Mai….
… où maintenant que l’on s’est découvert d’un fil, on file droit vers l’été, en essayant de ne pas filer un trop mauvais coton. Oui, bon, elle est pas terrible celle-la. Pouf pouf, on se reprend. En musique as usual. Sade sur la platine pendant que l’on entame le journal du mois. Comme inspiration, on a vu pire.
Le 1er…
… où spectateur traditionnel des envolées syndicalistes lyriques, puisque chaque Fête du travail, ces braves gens viennent pimenter le nôtre en installant force tentes, bars et stand à saucisses sous nos fenêtres, on sent cette année un coup de mou dans les discours plus ou moins inspirés balancés par des Mélenchon en herbe.
Cela me rappelle une très jolie coquille lue dans un examen sur le droit du travail que j’ai eu le plaisir de corriger comme chaque année avec quelques Confrères venus de toute la Suisse romande. Il était question d’heures supplémentaires : C’est quand même normal que l’employeur qui travaille plus que l’employé se fasse payer ses heures supplémentaires.
In prolétariat veritas…
Le 7…
… … où la sémantique juridique, certes exacte, colle mal à la situation.
Enfant, mineur, jeune adulte ? Quid pour qualifier un garçon de 17 ans ¾ qui, s’adressant à l’agent de sécurité qui lui dit de se calmer, lui répond les yeux dans les yeux : Je sais où habite ta famille en mimant le geste de l’égorgement?
A l’avocat du mineur, persistant à qualifier son client d’enfant dans chaque question lourde de reproches qu’il pose à l’agent de sécurité, qui déclarera plus tard avoir eu peur pour la première fois, alors qu’il fait ce métier depuis des années, celui-ci finit par demander : C’est quoi pour vous un enfant ? Parce que là, ça n’en était pas un ?
Et, l’avocat de répondre que, en droit suisse, la définition légale d’un enfant est une personne de moins de 18 ans révolus, qualification en adéquation avec la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant, que la Suisse a ratifiée, et qui considère également comme enfant tout être humain âgé de moins de 18 ans.
Tik Tok n’existait pas encore quand ces braves législateurs considéraient encore le mineur aux portes de la majorité comme une petite chose sans défense, alors que le principal intéressé voit cela manifestement maintenant d’un autre œil.
Le 9…
… où il est question de confiance, mais pas comment on peut imaginer généralement dans la relation avocat-client, qui implique pour que cela fonctionne que le second n’ait pas (trop) de doutes quant au premier point.
Prenons le point de vue inverse. Celui de l’homme de robe.
On ne parle pas ici de la question de croire son client ou pas. En droit pénal comme en droit civil, c’est le dossier qui fait la différence, pas la Vérité, avec un grand V qui dicte la mesure. Non, il est ici question de la situation un peu moins courante ou la/le client-e, appelons-le Monsieur X ou Madame Y, est dans un pétrin juridique à la dimension hollywoodienne.
Vous déployez des efforts considérables et beaucoup d’énergie à mettre de l’ordre dans ce cadre et, en retour, non seulement votre client veut vous dicter votre conduite, mais, de surcroît, il agit en coulisse et multiplie les interventions malheureuses qui agacent encore plus tous les intervenants du dossier.
Le Code des obligations (CO) permet à l’avocat de résilier son mandat à tout moment, pour autant que ce ne soit pas en temps inopportun. Et, là, justement, le moment de lâcher son client serait particulièrement malvenu pour lui, même s’il est le dernier à s’en rendre compte.
La déontologie en rajoute une couche. L’avocat ne peut pas tourner casaque à sa guise si cela risque d’occasionner un préjudice au client.
Donc pas possible de lâcher les amarres.
Au contraire, il faut faire preuve d’une vigilance accrue, veiller à ce que chaque étape soit minutieusement boulonnée et, surtout, informer le gâche métier pas à pas, afin de respecter une des autres obligations professionnelles centrales de la profession, à savoir la communication et l’information, ce que la loi appelle pompeusement la « reddition de comptes ».
Alors, que retenir de tout cela ? Pas grand-chose, finalement. L’avocat défend. Personne n’a dit que ce serait facile. C’est même très souvent complexe et parfois un brin ingrat quand le ou la principal-e intéressé-e comprend très bien les enjeux, mais les interprètes de travers car il n’écoute pas les conseils de celui qui a l’expérience nécessaire pour, au minimum, limiter les dégâts.
Et, surtout, se croit beaucoup plus malin que celui qu’il engageait pour le défendre. Ce genre d’erreur peut se payer cash et, quand on s’en aperçoit, le moyen de faire machine arrière. D’où la nécessité pour l’avocat de documenter chacune des étapes pour que, à l’heure des comptes, on puisse pointer sur le moment où tout est parti en cacahouètes.
C’est la phrase merveilleuse de Jean Gabin dans Le Cave se rebiffe : « Je connais ton honnêteté mais je connais aussi mes classiques. Depuis Adam se laissant enlever une côte et Napoléon attendant Grouchy, toutes les grandes affaires qui ont foiré étaient basées sur la confiance.
Voilà qui est dit.
Le 22…
… où l’on s’interroge sur l’avenir du procès pénal après la publication d’extraits du jugement condamnant Gérard Depardieu, entre autres, à verser 2000 euros aux victimes en raison de la défense adoptée par son avocat.
Et on n’est pas seul à se demander aujourd’hui où on va avec nos robes. Preuve en est les vifs débats suscités par cette affaire au sein de la profession et même au-delà.
Pourquoi ? Parce que la communication du verdict a placé en première ligne non pas le résultat de la recherche de la vérité, qui est en principe la vocation du procès pénal, mais l’aggravation de la sanction du condamné pour s’être défendu !
