Juillet…
… où les féries judiciaires de mi-juillet approchent à grand pas. Le rythme s’accélère, la respiration se fait courte. Non pas cette année que le client lambda s’imagine toujours que l’on va régler sa procédure avant de partir à la plage. Cette année, la tendance est inverse. Ils sont étonnamment nombreux à vouloir ouvrir un procès AVANT la pause aoutienne.
Est-ce le dérèglement climatique ? Une météo pourrie change-t-elle les velléités procédurales du justiciable ? On devrait peut-être demander ce qu’en pense Strasbourg…
Ou alors, y aurait-il une embellie économique sur les bords de la Cité des Zaehringen ?
Difficile à dire…
Toujours est-il que, alors que les magistrats commencent à ranger leur bureau en attendant le 15 juillet, les photocopieuses tournent à plein régime chez les avocats. Et on se bouscule comme devant un check in aux guichets des greffes…
Relax ! Summer is coming
Le 4…
… où l’on a beau être un fervent adepte du renouveau technique des méthodes de travail, force est de constater que rien ne vaut un entretien face to face bien préparé, quand il faut débattre d’un sujet-clé et d’une stratégie à mettre en place.
Et cela ne tient pas seulement à l’interlocuteur. Ici un vieux briscard, habitué à régler les affaires avec une poignée de mains. Tu veux passer à l’Etude et qu’on en discute ou je t’envoie un lien pour une vidéoconférence ? … Laisse tomber tes gadgets. Je peux encore conduire jusque chez toi.
En 20′, tout est dit et chacun sait où en est l’autre.
Les plus jeunes fonctionnent comme devant l’écran de leur téléphone. On allume, on appelle. Et, après seulement, on réfléchit à ce qu’on va dire.
Teams, Zoom et autres, sont des outils géniaux pour communiquer. Bien plus efficace qu’une conversation téléphonique. Voir l’autre crée tout de même un lien plus fort qu’avec une voix désincarnée dans l’écouteur. Et on ne parle même pas des documents qu’on peut consulter ensemble et amender en ligne.
Toutes les calamités ont eu pour corollaire que l’humanité a tout à coup progressé plus rapidement dans différents domaines que pendant tout le siècle des Lumières. Le COVID aura au moins servi à ça.
Mais, avec un outil, c’est universel, il faut d’abord apprendre à s’en servir.
Le 9…
…où l’on s’engage sans filet dans une conversation agendée avec un haut magistrat.
C’est l’un des points faibles du contentieux aujourd’hui. On fait des pages et des pages de mémoire, qui servent surtout à impressionner le client et à lui facturer bonbon. On vient en audience le couteau entre les dents, car la salle est désormais plus considérée comme un ring qu’un prétoire.
On perd ainsi peu à peu la technique de l’argumentation orale. C’était pourtant la base de l’enseignement dans la cité grecque. Savoir défendre son point de vue, apprendre les techniques de l’art oratoire étaient aussi importants que d’apprendre à porter bouclier et glaive.
Aujourd’hui, à l’heure où la culture du SMS fait des ravages dans les strates de la francophonie, où les stagiaires truffent leurs écrits de phrases ampoulées et de formule toutes faites, où si vous lancez « Si vous voulez dire qu’il pleut, dites il pleut » (Paul Valery), on vous regarde comme si vous étiez Dumbledore, pouvoir débattre et, finalement, trouver un compromis s’avère très stimulant.
Et quand, en plus, il va dans le sens d’une solution tout à fait acceptable pour la partie que l’on représente, que demander de plus ?
Cela dit, comme dit mon cher partenaire, aussi expérimenté sur les courts que dans les Cours, le match sera de qualité si les deux adversaires ont un bon niveau…
Le 16…
… où il reste toujours difficile d’expliquer à une partie que sa conviction que la personne qu’elle dénonce est coupable se heurtera toujours à celle du Juge qui obéit à d’autres critères.
