Du sens d’un procès l’année du Singe…

02/23/2016 § 4 Commentaires

Extrait du Journal @MeFaire, le 22 Février…

… où nous nous interrogeons sur le sens de la vie, de l’amour, de l’année du singe et de certains procès !

Nous voici dans une salle d’audience, ce lundi matin, pour discuter d’un accident de circulation qui a eu lieu il y a… sept ans.

D’un côté, l’accidenté et son avocat. Ce doctorant, motard au moment des faits, s’est fait couper la route par un véhicule. Il a chuté, traumatisme crânio-cérébral (TCC) léger et une atteinte sans complication au genou gauche. Même pas un jour d’hôpital. Selon la littérature médicale versée au dossier, le TCC et l’atteinte au genou étaient guéris après un mois. Et puis, brusquement, enfin, « brusquement », c’était quand même plus d’une année après l’accident, notre motard a subitement mal aux deux genoux (alors que le constat post-accident ne fait mention que du seul genou gauche, vu l’angle du choc). Aujourd’hui, rien n’y fait, il ressent une « gêne ». Directeur d’une start-up en levée de fonds, il vient réclamer une somme coquette à l’assurance que représente Bibi pour le tort moral subi consécutivement à l’accident, mais aussi et surtout pour l’atteinte à son avenir économique, par ce que son mal de genou va vraisemblablement l’empêcher dans le futur de développer correctement son entreprise. Rappelons que le quidam n’est pas grutier, mais actif dans le Pharma.

Du côté de l’assurance, nous considérons que, un mois après l’accident, le cas était réglé. Les douleurs ressenties au genou sont, selon certains des médecins consultés, dues à un syndrome maladif (donc d’origine non accidentelle). En plus,  il n’y a aucune atteinte au futur professionnel dans cette branche.

Durant l’audience, notre motard a déclaré que, parfois, dans les voyages, notamment lorsqu’il prend l’avion, il a mal au genou à l’arrivée et, comme il doit souvent se déplacer, ça ne va pas !

Aujourd’hui, sept ans après le début de cette histoire, ses frais d’avocat ont pris l’ascenseur et il n’est donc plus question de transiger à moins de recevoir une portion non négligeable du montant qu’il réclame, geste que l’assurance n’est pas disposée à faire, puisque, selon ses calculs, que je partage, les prétentions résiduelles possibles ensuite de cet accident, compte tenu de la situation décrite par certains médecins, certes plutôt du côté de l’assurance, ne laisse la porte ouverte que pour quelques milliers de francs, hors frais d’avocat (qui sont, dans la règle, pris en charge, mais en proportion du dommage). En clair, on veut bien vous donner un peu de sous, mais ce sera des clopinettes par rapport à ce que vous réclamez. Et ça, forcément, de l’autre côté, ça fâche…

Toutes les deux parties sont intimement convaincues d’avoir raison et mon brave Confrère défendant l’accidenté est d’humeur un brin soupe au lait ce matin. Il s’évertue à stigmatiser le comportement odieux de l’assurance qui refuse d’entrer en matière sur ses prétentions légitimes… Moi qui croyait que le principe du procès était le « contradictoire », apparemment, je fais fausse route.Le droit d’avoir une opinion divergente n’est pas reconnu de l’autre côté de la barre.

Au milieu, le Président du Tribunal. Homme pétri de bon sens et d’expérience, qui tente de trouver un terrain d’entente possible, pour au moins couvrir les frais du demandeur et du procès, ce qui représente environ le quart du total des prétentions. Souvent, le magistrat lorsqu’il se targue de vertu conciliatrice aime bien couper la poire en deux. Ici, son discours se résume à nous inciter à uniquement couvrir les frais et à en rester là, plutôt que de partir dans une expertise médicale inévitable, pour séparer le bon grain de l’ivraie. Deux années de procédure supplémentaire au bas mot et plusieurs milliers de francs de frais supplémentaires à n’en pas douter.

Tous les deux avocats, nous savons qu’il dit vrai.  A la fin, il y aura vraisemblablement au moins une partie très malheureuse et peut-être même les deux.

Mais que faire ? Du côté de l’assurance, nous sommes forcément les méchants qui ne voulons pas bourse délier face à la misère humaine. Sauf que le médecin conseil, qui est justement médecin, dit que nous avons raison. Un expert tiers consulté pour avoir justement un deuxième avis confirme. Un troisième abonde dans notre sens. Dans ces conditions, difficile de tenir un discours tel que : « Nous sommes convaincus d’avoir raison, mais comme nous sommes une assurance, nous allons quand même payer ». Si une telle philosophie de nos grands groupes a eu cours il n’y a pas si longtemps, depuis belle lurette, elle ne correspond plus du tout à l’ambiance actuelle, où chaque gestionnaire doit rendre des comptes. On paie le dommage uniquement quand les conditions légales sont réunies. C’est à ça que servent les juristes. Ce postulat provoque l’ire et la prose acerbe de certains Confrères demandeurs. La plupart oublient qu’ils tenaient le discours inverse, quand ils défendaient auparavant l’assureur. Il provoque aussi l’incompréhension de certains magistrats : « Mais, bon sang, ce n’est pas ça qui va vous mettre sur la paille, alors payez pour éviter le procès ». Facile à dire quand on ne parle pas de ses sous. Et le magistrat fonctionnaire est généralement très peu au fait des des charges d’une entreprise, lui qui n’a jamais payé la moindre facture pour son personnel…

Voilà où nous en sommes aujourd’hui, après trois heures d’audience. Une expertise est en route. À la fin, si l’assurance doit payer, c’est que nous n’avons rien compris à la prose médicale. Si l’assuré perd, ce sera à coup sûr une victime du système injuste où les gros poissons mangent toujours les petits…

L’année du singe sera-t-elle celle de la soupe à la grimace ? Vaste question…

§ 4 réponses à Du sens d’un procès l’année du Singe…

  • Le Tigre dit :

    Pour une fois, je souhaite que vous perdiez, même si le cas est de fait en votre faveur, les assurances ont lésés des centaines de milliers de personnes en souffrance, ce ne serait qu’un juste retour et pas cher payé.

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    • maitrefaire dit :

      Cela ne signifie pas qu’une personne qui n’est pas en souffrance puisse obtenir une indemnisation pour un dommage qu’elle ne subit pas. Ici, ce n’est pas l’assurance qui décidera, mais la justice qui tranchera, via les médecins.

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  • Je ne sais pas qui a raison (je n’ai pas ce pouvoir), mais je trouve scandaleux que pour résoudre une telle affaire il faille attendre plus de 7 ans … Cela montre que la justice ne fonctionne pas de façon normale.

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    • maitrefaire dit :

      En l’occurrence dans ce genre d’affaires, il faut attendre que la situation médicale puisse être considérée comme stabilisée et définitive.C’est souvent ce qui prend du temps dans les cas de RC. 7 ans, c’est un peu plus long que la moyenne, mais ce n’est pas encore « anormal »

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