Octobre…
… où les sanglots longs des violons de l’automne affectent les affaires courantes d’une langueur monotone. Tiens voilà Francis…
…qui nous donne des velléités de coller quelques feuilles mortes au dos des actes judiciaires. Est-ce que ce monde est sérieux ? C’est à craindre.
Le 3…
… où, parlons-en des feuilles mortes. Valeurs sûres automnales qui nous permettent de nous concentrer sur autre chose que les inepties que les médias relayent chaque jour.
Lire Camus, sur un banc, caressé par un soleil bientôt hivernal, engoncé dans le premier pull sorti du placard ? Voilà qui serait paraît-il aux yeux des apôtres de la Cancel Culture une activité raciste, colonialiste et misogyne !
L’auteur de « La peste » et « L’étranger », qui nous a fait suer en dissertation, est à son tour ciblé par la Woke Culture. Après Agatha Christie, Ian Flemming et tant d’autres, voici donc la nouvelle victime d’une idéologie qui, étrangement, rencontre de plus en plus d’adeptes à mesure qu’elle s’enfonce dans l’ineptie.
Wokisme ? Le moyen qu’ont trouver ceux qui cherchaient désespérément – et sans succès jusqu’ici – à faire prendre leur vessie pour des lanternes. Étonnamment, bon nombre de ses représentants sont issus de milieux universitaires, ce qui leur permet de se targuer d’une certaine crédibilité. Sauf, que, la plupart du temps, s’y on examine leur bibliographie, elle est assez aride. Et comme tout prof d’uni qui se respecte doit pondre de temps à autre un livre pour justifier son statut, d’aucuns y ont trouvé un terrain vierge de possibilités de contrôle scientifique, puisqu’il s’agit de balancer, uniquement à charge, sans recul ni contextualisation, sur les injustices sociales ou les discriminations sexuelles. A ce jeu-là, on peut vite se targuer d’être un expert, le doctorat aidant comme caution scientifique.
Le concept, car c’en est un, fait référence au terme « woke », qui signifie être « éveillé », en anglais. Ses adeptes prétendent avoir une conscience aiguisée des problèmes de justice sociale et de racisme. Au début, elle s’exprimait par « stay woke » (« restez éveillés »), en écho au mouvement Black Lives Matter aux Etats-Unis (né après l’acquittement d’un veilleur de nuit qui avait tué un jeune homme noir, Trayvor Martin, en 2013). »
Aujourd’hui, ses porte-paroles – comme ce professeur à l’université de Caroline du Nord qui prétend démystifier Albert Camus – cherchent à nous imposer une vision ultra morale du monde sous le couvert d’un pseudo-intellectualisme. Et ils gagnent du terrain grâce au soutien de partis politiques plus opportunistes que réellement concernés. C’est ainsi que ce petit rend schizophrénique l’annonce de toutes nouvelles productions cinématographiques et littéraires. Mais pas seulement. A ce rythme, le chocolat noir devra être bientôt rebaptisé.
La liberté d’expression est une valeur cardinale de notre société. Dans le respect de celle des autres. Or, en observant les dérives wokistes, on constate que cette liberté est détournée par ses thuriféraires pour nier celle de tous ceux qui sont ne partagent pas leur vision à sens unique de l’Histoire.
Il faut donc espérer que la Cancel Culture ne gagnera pas trop d’adeptes du côté des législateurs. Parce que, là, le problème ne sera pas le ridicule, qui, heureusement, ne tue pas en rebaptisant les Dix Petits Nègres. L’état de droit deviendrait celui de la pensée unique…
Bon revenons aux feuilles mortes, sans jugement. Juste pour le plaisir.
Le 4…
… où nous voilà dans une impasse.
Nous sommes quatre autour de la table et chacun comprend la proposition de l’autre partie différemment !
Nos analyses sont aux antipodes. De la position où notre contradicteur abandonnerait bon nombre de ses prétentions à celle où il ne lâche que des miettes…
On pourrait presque parler d’un tour de force du rédacteur, si celui-ci n’était probablement pas conscient de créer une telle confusion par la concision de sa prose.
Pas d’autre façon de s’en sortir que de lui envoyer un petit courrier : Cher Confrère, comment doit-on comprendre ce paragraphe ?
Preuve que le droit n’est non seulement pas une science exacte, mais aussi une source inépuisable de doutes existentiels. Sauf à la télé.
Le 5…
… où nos réflexions sur la teneur exacte d’un protocole d’accord doivent s’interrompre, car il manque certaines informations financières cruciales.
Dommage, nous avancions à grand pas vers un document qui, même refusé par la partie adverse, pourrait servir de socle à une action devant le tribunal.
Mon interlocuteur glisse : Dès que nous aurons reçu ces infos, nous pourrions continuer nos réflexions autour du menu de chasse de Pierrot ?
Well you made my day !
