Juillet…
Comment vous dire ? On the hard fast train / On the road to gain / Something gets right through to your telling bone / There’s a sudden itch / An electric twitch / Sometimes I swear this body’s got a mind of its own / This is the naked truth / This is the light / There’s only one place left to go / Auberge…
Le 2…
… où, dans la chaleur étouffante de ce lundi, dans la salle du Tribunal de la Comté, on prend le frais avec les photos du dossier, prises un matin de février dernier.
Voitures enneigées, routes verglacées, vu la température plus que négatives. Au moins 35° d’amplitude avec aujourd’hui. Voilà qui nous laisse une certaine marge pour plaider la tiédeur des arguments du Parquet et, la fraîcheur vivifiante de notre interprétation de la jurisprudence de la Cour Suprême helvétique, prêchant comme à son habitude le chaud et le froid dans ce domaine (comme dans bien d’autres)..
Le 3…
… où cette journée doit être prise comme une allégorie de l’avocat qui besogne plein d’espoir dans l’attente d’un jugement suscitant les attentes les plus optimistes.
On patiente jusqu’à 16h00 pour ce huitième de finale et, aux alentours de 18h00, il n’y a plus qu’un mot qui reste suspendu à nos lèvres : décevant…
Le 4…
… où un Confrère demande au Juge que je sois dessaisi d’un dossier pour cause de conflit d’intérêts, le conflit étant que son client ne m’aime pas… #balancetonavocat
Le 5…
… où, après une journée passée assis au bureau, bien à l’abri dans la FaireCave, on apprend par Radio Twitter qu’un Confrère – et néanmoins ami – a, de son côté, arpenté pendant des heures les couloirs d’un bâtiment administratif d’une lointaine contrée, appelée Ouzbékistan (réputée auprès d’Amnesty International pour le profond respect de ses autorités pour les droits de l’homme), sans savoir s’il verrait sa cliente aujourd’hui… ou demain, ni à quelle heure ni si elle était en bonne santé, etc…
Et pendant ce temps, assis bien tranquillement dans son petit bunker, à l’ombre du Palais fédéral, le Ministère public de la Confédération poursuit sans vergogne la coopération judiciaire internationale avec ce genre de pays, affirmant, en nous regardant droit dans les yeux, qu’il examine sérieusement et en toute impartialité les preuves et informations que ceux-ci nous envoient.Même les plus grotesques. Et quand on ne se contente pas seulement d’affirmer, mais qu’on démontre par A + B, que les poursuites dans ces pays sont politiquement motivées, le Parquet fédéral toussote. Oui, mais bon, euh…. vous savez, nous sommes liés par les traités d’entraide internationale, et puis, nous, on ne fait pas de politique…
Le 6…
… où il y a le ronronnement du train qui masque le crépitement de la pluie au dehors. La campagne défile, avec le FaireSennheiser vissé sur la tête pour s’isoler de la rumeur des autres voyageurs. Il y a une forme d’harmonie dans cette accalmie passagère. On se laisse envahir par une certaine quiétude, tout en préparant la séance qui nous attend dans quelques stations. Et les arguments se mettent place, naturellement…
Le 9…
… où force est de constater que même si Brighton est plus connue dans le monde que la cathédrale de la Comté, la couverture du réseau téléphonique y laisse franchement à désirer. L’échange avec le collègue britannique sur nos analyses respectives quant au droit du client à obtenir l’accès complet à son dossier prend des allures d’Apollo 13.
Le 10…
… où, c’est bien connu, nous autres baveux avons toutes sortes de petits trucs pour tenter de retourner la situation dans ces discussions qualifiées de « transactionnelles », soit quand nous sommes en discussion libre devant le Juge pour trouver ce « prix de la paix » qui permettrait de mettre un terme définitif au litige.
Eh bien, il ne faut pas sous-estimer les clients, surtout quand il s’agit de clientes…
Voulant en finir coûte que coûte, ma merveilleuse mandante a choisi ce matin dans son armoire à chaussures un modèle qui lui fait gagner une bonne quinzaine de centimètres, histoire de pouvoir toiser la partie adverse.
Effet garanti, transaction réussie.
PS : oui, c’est Hollywood cette semaine !
