Bientôt, il ne restera que les baby-foot…
01/17/2019 § 1 commentaire
Extrait du Journal @MeFaire du 14 janvier…
… où, avec Me Will, nous enfilons blouses vertes, masques de protection et attrapons bistouris et scalpels ! Euh… enfin, façon de parler.
Bon, pas besoin d’anesthésiant ou d’oxygène certes, mais l’intervention quasi chirurgicale à laquelle nous allons procéder est d’importance. Nous mettons en effet la dernière main à un recours qui nous tient particulièrement à cœur. Il s’agit de cette affaire qui a vu la condamnation pour lésions corporelles par négligence d’un jeune footballeur, dont le tacle de la 15′ avait malencontreusement blessé son adversaire à la cheville.
Et là, on ne parle pas de n’importe quel recours, d’où le stress qui nous taraude depuis quelques lunes. En effet, c’est maintenant à l’autorité judiciaire suprême de notre beau pays, le Tribunal fédéral (TF pour les connaisseurs), qu’il revient de trancher ce dossier.
Bien sûr, nous n’aurions évidemment pas souhaité en arriver là. Malheureusement, le 30 janvier dernier, le Juge de première instance s’est égaré en retenant, à tort, que la victime n’avait plus le ballon dans les pieds au moment du tacle. D’où un comportement coupable de cet impétueux défenseur, alors que ce constat est contredit par les pièces du dossier. Quant aux Juges de la Cour d’appel, ils ont emprunté un autre chemin pour confirmer la condamnation de notre client, avec un raisonnement tout aussi contestable. De leur point de vue, puisqu’il y a eu blessure du joueur et carton jaune, même s’ils admettent qu’il s’agit d’une imprudence et non d’une faute grossière, ils considèrent qu’il s’agit d’une « violation importante » (sic) des règles du jeu. Pourtant, l’arbitre avait clairement déclaré à l’enquête que, même s’il était écrit dans son rapport que le carton jaune avait été infligé pour « jeux dur », il était clair pour lui que notre client n’avait pas eu l’intention de blesser et qu’il jouait le ballon, en étant en retard certes, « … mais si en retard que ça. »
Voilà pourquoi cette affaire prend le chemin de Lausanne, sous l’œil attentif des instances footballistique locales et même suisses. Il y a de quoi être nerveux en effet. Et pas seulement pour l’avenir du foot. Si cette condamnation est maintenue, cela signifierait que, sur un terrain de jeux, il vaut mieux ne pas prendre le risque de défendre et d’aller au contact avec l’adversaire pour tenter de lui prendre la balle, le puck, etc., ce qui est, rappelons-le, le but du jeu. Car si on le blesse par mégarde, celui-ci pourra en toute sérénité déposer une plainte pénale qui aura toute les chances d’aboutir à une condamnation. Parce que si l’on suit la logique aseptisée de nos Juges d’appel, un joueur ne devrait surtout pas prendre le risque de causer une blessure à son adversaire, car cela constituerait une « violation de son devoir de prudence ». Donc, plus question pour un joueur… de jouer.
Depuis la fameuse affaire Chapuisat Favre, une telle conception va à l’encontre de la plupart des jugements rendus en Suisse et dans les pays voisins en matière de blessures sportives. Jusqu’ici l’idée était de sanctionner – pénalement – l’action du joueur effectuée « contre le jeu », soit la brutalité ou la violence délibérée, et de laisser en dehors du pré carré du droit pénal toutes les autres actions intervenant « dans le jeu », qui découlent de l’engagement inévitable des acteurs d’une rencontre sportive. Et si une blessure survient, cela fait partie du risque connu accepté par celui qui rentre sur le terrain.