Le lésé réfléchit avec ses tripes. Le Juge avec le Code, et l’abondante jurisprudence du Tribunal fédéral (TF) qui prêche le chaud, le froid, et d’autres nuances de gris en fonction de la sensibilité du moment.
Là, nous avons un vol commis dans un commerce. Il y a différents employés, mais un seul était présent à chaque vol. Pour le Juge, cette simple affirmation ne sera pas suffisante, elle devra être assortie d’une démonstration quasi-scientifique.
La preuve absolue ? Elle n’existe quasiment jamais. Il est en effet assez rare de disposer d’un polaroid de l’aigrefin, les deux mains dans la caisse avec un sourire sardonique aux lèvres. Donc, la démonstration doit conduire à pouvoir considérer le fait comme plus que hautement vraisemblable. J’aime bien l’expression « au-delà de tout doute raisonnable » que l’on entend à la télé. Elle est assez sensée. Les tribunaux n’utilisent pas les mêmes biais de réflexion que Sherlock Holmes, « Lorsque vous avez éliminé l’impossible, ce qui reste, si improbable soit-il, est nécessairement la vérité. »

Le droit reste une science cartésienne, même si la Justice est son incertaine maîtresse.
Et donc, pour en revenir à notre client, convaincu – à juste titre – du bien-fondé de son analyse, il s’agit maintenant d’exprimer cette conviction en terme de logique juridique pour dissiper ce fameux doute. Voilà toute la finalité du travail de l’avocat, quand il représente la partie plaignante.
Le 17…
… où l’on commence à préparer une audience d’appel dans une affaire de criminalité financière.
Le travail de la défense s’annonce ardu. L’accusé a reconnu sans difficulté la majeure partie des faits qui lui sont reprochés. Il est vrai qu’il est difficile d’appeler autrement que Faux dans les titres une fausse facture.
Comme souvent, ce qui rend le jugement critiquable est Caché derrière pour reprendre la jolie formule ésotérique de Laurent Voulzy.
Désolé, pas pu m’en empêcher. Revenons en terres juridiques.
Ici le diable se dissimule dans les détails de l’approche du Tribunal des autres questions qui lui étaient posées. Un traitement un peu trop rigoriste qui l’a conduit à hypothéquer sérieusement le futur du faussaire repenti. Dans cet exercice d’appréciation globale globale toujours délicat, il y a plusieurs circonstances qui ne touchent pas la qualification juridique des faux qui aurait dû être prises en considération. Ils nous semblaient d’ailleurs si évidents qu’on ne comprend pas comment un Juge si chevronné a pu les oblitérer ainsi.
En résumé, coupable d’accord. Mais tous les soubresauts désespérés de ce chef d’entreprise en train de se noyer n’avaient pas forcément une connotation pénale. Maintenant qu’il a largement bu la tasse et, malgré tout pu regagner tant bien que mal le rivage, il doit pouvoir se relever. Car, comme il l’a déjà dit, tout ce qu’il a fait, c’était pour mettre à manger dans le frigo familial. Et, c’était vrai. Et maintenant, il doit pouvoir continuer à le faire.
Le cadre est donc posé. Remettre l’église au milieu du village, comme on dit si bien dans nos campagnes.
Le 29…
… où, on ne le sait que trop, c’est un métier où l’on se pose beaucoup de questions (qui restent d’ailleurs souvent sans réponse, mais ça, c’est une autre histoire).
Une, récurrente, en particulier dans les litiges commerciaux, en tous cas selon l’expérience de votre serviteur, n’est pas forcément celle qu’on pense.
Après analyse des documents, discussions avec le-a client-e, échanges postaux avec la partie adverse, on ne parvient toujours pas à se faire une religion. En face, avons-nous à faire avec des bras cassés de premier ordre ou cette absolue légèreté dans les actes à conséquences juridiques ne cache-t-elle pas un fond de malhonnêteté ?
Et on en revient toujours au conseil de base : avant de signer (surtout avec de parfaits inconnus, même s’ils roulent carrosse), consulter un avocat peut vous épargner de cruelles désillusions et des frais plus conséquents



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