Le 11…
… où c’est la perm’ !
Les Padawans sont affutés. Mais, rien…
Certes, le téléphone de permanence est un brin obsolète. Bon, ce n’est pas le Nokya le plus récent. Il était déjà basique en 2011, quand la permanence des avocats a été mise en place ensuite d’un arrêt de la Cour européenne, confirmant que le justiciable avait le droit de se faire assister par un avocat, dès son arrestation par la police (et pas plus tard, quand la messe était déjà dite). Et, donc, comme la maréchaussée verbalise aussi nuitamment, il y a désormais dans la Comté 3 avocats aux aguets et à dispo 24h/24h pendant 2 jours et demi, avant de céder le témoin à un nouveau trio, et ainsi de suite. Et, quand tout le monde y est passé (parce que c’est une obligation en tant que membre de l’Ordre), on prend les même et on recommence !
Les baveux, toujours au taquet pour secourir la veuve, l’orphelin, le conducteur éméché, le pilier de bar vindicatif, ou le vendeur de boulettes, innocent, forcément. Leurs yeux sont rivés sur ce #Fairephone désormais collector, dont la batterie se vide à vue d’œil.
Regards éloquents de mes deux Padawans qui ne voudraient pas rater l’occasion de descendre dans l’arène. Ce serait tout de même dommage de rater un appel parce que le tél’ est mort…
Message reçu.
Le 12…
… où on lit avec intérêt la prose de notre Président de la Cour d’appel, en parcourant le canard local sous le ciseau virevoltant de notre capilliculteur préféré.
L’article relate l’épilogue d’une affaire d’assassinat particulièrement tarabiscotée qui défraie la chronique de la Comté depuis quelques années et dont les prolongations viennent de s’achever devant le Tribunal cantonal. En guise de conclusions à la réduction des peines décidée par la Cour, ce magistrat relève que : «Dans cette cause, le déroulement réel des faits dépasse peut-être ou est peut-être différent de ce qui a pu être effectivement prouvé», a déclaré le président du TC Michel Favre. «Il n’en demeure pas moins que toute décision judiciaire doit s’appuyer sur l’État de droit, en particulier sur le principe cardinal de la présomption d’innocence.» En cas de doute, quelles que soient la gravité des faits et leurs conséquences, le doute doit profiter aux accusés.
C’est beau. C’est surtout vrai. Ce fameux principe cardinal est le pilier de tout le système judiciaire pénal, depuis que quelques penseurs avisés ont considéré que la torture n’était peut-être pas la « reine des preuves ».
Mais ce serait aussi bien que nos braves hauts magistrats de l’ordre judiciaire s’en rappellent quelles que soient la gravité des faits et leurs conséquences et pas seulement quand il y a des journalistes dans la salle
Le 13…
… où… où.. Oh my good !
Le 16…
… où, on a de la peine à le croire, nous voici arrivés aux féries judiciaires estivales.
Cet œil du cyclone où les délais sont stupéfixés et les magistrats s’en vont à Palavas-les-flots en camp de rééducation.
Alors quelqu’un pourrait-il expliquer pourquoi ce matin le courrier remplit une charrette et le téléphone n’arrête pas de sonner pour fixer des auditions quand les feuilles se mettront à tomber des arbres ?
Le 17…
… où il n’a rien fait ! Il s’agit d’une erreur judiciaire crasse…
La photo de son véhicule quittant les lieux de l’accident ? Un montage photoshop… d’ailleurs il n’a jamais eu cet autocollant « CH » à l’arrière. Mais il ne peut pas le montrer maintenant, parce qu’il a refait l’arrière de sa voiture…
Les 2 occupants de l’autre véhicule impliqué dans l’accident qui l’identifient formellement ? Ils mentent. Et puis ils n’ont pas dit qu’il avait des lunettes et ils ne peuvent pas savoir qu’il a un accent, puisqu’il ne leur a pas parlé.
Et donc, les lois de notre pays sont mal faites, parce qu’on peut accuser les gens sans la moindre preuve !
Le 18…
… où c’est la journée du respect des droits de l’accusé.
