahlala, mais où va Le Monde ?
Le 4…
… où c’est un de ces jours un peu trop long qu’on aimerait finir à deviser au coin du zinc avec le petit bonhomme à la casquette sur les cons, les nôtres, les autres…

… tant il y en a.
Le 5…
… où la fatigue commence à se faire sentir.
On s’entend dire à un géologue, avec qui on passe au crible un rapport d’expertise très peu convaincant que son auteur « a oublié de mettre des pelles et prendre une botte pour sonder le terrain. » Aouch !
Le 8…
… où l’on dépose un appel auprès du Tribunal cantonal (TC) de la Baie de Lôzan, dans une affaire qui nous tient particulièrement à coeur. Une personne à mobilité réduite, comme on les qualifie pudiquement, s’est vue privée d’accès aux transports publics de la Riviera (VMCV SA), soit-disant parce que son scooter électrique était 15mm trop long !
Sauf que personne n’avait donné de centimètres aux chauffeurs de bus pour leur permettre d’appliquer cette directive totalement discriminatoire. Vous êtes contrainte de vous déplacer en scooter électrique ? Eh bien, passez votre chemin, les bus ne sont pas pour vous. Qu’il pleuve qu’il neige ou qu’il vente, vous resterez sur le trottoir !
Ne pouvant plus aller faire ses courses ou se rendre chez ses médecins, notre cliente avait vu sa santé déjà extrêmement fragile décliner. Son médecin avait même attesté qu’elle s’était retrouvée en danger de mort !
Quelques mois plus tard, consciente de sa bévue, VMCV fait machine arrière. On s’est planté vous pouvez reprendre le bus, avec nos excuses !
Mais elle n’a pas eu la décence de reconnaître judiciairement son erreur.
Le Tribunal de Vevey a rejetté la demande d’indemnisation de notre cliente, considérant que la VMCV avait été certes maladroite, mais que c’était pour le bien et la sécurité de ses usagers qui n’ont pas un droit absolu d’accès aux transports publics. Sauf que ce n’était pas ce qu’avait écrit la VMCV dans sa Directives aux chauffeurs.
Espérons que le TC saura apprécier à sa juste valeur les explications embrouillées et les excuses embarassées de la VMCV.
Le 9…
… où c’est l’histoire d’un piratage informatique.
Il est tard dans la salle de conférence où l’on prépare l’audience du lendemain avec le client. Laptop ouvert pour passer en revue les pièces du dossier. Soudain, le pointeur de la souris s’agite, sans que l’index n’effleure le pavé tactile. Bizarre.
On reprend le contrôle du pointeur et la discussion se poursuit.
Quelques minutes plus tard, rebelotte ! Cette fois le pointeur clique sur une application de la barre des tâches, qu’il ouvre, puis continue d’errer sur l’écran, sans que je ne touche rien.
Bon sang, mais c’est bien sûr ! Un vil pirate du web tente de prendre le contrôle de mon PC ! Fermeture immédiate de la bécane et on poursuit avec le client la discussion sur le papier, avec la désagréable sensation de celui qui se croit espionné.
Sur le chemin du retour vers mes pénates, je raconte cette aventure à ma compagne qui m’attendait avec MiniFaire. Il faut que j’appelle notre informaticien pour qu’il vérifie si tout est en ordre avec mon Surface…
– Euh, je crois qu’il y a une autre explication. Tu as laissé la souris dans ton bureau et MiniFaire a joué avec…

Le 10…
… où l’affaire pénale qui nous occupe aujourd’hui n’est pas banale. Il est en effet rare d’entrer dans une salle d’audience où la question est avant tout de savoir si l’accusé était présent sur les lieux de l’infraction qu’on lui reproche.
Une route de campagne la nuit au sortir d’un village endormi. Trois heures du matin, un groupe de jeunes fêtards traverse. Deux d’entre eux se font renverser – heureusement sans gravité – par un véhicule surgit de nulle part et qui disparaît aussitôt.

