Hannibal or not Lecter ?
06/24/2012 § Poster un commentaire
Cette question ne taraude pas seulement les Norvégiens. Elle nous interpelle tous. Anders Breivik est-il fou ou doit-il être tenu pour responsable de ses actes ?
Le tueur d’Oslo et de l’Île d’Utoya ne se présente plus, même s’il a gardé tout son mystère, comme le titrait ce dernier dimanche Le Matin. Alors quand on ne comprend pas on extrapole, comme ce spécialiste qui l’a examiné et décrit sa rencontre comme celle de Jodie Foster avec Hannibal Lecter dans Le silence des agneaux.
Au-delà de l’aspect médiatique, cette affaire pose (à nouveau) la question récurrente de la distinction entre la folie et donc l’irresponsabilité pénale, avec tout ce que cela comporte de frustrant pour les victimes et ce qui permet de déclarer une personne responsable d’un acte aussi épouvable que de tuer de sang froid 77 personnes.
C’est vrai que la réponse peut paraître rhétorique. Car, internement ou emprisonnement, l’univers de Breivik se limitera dorénavant à quatre murs. Mais, nous autres humains sommes comme cela. Il nous faut comprendre. Et là, personne ne comprend. Les experts sont partagés. Ils se sont exprimés devant le Tribunal. Le Procureur a fini par se ranger du côté des partisans de la folie et a demandé l’internement. A-t-il décidé de frapper l’accusé de la seule manière dont il pensait pouvoir l’atteindre ? Breivik ne veut surtout pas être pris pour un fou a-t-il clairement déclaré depuis son arrestation. Ou s’est-il rangé du côté du bon sens populaire ? Selon Simon Wessely du King’s College de Londres , l’acte était si monstrueux et ses conséquences si terribles que son auteur devait être fou. Forcément…
Ce qu’on ne comprend pas doit s’expliquer par la folie. Nos esprits cartésiens ne peuvent admettre une autre explication. Les fous sont les miroirs de nos âmes et nous nous sentons rassurés tant qu’ils respectent cette frontière, certes fragile. Sinon où allons-nous ?
Si Breivik avait agi en Helvétie, la question se poserait pratiquement dans les même termes. Notre Code pénal aborde la questionavec des mots très simples. L’auteur n’est pas punissable si, au moment d’agir, il ne possédait pas la faculté d’apprécier le caractère illicite de son acte ou de se déterminer d’après cette appréciation (art. 19 al. 1 CP) et le juge ordonne une expertise s’il existe une raison sérieuse de douter de la responsabilité de l’auteur (art. 20 CP). Le massacre de 77 innocents au nom d’une quelconque idéologie serait considéré comme une « raison sérieuse » en Suisse. Et nous assisterions à la même bataille d’experts et nous serions devant les mêmes incompréhensions et les mêmes interrogations. Ce gars impassible – ou presque . qui n’a pratiquement jamais bronché après 43 jours de procès, est-il un dangereux cinglé qui restera dans les annales judiciaires ou un citoyen sain d’esprit, mû par une motivation politique, susceptible d’avoir comme coreligionnaire notre voisin de palier ?
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