Arrêté pour trafic de cannabis hier soir, notre nouveau client s’est vu refuser par l’inspecteur de pouvoir faire appel à un avocat, alors que c’est son droit. Il ne te servira à rien et puis, de toute façon, tu devras le payer et t’as pas les moyens !
Et paf ! Une nuit au trou, histoire de lui rafraîchir les idées.
Aujourd’hui, on prend presque les mêmes pour recommencer, parce que, cette fois, notre bonhomme n’en démord pas. Il veut un avocat et, ce coup-ci, les pandores ont bien dû obtempérer.
Forcément, quand mon valeureux Padawan Me Wil entre dans l’arène, derrière le clavier du PV, on devient un brin nerveux. Les policiers savent qu’ils ont fauté et font tout pour cacher la m… au chat, comme on dit. Ils renâclent à noter les déclarations exactes du client, font des raccourcis qui les arrange, tentent de convaincre Me Wil de ne pas insister avec ses demandes de précisions, parce que ça n’en vaut pas la peine, etc.
Et quand, au final, on demande au prévenu s’il a (encore!) quelque chose à ajouter et que celui-ci demande pourquoi on ne l’a pas autorisé à faire appel à un avocat, hier soir, là, cela devient un concert de protestations policières et le refus de noter la question au PV. Me Wil tient bon. Alors un des inspecteurs balance : puisque c’est comme ça, on devrait déposer plainte pour diffamation !
Des menaces maintenant ? De mieux en mieux…
Le 19…
…où tout semblait réuni pour une journée productive à souhait.
C’est quoi ce rendez-vous à midi ? Ah oui, la fiduciaire… Sympa de nous inviter avec mon associé pour un « petit lunch ».
Eh bien, laissez-moi vous dire que Johannisberg 2016 + Filet de bœuf d’Hérens + Sang des Reines 2014 + plateau de fromages + Sang des Reines 2014 + Calvados sont susceptibles de ruiner toutes velléités de productivité dans l’après-midi. Si si !
Le 20…
… où l’on se dit qu’on ferait mieux de dénicher nous-même un traducteur letton/français, puisque le Ministère public de la Confédération, relancé sur le timing de la traduction d’une réponse lettone à une requête d’entraide judiciaire internationale, qu’il a pourtant sous le coude depuis quelques semaines, nous répond sans rougir : pas avant cet automne…
Aaaahhh, le sens de l’humour du Parquet fédéral…. Faut être connaisseur, quand même…
Le 23…
… où l’on s’extasie devant cette faculté extraordinaire des politiques et médias français de créer des « affaires D’État », en se basant sur une vieille recette romaine : Panem et circenses (Du pain et des jeux !). Le Mundial étant fini, il faut bien s’amuser avec un autre sujet.
On lit donc ce matin, après toutes les péripéties du week-end la énième révélation dans l’affaire Benalla. Macron savait ! L’appart de fonction, le salaire , la voiture avec chauffard, le badge, etc. etc. Tout ça pour une jeune couillon (à peine 26 ans si les infos sont correctes).
Eh bien, c’est justement là que ça coince. Même pas 30 ans et non seulement on lui a donné les clés du Temple, mais en plus, il fait ce qu’il veut, puisque, apparemment, son supérieur direct est si haut dans la stratosphère, qu’il ne voit pas ce qu’il se passe en bas. Ce qui ne veut pas dire qu’il approuve…
L’autorité, celle qu’on voit dans les films, qui fait kiffer les petits chefs, genre : je débarque et tout le monde doit être aux ordres, parce que je peux envoyer qui je veux faire la circulation au carrefour si ça me chante. Le concept n’est pas nouveau. On en trouve même dans les palais de justice de jeunes loups qui oublient qu’un grand pouvoir implique de grande responsabilité. Et ça finit toujours en cacahuète. Pas parce qu’il y a une affaire d’État au bout, juste une erreur de casting.
Le 24…
… où, dans ce métier, c’est un peu comme à l’armée. On court pour attendre et on attend pour courir.
A la veille de partir jouer à la pétanque, on se demande toujours qu’est-ce qui pourrait nous tomber sur le coin du bec et qu’il faudra régler coûte que coûte avant toutes velléités de vouloir tirer ou pointer. Certes, les féries sont bien engagées, mais le code de procédure civile recèle quelques spécialités, genre « requête de mesures super provisionnelles » ou « de restitution de l’effet suspensif », histoire de vous compliquer l’existence.