Pour revenir maintenant à des considérations plus techniques, un recours au Tribunal fédéral n’est jamais une mince affaire. Même si certains parallèles peuvent être faits avec le monde médical, en matière judiciaire, ici c’est l’incertitude qui prédomine. Alors que, dans une salle d’opération, le médecin n’a pas vraiment de place pour le doute et que chacun de ces gestes sont précis, millimétrés, avec Me Will, nous alternons les certitudes avec le flou et les doutes. D’abord convaincus d’un argument, avant de le relativiser. Nous soulevons un grief, pour se demander ensuite s’il ne pourrait pas être finalement contre-productif. Deux théologiens en train de discuter du sexe des anges…
Et pourquoi donc ? Parce que notre Haute Cour n’est pas une instance d’appel. Se limiter à démontrer que les juges précédents auraient dû choisir une autre solution, parce que celle du jugement se révèle inopportune, conduira inévitablement à un rejet. Il faut au contraire présenter, « par une démonstration précise et soignée » que la solution retenue par la dernière instance cantonale est arbitraire. Selon la jurisprudence, cela signifie qu’en aucun cas on ne pouvait arriver à un tel résultant, parce qu’il est insoutenable, choquant et heurte le sentiment de justice !
Vaste programme… des mots, pour en qualifier d’autres, souvent suivant l’air du temps. Mais nous n’avons pas d’autres solutions pour rétablir une situation gravement injuste.
En tous cas, nous sommes prévenus. Nous avons lu des tonnes d’arrêts où, en termes assassins, notre Cour suprême renvoie le recourant à la niche, parce qu’il s’est fourvoyé sur un terme. La critique du recourant est purement appellatoire… Circulez ! Il n’y a rien à voir… Mais l’espoir fait vivre paraît-il et l’on espère que, parmi ces docteurs de la science juridique siégeant à Mon-Repos, il y en a quelques-uns qui ont eu une balle au pied ou dans les mains dans leur prime jeunesse et savent que les blessures sont inhérentes à la pratique du sport, en particulier quand deux équipes s’affrontent pour la gagne. Sinon, on pourra bientôt remplacer la Champions League par des tournois de baby foot…
En mode Blitz préfectoral (part two)…
12/17/2018 § 1 commentaire
Extrait du Journal @MeFaire, décembre 2018…
Le 11…
… où l’on s’offre un remake du jeudi 6.
L’après-midi tire sur sa fin, quand le premier coup de tonnerre annonciateur de l’orage éclate dans l’Inbox. Un ami journaliste nous informe que notre merveilleux Préfet a encore frappé. Pour des raisons qui lui appartiennent, il vient de rendre une nouvelle décision qui. cette fois, concerne les horaires d’ouverture des commerces de notre cité pour les 2 prochains samedis de l’Avent. Le verdict est tombé : exclu de prolonger l’ouverture pour tout commerce ne se situant pas dans cette fameuse zone historico-touristique qu’il a lui-même défini, de bénéficier d’une heure supplémentaire les 15 et 22 décembre.
L’association faîtière des commerçants locaux se manifeste juste après le courriel, par la voix de son président. Peut-on réussir une seconde fois l’opération de commando de la semaine dernière ? Arriverons-nous à obtenir du Tribunal cantonal à nouveau une décision accordant provisoirement l’autorisation à tous les commerçants de la ville d’ouvrir ?
Après un rapide tour de table, la décision est prise : on fonce !
Le 12…
… où donc, c’est rebelote. La nuit fut un peu moins blanche, car nous disposons de quelques heures de plus que la dernière fois. Elles ne sont pas de trop, car la problématique de cette décision est tout de même un peu différente de la précédente (extension d’horaires d’ouverture sur un samedi contre autorisation de travailler un jour férié, même si fait toujours de samedis dont il est question).
Votre serviteur, et nos 2 padawans, s’évertuent depuis l’aube, jusqu’en fin d’après-midi, à déposer une démonstration cohérente de… l’incohérence du raisonnement préfectoral, qui opère à nouveau des distinctions sans fondement entre différentes zones de la ville, considérant notamment que certains quartier de la Basse-Ville, très éloignés du Marché de Noël, lui sont reliés géographiquement, alors que d’autres secteurs, beaucoup plus voisins, où sont regroupés l’essentiel des commerces de la ville, devraient être privés de la possibilité de travailler une heure de plus. Sans compter l’iniquité de priver certains commerçants de la possibilité d’ajouter du beurre sur les épinards, contrairement à leurs concurrents de la rue d’à côté. En langage juridique, on appelle ça arbitraire, disproportionnalité et inégalité de traitement.
