Sun Tzu, l’avocat stratège de la subtilité
10/25/2016 § 2 Commentaires
Extrait du Journal @MeFaire, du 20 octobre 2016…
… où, en rattrapant son retard dans la lecture de la Revue de l’Avocat (6/7 2016, p. 255), on tombe sur un article intéressant consacré aux « Similitudes entre les outils militaires pour l’aide à la prise de décision et la pratique du métier d’avocat ». Original comme approche. La contribution est rédigée par deux Confrères évidemment habitués à troquer la robe pour le treillis.
Selon eux, schémas à l’appui, il y a, un parallélisme indéniable entre notre beau métier et les activités de conduite de la chair à canon en cas de conflit, notamment quand il s’agit de prendre des décisions, afin d’allier pragmatisme et efficacité dans l’exécution du mandat.
On poursuit la lecture des numéros en retard, et dans le suivant de la même Revue (8/2016, p. 325) on trouve cette fois tout un laïus intitulé « Technologie et Avocature) qui nous vante cette fois les changements technologiques qui ont « impacté » – c’est joli comme terme, ça fait sérieux, mais on ne sait pas vraiment ce que ça veut dire – notre profession. Il paraît qu’il existe des logiciels qui, bientôt, seront à même de formuler des conclusions à notre place !
Les Napoléon des prétoires seraient-ils menacés par le Big Data ? Heureusement, les 2 articles, en guise de conclusion, rappellent que, toutes ces théories, c’est bien joli, mais rien ne remplace pas la matière grise et l’expérience de l’avocat. Ouf, nous voilà sauvés du Chemin des Dames et de Georges Orwell.
Cela dit, pour revenir à l’approche d’un dossier, au-delà de la rhétorique militaire et d’un schématisme rébarbatif, il existe une adéquation certaine entre une forme de stratégie valables pour les champs de batailles et notre profession. Parce qu’un procès, c’est la guerre. Par contre, l’approche peut être plus « philosophique » (toute proportion gardée) que technique.
Celle de votre serviteur s’est peu à peu forgée autour d’un général chinois qui, ily a quelques 2500 ans, a écrit un opuscule de 13 chapitres intitulés « L’art de la guerre », dans le contexte d’un empire féodal et rural en proie à des guerres intestines incessantes qui ruinaient son économie. Au lieu de prôner la destruction de l’ennemi et la dévastation de son territoire, Sun Tzu proposait une pensée stratégique économique, en soutenant que l’aboutissement de l’art de la guerre consistait précisément à éviter l’usage ultime des armes. Transposée dans la profession d’avocat, cela signifie d’essayer de ne pas laisser au tribunal le soin de trancher le litige, car les dommages collatéraux risquent d’être importants. Au lieu de la manière forte et des schémas procéduraux classiques, l’excellence dans l’art de la guerre juridique consiste donc à ne pas la faire et à amener l’adversaire sur son terrain, sans en avoir l’air.
Sun Tzu estimait que le stratège ne doit pas viser les soldats et les places fortes de l’ennemi, mais son esprit. Voici quelques citations de son crû en guise d’exemple :
- Le meilleur savoir-faire n’est pas de gagner cent victoires dans cent batailles, mais plutôt de vaincre l’ennemi sans combattre
- Quand vous êtes capable, feignez l’incapacité. Quand vous agissez, feignez l’inactivité. Quand vous êtes proche, feignez l’éloignement. Quand vous êtes loin, feignez la proximité.
- Tout le succès d’une opération réside dans sa préparation.
- Tout l’art de la guerre est basé sur la duperie.
- Ne répétez pas les mêmes tactiques victorieuses, mais adaptez-vous aux circonstances chaque fois particulières.
- Il est d’une importance suprême dans la guerre d’attaquer la stratégie de l’ennemi. Attaquez le plan de l’adversaire au moment où il naît. Puis rompez ses alliances. Puis attaquez son armée.
- La pire des politiques consiste à attaquer les cités.
La loi, la procédure, les tribunaux nous imposent souvent un chemin balisé à l’avance. Le fond est donc relativement contraignant. Mais la forme nous appartient. Voilà qui est déjà plus encourageant que le Big Data pour éviter Waterloo…
Coucou
Cela me rappelle les belles manÅuvres militaires que nous faisions : d’abord c’était le bordel, personne ne savait ce qu’il devait faire, le matériel manquait, personne n’était au rendez-vous. Quand le bordel était ingérable on se tirait au bistrot, de préférence dans l’arrière salle pour ne pas se faire repérer. Puis on réapparaissait. On se mettait un peu de boue sur les habits et on prenait une mine épuisée. Les officiers revenaient. On se mettait en groupe, alignés, et l’on écoutait l’hymne du bataillon (le célèbre plom plom plom podopopom). Puis un beau gradé dans un bel uniforme tout propre se félicitait. Il avait bien commandé nous avions fait preuve d’engagement et d’efficacité, notre armée était géniale, la Suisse était belle il était le grand orchestrateur de tout ça. On se faisait un beau salut bien militaire et on retournait au bistrot (cette fois dans la salle de devant parce qu’on avait le droit).
La stratégie du dossier, j’admire. Le client ne donne pas tous les papiers. S’il y en plusieurs, il n’y en pas la moitié qui veut la même chose que les autres. Chacun essaye de tirer la couverture à lui et tant pis pour les autres. Puis on va devant le Tribunal. On tombe sur un juge qui a peu, ou pas lu le dossier. On arrive au sommet de la pagaille parce que chacun insiste sur des trucs. Il y a toujours un beau pour pérorer et dire que c’était magnifique. Si on a gagné c’est à cause de lui, et si on a perdu on aurait mieux fait de l’écouter quand il nous disaitâ¦. Et là aussi on finit au bistrot en se disant que la plus noble tâche de l’avocat est de promener son chien après le travail.
Bonne journée et vive la stratégie.
Schtroupf grognon
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Je sens une infime pointe de désillusion en cette magnifique journée pluvieuse…
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