Les premières permettent à un Tribunal de statuer sans donner à l’autre partie la possibilité de se déterminer. C’est bien sûr une grave violation du droit d’être entendu, possible uniquement s’il y a « péril en la demeure », notion aussi vague qu’indéterminée, laissée à la seule appréciation du Juge saisi. Et la cavalerie ne peut alors intervenir qu’après le premier sang. Traduction : le Juge saisi décide sans rien vous demander et vous communique ensuite cette décision en vous donnant un bref délai pour mettre votre grain de sel.
La seconde consiste à vouloir contrecarrer un premier Juge qui avait estimé qu’un éventuel recours contre sa décision ne la suspendrait pas automatiquement, justement parce qu’il y a « péril en la demeure ».
Voilà qui est clair, non ?
Enfin, ça le devient vraiment quand le fax crache un mélange subtil de ces deux requêtes sur le coup de 16h33…
Le 25…
… où, ce n’est pas qu’on s’ennuie, au contraire, le courrier ne diminue pas. C’est même fou ce que la Justice a de boulets dont il faut se débarrasser avant d’aller suçoter un daïquiri sous les palétuviers. Mais ce qui se passe dans le royaume d’Hexagonie avec cette affaire Benalla.
King Macron sort de son mutisme, pour faire de l’humour, en ironisant au passage que, non, Alexandre Benalla n’est pas son amant et en balançant : Venez me chercher !
C’est quand même bien d’être le roi, on fait ce qu’on veut. On peut ,même envoyer paître tout le monde, y compris les juges et la police. Allez le chercher, puisqu’il vous le demande. Et il y en a même pour applaudir !
Le 26…
… où ibon nombre de clients ont une demande récurrente aujourd’hui. Par mail, téléphone ou pigeons voyageurs : Vous avez des nouvelles du Juge ? … du Procureur ? … du Préfet ? … de mon ex ?
Ben non, désolé. Rien… que pouic… nada…
On pourrait répondre : Nân, c’est le 26 juillet. On se calme, on respire et on patiente, rogntidju !
Bof, pas très drôle et un brin prévisible comme réponse, non ? Alors, pourquoi pas, pour une fois, soutenir la théorie du complot ? Ouiiii vous avez raison. Ce n’est pas normal. J’ai revêtu mon costume de Dark Knight et mené ma petite enquête Oups, je dois bien l’avouer, je crains qu’ils n’aient été enlevés par quelques martiens en vadrouille. je reviens vers vous dès que je les ai localisé…
Le 27…
… où l’on reçoit une candidature à un poste d’avocat-stagiaire qui se distingue par son préambule.
«En même temps que le réenchantement du monde que nous aurons à accomplir, la beauté étant à l’évidence une nourriture immatérielle absolument indispensable à notre évolution vers un humanisme authentique, nous devons également et impérativement trouver une façon juste d’habiter la planète et d’y inscrire notre destin d’une manière satisfaisante pour le cœur, l’esprit et l’intelligence. J’entends par beauté celle qui s’épanouit en générosité, équité et respect ». ― Pierre Rhabi, vers la sobriété heureuse
C’est magnifique. Malheureusement, mis à part quelques causes, l’arène des prétoires ne se prête guère à la réalisation d’un tel idéal. L’avocat est là pour défendre son client, pas Dame Justice, dont il n’est que l’auxiliaire.
Le 30…
… où l’on nous répète dans le canard local que les avocats seront bientôt remplacés par des robots qui analyseront un contrat en moins de deux pour en détecter les failles.
Et qui c’est qui va préparer le contrat à analyser, poser les bonnes questions à Mr Computer pour qu’il donne des réponses utiles, apporter les modifications nécessaires sur la base des réponses reçues et après avoir vérifié avec le client ce qu’il veut, etc… ?
Le 31…
… où il fait décidément trop chaud, donc on boucle les valises et on part pour l’Ouest.
On se retrouve le 20 août !
Bien rigolé, et le mois n’est pas fini 🙂
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