Et c’est ainsi que, alors que le soleil descend, Me Will, notre Hermès de circonstance, se retrouve à dévaler les rues pavées de notre cité historique pour la seconde fois en 7 jours. Au greffe du Tribunal cantonal, où la secrétaire le voit arriver à nouveau tout essouffler et transpirant, elle ne peut s’empêcher de lâcher un : « Oh non, encore vous, mais qu’est-ce que vous voulez cette fois ? » Quand, il y a des lustres, Hermès se pointait porteur d’un message, l’accueil était tout de même un peu plus déférent…
Il est mercredi, 16h25. L’attente peut commencer.
Le 13…
… où cette attente se poursuit durant toute la journée.
Radio couloir nous indiquait avant-midi qu’une décision serait vraisemblablement prise en fin d’après-midi. Vers 17h30, c’est le découragement du côté des commerçants. Message Whatsap du président des commerçants : « Bon, c’est foutu pour aujourd’hui. »
Avec Me Will, nous tournons en rond dans la FaireCave. Quand, soudain, à 18h10, un mail sonne la délivrance. C’est à nouveau gagné, en tout cas pour le samedi 15, ou tous les commerçants de la Ville sont autorisés par voie de mesures provisionnelles urgentes à prolonger l’horaire d’ouverture d’une heure.
Soulagement, mêlée d’incompréhension quant à cette limitation au samedi 15. Réflexion faite, l’urgence nous a sans doute été accordée en raison de la proximité de cette date. S’agissant du 22, la possibilité sera vraisemblablement donnée au syndicat de faire valoir son point de vue. Il n’y a rien à redire à cela. c’est la garantie du droit d’être entendu, l’un des principes cardinales de toute procédure judiciaire, même si elle est accordée dans ce cas présent à une partie qui préférerait se voir débarrassée de tout contradicteur. Pas de chance, Messieurs, nos institutions judiciaires fonctionnent, même si c’est dans l’urgence…
En mode Blitz préfectoral (part one)…
12/17/2018 § 1 commentaire
Extrait du Journal @MeFaire, décembre 2018…
Le 6…
… où il allait être l’heure de fermer boutique quand le portable sonne.
Votre serviteur conseille parfois les associations faîtières de commerçants, ou leurs membres, notamment dans le dédale juridique des autorisations administratives qu’ils doivent obtenir, surtout en cette période de fin d’année, ou des extensions d’heures d’ouverture des magasins sont sollicitées. Un de leurs responsables informe que notre cher Préfet a rendu une décision absurde. Il autorise les commerçants de certaines rues piétonnes de notre bonne ville à ouvrir ce samedi 8 décembre, mais pas celle où justement se tient le Marché de Noël !
8 décembre, jour de l’Immaculée Conception, fête catholique inventée par un pape pourtant assez misogyne, et donc jour férié dans notre bourg. Sauf que c’est un samedi de l’Avent, où en règle générale les commerces se font dévaliser par des hordes de zombies atteints de fièvre acheteuse…
Autre problème, et non des moindres, le 8 décembre, c’est après-demain !
Peut-on faire quelque chose, s’inquiète-t-on du côté des comités associatifs ? Oui, en théorie – le pays où tout va bien – on peut déposer une requête de mesures provisionnelles urgente (doux euphémisme !) auprès du Tribunal cantonal demain matin, aux premières heures, afin qu’une décision soit rendue dans l’après-midi, du moins on l’espère. Les Tribunaux civils de première instance ont l’habitude de se genre d’opérations de la dernière chance. A l’échelon supérieur, c’est plus rare de venir déranger les Juges à la dernière minute.