Le thème n’est pas tout à fait nouveau. Il a tout récemment fait l’objet d’une décision de la Cour européenne des Droits de l’Homme (CEDH 24.04.2025 vs France) instaurant un régime d’indemnisation complémentaire du fait d’une victimisation secondaire.
Qu’est-ce donc encore que cela ?
Le concept désigne le préjudice supplémentaire subi par la victime, non pas directement du fait des actes commis au moment de l’infraction, mais par les aléas de la procédure, qualifiés de « dysfonctionnements » des institutions ou du procès lui-même.
Pour en revenir à Gégé, la partie du verdict concernant non pas sa culpabilité, mais les différentes indemnités dues à la partie civile découlant de sa condamnation, a été aggravée d’une « amende » en raison de l’attitude et des propos de son avocat durant les audiences.

Avant de stigmatiser – comme sur les réseaux sociaux ce sa…ud – de baveux qui a osé défendre un vil agresseur sexuelle, alors même que l’on ne sait même pas quels mots précis il a eu l’outrecuidance de prononcer pour défendre son client, interrogeons-nous sur le principe d’une telle sanction. C’est grave… si, si.
La liberté de parole de la défense et donc son indépendance – clés d’une défense libre – sont en péril si l’on prend ce chemin. L’avocat n’est pas là pour caresser les juges dans le sens du poil. Il n’est pas là pour faire plaisir à ceux qui l’écoute, en prenant garde à n’utiliser que des arguments lénifiants. Il est à là pour défendre. Et cette défense est forcément en opposition avec quelqu’un. Il faut l’accepter.
Jusqu’ici sa limite était le respect de la dignité des victimes et des parties civiles, la conscience, l’indépendance, la probité et l’humanité, limite dont le Président du Tribunal était l’arbitre.
Dans un Etat de droit, la parole de l’avocat ne doit pas seulement être libre, elle doit être « accrue » pour reprendre une expression de Strasbourg. La CEDH a en effet souligné à plusieurs reprises que la défense ne doit pas être influencée par la crainte d’une sanction et que le principe de l’égalité des armes, ainsi que le droit à un procès équitable, militent pour une protection renforcée de la parole de l’avocat.
Si on va plus loin, en excluant d’emblée du débat judiciaire tout propos de la défense susceptible de heurter une personne de l’auditoire, c’est une forme de censure. Inacceptable.
Et ce serait de surcroît une violation de l’égalité des armes au procès. Que devrait-on alors faire avec les propos souvent inacceptables du Parquet (qui lui aussi défend son dossier) ? Que dire des dérapages verbaux dont peuvent aussi être coutumiers les représentants des parties civiles, qui sont aussi des avocats soumis aux mêmes règles que leurs confrères en défense (j’y suis aussi assis parfois, j’en sais quelque chose) ?
En conclusion, la défense doit rester libre… et énergique, mais toujours dans le respect des principes fondamentaux de la profession. La victime doit être reconnue pleinement dans le procès pénal, et les avocats des deux bords doivent exercer leur rôle avec discernement et humanité. Cet équilibre et le respect de la parole de l’autre sont essentiels pour la crédibilité de la justice pénale, afin de garantir un procès équitable et respectueux des droits de toutes les parties impliquées.
Un tribunal, c’est un lieu d’argumentation, de contradiction, d’affrontement parfois rude. Des deux côtés de la Barre. Pas une église. Il faut l’accepter, sinon il n’y a plus de débats judiciaires possibles. Et donc plus de Justice.
Le 28…
… où ce n’est pas le propos de verser dans la sémantique, en particulier en instruction pénale.
Justement, c’est de maxime de l’instruction pénale dont il s’agit. Notre Code de procédure pénale indique dans son article 6 al. 2, donc quasiment en préambule, soit lorsqu’on annonce les vertus du texte qui va suivre, que les autorités pénales instruisent avec un soin égal les circonstances qui peuvent être à la charge et à la décharge du prévenu.
« Décharge », voilà le mot qui fâche. C’est peut-être parce que son sens n’est pas immédiatement accessible. Les définitions du Littré ou du Larousse sont effectivement un peu encombrées, d’où sans doute la difficulté pour ceux qui doivent appliquer cet alinéa d’en saisir toute la subtilité.
Pour l’avocat un tantinet basique qui écrit ces lignes, décharge implique que les questions posées à l’instruction visent à faire la lumière sur ce qu’il s’est passé. Pas d’expliquer à la personne interrogée que sa version des faits, considérée comme lénifiante, semble incongrue, pour rester poli.
Vous ne voulez tout de même pas me faire croire que…
Si Bernard Pivot avait été avocat, ce n’est pas le PV qu’il aurait corrigé…
Le 29…
… où, puisque nous sommes en mood sémantique, voici une petite phrase d’un client qui a fait mes journées cette semaine.
Un brave homme, commerçant, travailleur, mais un brin naïf, surtout quand il est aux prises avec des partenaires commerciaux qu’il vaut mieux éviter pour sa tranquillité d’esprit. N’étant pas familier du patois local, parfois il peine à saisir toute la portée du contexte, surtout du texte, et il se met en difficulté, au grand dam de son avocat.
Mais, vous voyez ? Là ! Là, ça ne va pas ça, et il va vous arriver des bricoles. Vous vous en êtes rendu compte avant de signer ? Vous avez compris ce que remplir ce formulaire voulait dire ?
Et, là, cette phrase merveilleuse, qui ne me quitte pas depuis quelques jours et qui vaut toutes les réponses du monde :
Un p’tit peu… mais pas tellement…
Un brave homme vous dis-je.