N’en déplaise aux oukases du Gault&Millaut qui se mélange les assiettes en rétrogradant arbitrairement un des meilleurs représentants de l’excellence culinaire, Le Pérolles et son chef Pierrot Ayer restent pour le modeste écosseur de petits pois qui écrit ses lignes une table d’exception.
Le 10…
… où il n’y a pas de « petits » ou de « gros » dossiers. Il y a des dossiers, c’est tout.
Chaque affaire amène son lot de questions, d’incertitudes et de réflexions, avec une finalité identique : définir la meilleure façon de conseiller la personne qui fait appel à l’avocat pour se tirer du mauvais pas dans lequel elle est empêtrée.
Parfois aussi, ce n’est pas le dossier qui est compliqué, mais la communication entre ses acteurs. Quand vous venez de la Corne d’Afrique et que votre maîtrise du français parlé est juste suffisante pour assurer votre job de magasinier, saisir tous les tenants et aboutissants d’une accusation de vol ne va pas de soi. Et se comprendre avec son avocat non plus.
Sauf sur un point : mon client conteste fermement avoir voulu voler ce sac à main, puisqu’il l’a non seulement rapporté, mais en plus avec plein d’argent dedans. Peut-être pas le montant astronomique fort opportunément annoncé par la plaignante à la police, mais tout de même. Six mille francs et des poussières… C’était largement assez pour contrecarrer les velléités de bon nombre de personnes de rapporter spontanément le contenant.
Et ce brave garçon ramène le sac après s’être annoncé et avoir été informé que la police serait là pour l’accueillir. Dans son pays, le simple fait d’évoquer une présence policière incite même le plus honnête des citoyens à aller voir ailleurs…
Ce n’était pas suffisant aux yeux du Procureur qui l’a condamné pour le vol. Mais pas tout. Juste pour avoir subtilisé la différence entre la somme annoncée dans la plainte et les billets retrouvés, soit plus de quatre mille francs. La peine ? Une amende de trois cent francs, sans même prononcer de créance compensatrice, qui, dans la règle aurait dû s’élever au montant prétendûment dérobé (sur la base du principe que le crime ne paie pas).
La plupart des émules de Lupin auraient considéré que le ratio entre la peine et le bénéfice était plus que raisonnable. Sauf que le principal intéressé n’en démord pas. Il n’a rien volé. Il a juste voulu rendre service en mettant le sac abandonné en sécurité et l’a rapporté ensuite. Et voilà comme on le remercie.
Il l’a d’ailleurs dit et répété au policier qui a pris sa déposition.
Parlons-en juste une seconde de cette déposition.
Comme indiqué au début de ce billet, on se comprend à peine en français et, à part sa langue maternelle, il n’en parle aucune autre. Pourtant, dans le PV, la case « Je renonce à la présence d’un traducteur » est cochée. Et les déclarations qui suivent sont consignées dans un français académique qui ferait presque sourire… si nous ne nous retrouvions pas cet après-midi devant un Juge chargé de traiter l’opposition à la sanction du Procureur.
En présence d’un traducteur cette fois.
Mon client peut ainsi s’expliquer en détail sur cette affaire qui n’aurait jamais dû arriver sur le bureau du Juge. D’autant que la fameuse victime s’est fait excuser. Ce n’est pas une preuve. Mais tout de même un indice suffisant pour relativiser plus que fortement la réalité de ces fameux billets manquants.
Nous attendons maintenant le verdict qui devrait nous parvenir d’ici à la fin de semaine.
Note : perso, je suis un adepte du prononcé pénal qui suit – coûte que coûte pour les horaires de tout le monde – les plaidoiries et les délibérés. Comme ça les Juges restent dans la continuité des débats et de l’impression qu’ils leur ont laissé. S’il part juste après la séance faire ses courses, le lendemain, le dossier retrouve son caractère impersonnel. Mais voilà, la nouvelle procédure pénale ne permet pas au magistrat de juste réfléchir aux éléments qui viennent de lui être soumis, puis de revenir dans la salle avec une décision. Il faut respecter tout une batterie de contrainte et le greffier doit suer pour mettre tout ça en forme. La moindre broutille prend donc inévitablement plusieurs heures pour préparer l' »ouverture du dispositif en séance publique ». Donc,à moins que les plaidoiries n’aient soulevé des points fondamentaux dont on craint qu’ils ne s’égarent dans les limbes s’ils ne sont pas discutés de suite, on accepte souvent de recevoir par courrier la décision… En se demandant si on a bien fait.
Le 13…
… où c’est un vendredi…
… et il y a comme une envie de céder à la paranoïa qui taraude souvent l’avocat. Dame, si on pouvait faire confiance au système, ça se saurait !
Mais, tout de même, dans le courrier il y a le verdict de l’affaire de mardi : acquitté.
C’est bien. Et c’est juste je pense. Parce que lire ce dossier et ne pas ressentir un malaise quant au point de vue exprimé par le Parquet au travers de la sanction (même modeste) prononcée contre mon client témoigne au minimum d’une indifférence inquiétante quant à la vocation de l’avocat public.
Comme disait si bien Michel :