C’est parti. Les documents affluents par voie électronique. L’absurdité de cette situation où un magistrat veut priver d’ouverture un Marché de Noël et les commerces alentours un samedi férié avant Noël, au motif extravagant que que, même s’ils sont contigus à la zone touristique de la Ville, ils ne sont quand même pas dedans,
…
qu’à cet égard, le quartier du Bourg, dont fait partie la rue de Lausanne selon le Service de la police
du commerce, est considéré comme un site touristique selon l’article 3 alinéa 1 lettre a RCom, entré
en vigueur le 1er octobre 2018 ;
qu’à l’aune de cet élément tout fraîchement entré en vigueur, il convient d’avoir une vision plus
extensive de l’application de l’article 7 RCom et de la notion d’ « autres manifestations analogues»
en ce qui concerne la rue de Lausanne et d’admettre l’ouverture exceptionnelle des commerces s’y
trouvant le samedi 8 décembre 2018, sachant de surcroît que des animations de nature festive s’y
dérouleront ;
…
(si on ajoute que cet art. 3 RCom n’est même pas encore en vigueur, ce qui a « échappé » à ce magistrat, et que reléguer au rang des animations non festives un Marché de Noël laisse planer un sérieux doute sur le degré de réflexion qui a servi de base à cette décision)
bref, ces constats émotionnels cèdent maintenant le pas à la réflexion juridique pour contrer les arguments du syndicat à l’origine de cette procédure.
La nuit sera blanche, à n’en pas douter…
Le 7…
… où la nuit fut effectivement quasi-blanche, mais le recours, doublé d’une requête de mesures provisionnelles demandant l’autorisation d’ouverture pour les commerces concernés le lendemain est sous toit.
Aujourd’hui, on pourrait considérer que l’on peut maintenant se reposer, puisque c’est la journée de formation de notre Ordre. Comme à l’accoutumée, elle rencontre un grand succès. Elle est suivie par de très nombreux confrères, mais aussi, et là c’est plus embêtant, par bon nombre de nos magistrats de 2e instance.
Quand, vers 10 heures du matin, ce cher Me Will dévale ventre à terre les pavés de la Vieille Ville pour rejoindre le Greffe du Tribunal cantonal, afin de déposer notre requête, il faut quand même s’assurer auprès du secrétariat de la Cour administrative qu’il y a bien encore un juge cantonal pour traiter notre dossier. Heureusement, la réponse au coup de bigo de 9h58 est « oui ! » (parce que, sinon, il aurait fallu aller en dénicher un !). Par contre, nous dit-on, on ne peut pas garantir qu’il sera en mesure de statuer avant la fin de la journée, parce que, quand même, on est vendredi…
C’est ainsi que nous nous retrouvons, avec un Me Will à l’état quasi liquide, vu l’aller-retour marathonien qu’il vient de s’infliger, à exercer notre patience, les yeux rivés sur nos IPhones en attendant des nouvelles, assis dans une salle surchauffée à écouter des conférences sur des thèmes juridiques divers.
Peu avant 16 heures, toujours pas de nouvelles et plus que 20% de batterie à force de pianoter. On se risque à faire un téléphone au Greffe des Augustins. Oui, oui, la décision est dans le pipeline, mais bon, ça prend du temps, on est vendredi tout de même, faut pas l’oublier ! Et, de toute manière, nous n’avons pas à nous inquiéter, on nous l’enverra par la poste ! Euh… oui, c’est bien gentil Madame, mais demain, c’est samedi, férié, et la décision concerne justement ce jour-là. Une notification par voie électronique ce soir serait la bienvenue…
17h35, 8%, en plein apéritif post conférence, la décision tombe. C’est gagné ! Les commerçants de la rue de Romont et le Marché de Noël pourront ouvrir demain. Le syndicat peut donc revoir sa copie, lui qui clamait haut et fort dans le journal que la décision du Préfet était une bénédiction, que les « salariés de la vente » étaient sauvés de l’ogre patronal et qu’ils allaient faire jurisprudence. Quand on connaît la situation délicate du commerce de détail face à internet, de tels propos sont non seulement irresponsables, mais de surcroît malhonnêtes
Bon, on pose notre coupette d’infâme suppôt des exploiteurs de la vente. Maintenant, il faut informer toutes les personnes concernées…
