Quand le mot d’excuses de l’accusé se retourne contre lui…
05/19/2016 § 1 commentaire
Extrait du Journal @MeFaire, le 18 mai 2016…
… où nous voilà donc que devant un charmant petit Tribunal d’arrondissement, surplombant un lac non moins charmant, pour le procès de ce braqueur qui, avec ses deux complices, pour obtenir les codes de d’ouverture du coffre-fort, n’a pas hésité à pointer une arme chargée, désassurée, avec une cartouche engagée devant le percuteur, chien armé, sur la tempe de mes clients, 2 employés de banque qui se sont fait interceptés un matin de décembre, à l’aube, à leur arrivée au travail.
L’audience se déroule sans particularité notable. L’accusé persiste dans sa version des faits, selon laquelle il est resté à l’extérieur de la banque pour faire le guet.
Non, Madame la Présidente, ce ne sont pas mes traces de semelles que l’on a trouvées dans le bâtiment, l’un de mes comparses avait les mêmes. Mon ADN sur le pistolet ? C’est uniquement parce quje l’ai touché avant en le donnant à mon complice. Quant au fait que mes fringues sont strictement les mêmes que l’individu sur la vidéo qui menace et frappe les deux employés à terre, on était tous habillés la même chose, cela ne veut rien dire.
L’un des moments forts de l’audience reste l’audition de l’un de mes clients, visiblement encore très marqué par ces événements. S’exprimant avec une rare pudeur, il en est presque à minimiser son vécu après les faits, alors que son épouse nous confiait lors d’une pause qu’il faisait encore des cauchemars la nuit et que, il n’y a pas si longtemps, assoupi sur le sofa du salon, il s’était fait réveiller par surprise par son fils qui rentrait à la maison, et avait réagi très fortement.
Un autre point saillant de cette affaire se rapporte aux deux lettre d’excuses adressées par le braqueur à mes clients. Lettres manuscrites, dans lesquelles il reconnaît que l’attaque qu’ils ont subie a été d’une grande violence et qu’il regrette énormément d’y avoir participé.
Élément totalement périphérique d’un procès pénal, la lettre d’excuses est pourtant toujours un argument récurrent dans les réquisitoires du procureur et les plaidoiries des avocats.
Si l’accusé n’en fait pas, c’est le signe d’une bassesse sans nom et la démonstration d’une absence totale de prise de conscience de ses actes, selon le procureur qui va s’en donner à cœur joie, relayé par les avocats des parties civiles.
Si le « méchant » se fend de quelques mots maladroits, griffonnés sur un bout de papier trouvé dans la cantine de la prison, c’est à coup sûr son avocat qui lui a conseillé d’agir de la sorte, pour éviter de s’attirer les foudres du Tribunal. C’est parfois, même souvent, vrai, il faut le reconnaître. L’avocat de la défense glisse souvent ce conseil à son client, car cela fait justement partie de son rôle de conseil. Et ne perdons pas de vue que, souvent, les accusés regrettent réellement leur geste, mais ne savent pas comment faire passer le message étant donné que les cases « éducation » de leurs codes génétiques ne sont pas toutes correctement remplies.
Ce qui est paradoxal, c’est que, dans ce second cas de figure, tout le monde dira alors que ces excuses ne sont que du flan, par ce que c’est l’avocat qui les a dictées. On l’a vu, c’est souvent exact. Mais que faire, puisque, dans les 2 cas, l’accusé sera critiqué ?
Fermons cette petite parenthèse introductive et revenons à notre cas. Pour le Proc’, ces mots d’excuse ne sont que des larmes de crocodiles. Et c’est assurément vrai, vu l’attitude du bonhomme et son passé (14 condamnations à 28 ans, c’est presque le Guiness !¨). Mais il y a mieux. Dans ses lettres, sincères ou non, peu importe, l’accusé reconnaît implicitement être entré dans la banque et avoir personnellement molesté les deux employés pris en otage. Alors, ce fameux mot d’excuses, censé n’avoir d’importance que pour l’appréciation de la mesure de la peine, en devient presque un élément de preuve à charge, ce que son auteur n’avait jamais imaginé.
Il s’en est rendu compte en audience. On ne peut pas dire que les bras lui en sont tombés, mais en tout cas, ses épaules se sont affaissées. Surtout, lorsque le procureur a requis 8 ans de réclusion, alors qu’il espérait manifestement s’en tirer avec environ 5.
Le verdict n’est pas encore tombé. Le Tribunal cogite.
Nous serons fixés lundi…
Bon Confrère Faire,
Concernant les excuses, je constate que les Tribunaux sont très chatouilleux sur les excuses. C’est vrai. Mais pourquoi un Tribunal ne s’excuse jamais. Par exemples il a une heure de retard, il oublié de convoquer un interprète, l’un des pots de fleurs a oublié l’audience, ou qu’un autre pot de fleur a oublié qu’il avait sauté une des parties au procès, ou surtout lorsque le Tribunal supérieur trouve que le jugement a été franchement bâclé. Ne dit-on pas que charité bien appliquée commence par soi-même.
Une brave secrétaire qui avait travaillé pendant 10 ans dans un tribunal disait avec beaucoup de raison que l’on n’a plus de magistrat, on n’a que des fonctionnaires.
On parle du respect que le justiciable doit au Tribunal, mais le respect ça se mérite quand il est imposé par la force, ça peut marcher, mais tout le monde rigole quand le dictateur tombe de son siège.
Donc je souhaite une bonne journée au plus lettré des cogiteurs confrères.
Ton voisin
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