Pour la police et le Procureur, cela ne fait pas un pli. C’est notre client qui était au volant. L’intéressé conteste.
Quels sont les arguments de l’accusation ?
- les témoins ont décrit un véhicule bas en sombre, comme celui de notre client (appelons-le David Vincent);
- l’un d’eux aurait (le conditionnel est de mise, vous verrez) identifié les trois premiers numéros de la plaque minéralogique;
- le véhicule est passé 4 jours après les faits à la carosserie, pour réparer des dégâts à l’avant, dégâts compatibles avec un heurt avec des piétons selon le rédacteur du rapport de police;
- donc, quand David Vincent dit qu’il a heurté un chevreuil en traversant un bois, lorsqu’il se rendait à son travail, il ment.
Parmi les nombreuses interrogations que suscitait le dossier de l’instruction :
- vu le nombre de véhicules similaires circulant dans la Comté, comment est-on arrivé 6 semaines plus tard à accuser David Vincent ?
- qui a identifié les 3 premiers numéros de la plaque ?
- vu le passage en carosserie, le remplacement complet de certains éléments de l’avant du véhicule et le passage au polish de l’entier des éléments remplacés/réparés, comment peut-on encore trouver des fibres de vêtements que la police identifie comme étant ceux des 2 piétons, mais 6 semaines plus tard ?
- pourquoi le rapport de la police fait-il état de traces de sang sur la carosserie, mais sans dire où, pour justifier ses soupçons, et par la suite ne les analyse pas et n’en parle plus du tout ?
Et que penser des réponses (partielles) obtenues par le biais du complément d’instruction requis auprès du Juge saisi ?
- on est allé toquer chez David Vincent parce qu’un habitant du village a repéré son véhicule, identique à la description de la police, parqué chez son voisin, mais plusieurs jours après les faits (aucune trace au dossier du contact avec l’autochtone et de ses déclarations);
- c’est un des jeunes fêtards qui a donné les 3 premiers chiffres de la plaque, mais ses déclarations n’ont également pas été protocolées par la police;
- le carossier confirme que, après l’intervention, le polish, puis le nettoyage complet de la carosserie, aucune fibre antérieure à l’entrée en atelier ne subsiste;
- la police précise que les fibres textiles trouvées postérieurement au passage en atelier mécanique sont uniquement identiques visuellement !
Ces quelques considérations (parmi d’autres) reprisent dans la plaidoirie finale, concluant bien évidemment à l’acquittement au minimum au bénéfice du doute de David Vincent a suscité la remarque calme et digne du père d’un des deux jeunes touchés par le véhicule : « Donc, si on suit ce que viens de dire l’avocat, la police nous a raconté n’importe quoi à propos de son enquête. Elle n’a pas fait son travail et on ne sait toujours pas qui a failli tuer nos enfants… «
Verdict à suivre.
Le 11…
… où l’on essaie de faire découvrir à une très jeune fille venue découvrir un métier, dans le cadre d’un programme scolaire, les joies de la vie d’avocat.
– Et c’est quoi ce gros dossier ?
– Une affaire de droit des successions.
– C’est quoi le droit des successions ?
– Qu’est-ce que tu n’aimes pas à l’école comme matière ?
– Euh… l’allemand.
– Alors voilà, en droit, les successions, c’est comme l’allemand, mais en plus difficile.
Le 12…
… où il s’agit de faire comprendre à un client que l’on ne peut pas faire recours contre un jugement qui lui donne entièrement raison, mais pas pour les motifs qu’il aurait voulu que le tribunal écrive.

Le 15…
… où nous déposons un second recours en moins de huit jours auprès du Tribunal cantonal de la Baie de Lôzan, réputée pour jauger d’un regard méfiant les baveux venus d’une autre Comté. Là, c’est sûr, ils vont croire qu’on les harcèle délibérément…
Le 16…
… où le débat « pour ou contre une justice électronique » pourrait être alimenté par ce dossier : un enfant qui chute au bord d’une route en perdant le contrôle de sa trotinette et un conducteur qui ne peut éviter d’heurter l’engin.
L’enfant s’est-il blessé (heureusement légèrement) avant ou après que son engin ait percuté latéralement le véhicule ? Avant : le conducteur n’est pas responsable de ses blessures et ne peut être condamné pour lésions corporelles simples. Après : ça se discute. Les versions des protagonistes sont contradictoires et aucune ne peut emporter la conviction. L’expertise médicale dit que les deux versions peuvent être compatibles avec les blessures constatées à la cheville de l’enfant.
En pareille cas, soit deux versions des faits potentiellement exactes, la procédure pénale impose de choisir la plus favorable à l’accusé. Le doute doit lui profiter. C’est une des bases du système. Mais c’est aussi un processus très mécanique, donc les circuits de la machine ne devrait pas hésiter à trancher en faveur du doute.
Dans le jugement que nous portons aujourd’hui devant la Cour d’appel, le Juge – humain – a opté pour la version de l’enfant « qui n’a aucun intérêt à mentir« . Certes… Un postulat plus émotionnel que logique donc. Mais, même ceux qui ne veulent pas forcément des menteurs ne disent parfois pas (toute) la vérité. Parce qu’elle leur vaudrait une belle engueulade des parents par exemple. C’est humain…

