Les avocats, le terroriste et le Silence
10/19/2016 § 2 Commentaires
Extrait du Journal @MeFaire, du 17 octobre 2016 où l’on remonte le fil de l’actu que l’on a zappé la semaine dernière.
Et c’est ainsi que, parmi les nouvelles qui retiennent l’attention, il y a cet article du Nouvel Obs sur les avocats d’Abdeslam, suspect-clé des attentats du 13 novembre à Paris, qui jettent l’éponge parce que leur client a décidé de se taire.
Première info intéressante, chez nos voisins gaulois, le prévenu, même s’il a droit à un avocat d’office, peut comparaître à l’instruction sans avocat. Ce n’est que devant le Tribunal que la présence d’un défenseur patenté est obligatoire pour les infractions graves.
Sur nos monts, tout d’abord, l’instruction n’est, depuis 2011, plus menée par un Juge d’instruction, magistrat investigateur séculaire qui a disparu au profit du seul Procureur. Vous trouverez dans Coal Wars quelques développements sur cette brillante idée qui a eu pour principale conséquence de déséquilibrer la phase préliminaire du procès pénal.
Ensuite, même durant l’instruction, la présence d’un avocat est nécessaire dans les cas dits de « défense obligatoire », soit s’il s’agit notamment d’une infraction grave. Donc pas question pour un prévenu qualifié de terroriste de comparaître sans avocat. Même s’il refuse, un mandataire lui sera commis d’office et sera tenu de l’assister, même si sa tâche risque d’être compliquée.
Rappelons tout de même au passage que, en marge de la question de savoir si le prévenu veut être défendu (ou pas), en France, comme en Suisse (et en principe dans tous les pays civilisés), le premier droit de l’accusé est celui de se taire, que ce choix découle d’une stratégie de défense, ou d’une décision aux motivations toute personnelle.
Ce qui est plus surprenant dans cette importante tournure du procès le plus médiatisé de France, c’est le choix des deux avocats – Mes Frank Berton et Sven Mary – de quitter le navire justement parce que leur client a dit qu’il ne parlerait plus.
Un client qui se tait, cela rien d’inhabituel. Parfois même, on préfère. ça évite les mauvaises surprises ! Mais l’avocat de l’accusé devenu muet continue en principe sa mission de s’assurer que son client, même le pire des salauds, soit jugé équitablement.
« Nous l’avons dit dès le début, nous avons prévenu que si notre client reste muet, nous quitterons sa défense » aurait déclaré Me Berton. Même présenté ainsi, cet abandon de poste reste surprenant. Et on ne voit pas dans l’une des justifications avancées par ces deux Confrères, soit les conditions de détention particulièrement dures d’Abdeslam, un semblant d’explication plausible.
Le but de ce billet n’est pas de jeter la pierre à ces deux avocats, ou de les traiter de lâches. Rien que d’avoir accepté le mandat initial mérite le respect, car cela nécessitait une dose de courage que peu de Confrères auraient. Pas seulement par peur pour eux-mêmes, ou pour leur carrière. Mais surtout pour leurs familles et leur entourage.
Il y a simplement dans cette décision comme une une part de mystère qui ne peut trouver une explication que dans le caractère extraordinaire de cette cause dont les enjeux dépassent l’arène judiciaire. Si le prévenu reste silencieux et ne dévoile rien du processus qui l’a amené à commettre ses actes ni des soutiens dont il a bénéficié, le procès publique prendra une toute autre dimension. On se retrouvera dans la situation de certains procès dits « de rupture ». Et là, il aurait fallu quelqu’un du calibre de Jacques Vergès pour relever le défi. Et il se serait probablement mis sur les rangs…
Aux dernières nouvelles, la famille d’Abdeslam l’appelle à revenir sur sa décision de se murer dans le silence. Les parties civiles aussi. On ne peut que les comprendre.
Bon et grand confrère
je partage ton avis.
Toutefois il reste Me Verges et si Verges est trop vieux ou trop « brûlé », on peut toujours leur prêter Barillon.
Comme quoi, c’est rassurant d’avoir des valeurs sures.
Bonne soirée et sois génial
A bientôt
Paolo
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Mon Cher,
Le grand Vergès nous a quitté il y a deux ans. Génial, certes, mais delà à plaider d’outre-tombe
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