Strasbourg accepte que l’on écoute à la porte du confessionnal

06/20/2016 § 1 commentaire

Extrait du Journal @MeFaire, le 20 juin 2016…

…où l’on apprend que la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) vient de valider des écoutes téléphoniques faites dans une procédure pénale entre l’un des prévenus et son avocat.

Ces écoutes ont servi à valider une procédure disciplinaire pour violation du secret de l’instruction contre l’avocat qui a donc porté l’affaire jusqu’à Strasbourg pour faire reconnaître le droit à la confidentialité absolue des confessions entre un justiciable et son défenseur. Comme l’explique si bien l’avocat mis en cause, la Cour a validé le fait que, désormais, on a le droit d’écouter à la porte du confessionnal !

Cette information permet de faire un parallèle avec une affaire qui a défrayé la chronique du barreau parisien l’année dernière, sauf erreur, et dont nous avions déjà parlé. L’avocat de l’ancien président Nicolas Sarkozy avait été piégé, de manière assez subtile il faut le reconnaître, lorsque son éminent client l’avait appelé à l’aide d’un téléphone prépayé, sachant qu’il était probablement sur écoute. Mais voilà, les policiers n’ont pas tous oubliés d’être idiots. Comme il savait le petit Nicolas en vacances dans son nid d’aigle en pleine cambrousse, il surveillait la seule borne téléphonique des environs et… bingo ! Cette surveillance avait conduit à une perquisition au cabinet de l’avocat et au siège du barreau parisien, ce qui avait déclenché un tollé auprès des gens de robe.

Au-delà du caractère people et politique des enquêtes où Nicolas Sarkozy est mis en cause, se posait tout de même la vraie question de fond : une société moderne basée sur le droit et un État démocratique peuvent-ils tolérer que l’avocat ne puisse désormais plus discuter librement avec celui qui a placé sa confiance, ses intérêts, ses espoirs, bref, sa vie entre ses mains ? Parce que, depuis la Révolution, c’était le cas !

La situation est par ailleurs assez hypocrite. Sauf si c’est l’avocat qui est soupçonné d’avoir commis personnellement une infraction, seul son client peut-être en principe être mis sur écoute. Le problème, c’est que, lorsque le client discute sur sa ligne avec son avocat, rien n’oblige le policier à l’écoute de raccrocher. En France, les règles sont pas très différentes de la Suisse. Au niveau de la pratique, il est tout de même probable que le soi-disant pays des droits de l’homme soit petit peu plus permissif en matière d’enquêtes à connotation politique que sur nos alpages. Ou alors, nos policiers sont plus malins. Sans raccrocher le casque, ils ont la présence d’esprit de ne pas prendre de transcription officielle. Par contre, qu’est-ce qui nous assure que, dans un coin de leur bureau, ils ne gardent pas quelques notes « off the record » sur ces informations de première main, glanées comme ça au passage, et qui n’apparaîtront jamais officiellement dans le dossier ?

Ces discussions confidentielles, peu importe l’usage qu’en fera par la suite le défenseur, voire  son client. Ils doivent être impérativement protégés de toute intrusion potentielle, car il s’agit de l’âme même du secret professionnel auquel est soumis l’avocat. Non seulement, ce secret protège son devoir de loyauté à l’égard de son client. Mais encore, il lui permet d’exercer sa profession hors de toute ingérence extérieure. Certains diront que si c’est le prix à payer pour mettre les criminels en prison, ce n’est pas un problème. Ne perdez jamais de vue que le jour où l’État pourra décider selon son bon vouloir de la manière dont il peut poursuivre les gens et les mettre en prison, sans que quiconque puisse s’élever et réclamer le respect des règles élémentaires du procès équitable, eh bien, ce ne sera plus un État de droit, mais une république bananière !

Sur ce point, les pays anglo-saxons protègent mieux la liberté individuelle. Si une preuve a été recueillie illégalement, elle est tout bonnement inexploitable. Cela conduit certes parfois à des aberrations. Comme le fait d’avoir fouillé un véhicule dans lequel on a trouvé un cadavre par hasard, alors qu’on n’avait pas de mandat, et cette découverte ne peut être opposée au conducteur dudit véhicule. Mais, en tout état de cause, cela donne à l’innocent injustement accusé un moyen supplémentaire de voir respecter ses droits et de ne pas être soumis au libre arbitre des enquêteurs.

Choquant ?

La liste des personnes injustement emprisonnées, voire même exécutées, sur la base d’erreurs judiciaires ou de preuves trafiquées pour coller à la réalité voulue par les enquêteurs, est longue.

Et le jour où vous pourriez être accusé d’un crime que vous n’avez pas commis, vous comprendrez toute l’importance d’une communication libre et sans faille avec la seule personne qui puisse vous sortir de ce mauvais pas, votre avocat !

Cet arrêt de la CEDH anticipe peut-être le monde judiciaire de demain où la société n’aura plus droit à aucun secret, au nom de l’impératif sécuritaire…

 

§ Une réponse à Strasbourg accepte que l’on écoute à la porte du confessionnal

  • Me Pidji dit :

    Coucou mon bon voisin que je vois peu

    On peut se poser la question de façon plus générale : tout ce que les policiers / procureurs / juges savent et qui ne figure pas dans le dossier. Tant qu’il s’agit d’informations réelles, la décision est formellement fausse (car le dossier est lacunaire) mais matériellement juste (il a eu ce qu’il mérite). Par contre, dans cet art du non-dit, du non-écrit, du petit secret gardé entre des personnes sûres, etc, il y a aussi des rumeurs infondées. Et contre ces rumeurs, le principal intéressé ne peut rien faire car elle n’existent pas officiellement.

    Dans un temps passé, il y avait les rumeurs de village, de milieux professionnels, des cercles politiques etc. Maintenant on a des légendes informatiques, liées au piratage de courrier électronique, d’écoutes non validées. La forme change mais le problème reste.

    En résumé, on en revient au bon vieil Esope : tout le monde rit du cocu qui lui ignore tout de son sort.

    Bonne Journée intrépide Chroniqueur

    Pidjiiiiiiiiiiiiiiiiiiii

    J’aime

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