Le 18…
… où l’on bat le pavé devant l’entrée du Ministère public de la Baie de Lôzan, en attendant le début d’une audience d’instruction consacrée à un accident de chantier, parce que l’avocat de la victime a fait savoir que, du fait de ses blessures, son client est handicapé à vie et ne peut e déplacer que dans des zones très limitées et avec une extrême difficulté.
Loin, au bout de la rue, on voit arriver tranquillement deux personnes, dont une marche, certes avec des béquilles, mais sans difficulté particulière pour suivre le pas soutenu de son accompagnateur.
Grève des taxis sans doute…
Le 19…
… où l’on rédige une détermination à propos d’un complément d’expertise où un géologue (l’expert désigné par le Tribunal) affirme en préambule, en réponse à nos critiques, qu’expliquer la nature d’un terrain et ses variations, n’implique pas qu’il fasse lui-même des sondages. Lui, considère qu’il peut se contenter d’aller piquer à gauche à droite des éléments épars dans les rapports des précédents spécialistes qui y ont déjà examinés le terrain en question. Sauf que ce brave homme laisse gentiment de côté que ces fameux avis sont contestés par chacune des parties au procès (défaut de construction).
Apparemment, cela ne le dérange pas. Et vous Monsieur le Juge ?
Le 22…
… où quelque chose m’échappe. Dans Black Friday, il y a « Friday« , non ? Alors, pourquoi ce déferlement déjà ce Misty Monday ? Soit les responsables marketing de la plupart des entreprises ne savent pas lire un calendrier en anglais, soit les commerçants commencent à paniquer. Et si nous étions confinés pour Noël ? Il faut donc vider les stocks maintenant, pendant que les gens ont encore le moral.
Pendant ce temps, la Chine essaie de nous faire gober qu’une joueuse de tennis miraculeusement réapparu va bien. Merci pour elle. Mais, à part la WTA, personne ne crie au boycott des produits chinois. Déjà qu’on craint la pénurie, faut pas pousser hein ? Mieux vaut demander à l’équipe de Suisse de faire l’impasse sur le Qatar, ça coutera moins cher…

Bref, monde cruel…
Le 24…
… où la question posée par cette nouvelle cliente est directe : « Quelle serait la plus-value de votre intervention dans ce dossier familial compliquée ?«
On pourrait répondre que c’est elle qui a pris contact et pas par hasard comme elle le souligne. Mais on la sent désemparée. Vous seriez le 4ème avocat... Souvent, le client cherche celui qui lui dira enfin (!) qu’il a raison. Et, malheureusement, il finira toujours par en trouver un, même si son cas est sans issue. Là, c’est un peu différent. Le premier mandataire a été élu magistrat en cours de route, son remplaçant dans le même cabinet a fini par avouer qu’il ne se sentait pas les épaules et le troisième avait semblerait-il autre chose sur le feu.
Plus-value… Mmmmh, c’est un peu délicat, chaque avocat a son style et celui-ci peut-être déterminant dans tel ou tel dossier. Mais pas que… Pour ce genre de litige, où l’aspect humain est aussi important que les questions juridiques, plus de 20 ans de Barreau, peuvent en effet être un atout.
Le 25…
… où l’on pose une question à notre IT Manager en relation avec la protection contre les virus et il nous répond que son test PCR est positif et qu’il se met en quarantaine !

Le 26…
… où notre plus vieux dossier (2010) ne va pas encore rejoindre les archives pour prendre la poussière. La partie adverse annonce avoir fait appel de la décision de 1ère instance qui était (enfin) tombée, il y a 30 jours.

S’est-elle vraiment posé la question de savoir s’il y aurait encore des Juges prêts à consacrer de l’énergie à ce problème de dépassement de devis ? D’autant que le jugement s’étale sur près de 100 pages…
Le 29…
… où, au terme d’un week-end de cohabitation avec FaireJr, finalement confirmé plus que positif, on s’interroge sur la quarantaine à s’appliquer pour la semaine à venir. En particulier, vu les audiences agendées.
Interpellé sur mon incertitude, le Président de la Cour me fait savoir qu’il n’y a aucun problème. Si vous êtes vacciné et ne présentez aucun symptôme, vous êtes le bienvenu sous nos lambris. Bien, bien… Mais ce n’est pas tout à fait ce que dit le pharmacien du village, qui ne correspond pas tout à fait aux infos de la Hotline, qui ne sont pas tout à fait covido-compatibles avec le site de l’OFSP… Moralité : Oyez, oyez ! Vaccinés, vu le flou régnant entre les avis des caïques sensés empêcher une explosion des cas, vous pouvez trimballer en société vos microbes, en toute impunité !
Donc, on espère ne pas se planter durant la plaidoirie, en mélangeant allègrement le principe juridique de la confiance avec celui, médical, de précaution…

Et, surtout, on prie pour que tout ça finisse un jour.
Le 30…
… où, faut-il y voir un message subliminal de fin de novembre ?, mais le message qui s’affiche sur le display de l’imprinante indique « Tambour en fin de vie« …
