Quel beau gâchis !
11/17/2019 § 1 commentaire
Extrait du Journal @MeFaire des 14 et 15 Novembre, où il faut pas moins de 6 post-scriptums pour analyser la déroute de l’accusé, du procureur et des lésés dans l’affaire de criminalité économique qui agite la Comté depuis 2014
Le 14 donc…
… où l’on obtient la prolongation de délai la plus courte jamais demandée : 1h30.
Une détermination devait être adressée au tribunal jusqu’à 16 heures quant à l’audience du Tribunal pénal économique du lendemain. À 15h58, un mail est adressé au Président, sollicitant une prolongation jusqu’à 17h30 de cette deadline. À 16h03, notre courriel revient avec le sceau du magistrat : accordé !
Ouf, on a eu chaud.
Le 15…
… où l’on croyait naïvement avoir mit le doigt sur un problème juridique bien couillu.
La levée du séquestre portant sur la confiscation du produit de la vente d’un bien immobilier en faveur de l’ex-épouse d’un gérant de fortune accusée de diverses infractions de droit pénal économique. Motivation de la requête, pour laquelle on avait obtenu la veille une prolongation de délai du Tribunal de 1h30 : le Ministère Public (MP) n’a pas démontré que cette somme était « polluée » – selon ses propres termes – par le produit des infractions reprochées au gérant de fortune.
Cela n’a l’air de rien comme ça, mais les mécanismes juridiques mis en branle par ce genre de problème sont plutôt complexes, car il fait intervenir non seulement le droit pénal (confiscation du produit de l’infraction), le droit matrimonial (exécution du jugement de divorce) et le droit des poursuites (saisie des biens de l’épouse demandée par les personnes lésées par les actes de l’époux).
Eh bien, avec notre requête de levée de séquestre, nous sommes battus à plate couture par notre excellent Confrère du bout du lac, qui, au nom du Traité d’entraide judiciaire entre la Suisse et l’Australie, plus particulièrement son article 19, sans vient demander une juste compensation pour ses clients australiens qui, à leurs corps défendant, ont subi à tort les conséquences du tsunami déclenché par l’enquête pénale menée en Suisse contre ledit gérant de fortune !
PS 1 : et le plus interpellant dans toute cette histoire, c’est que, séquestre ou indemnisation, là, n’était pas l’objet principal de la procédure. Il s’agissait pour le Tribunal pénal économique (TPE) d’entériner la procédure simplifiée au cours de laquelle le MP proposait une peine globale de 5 ans d’emprisonnement contre l’accusé, le gérant de fortune donc, solution que ce dernier avait acceptée. Un genre de plea bargain en somme.
Comparaissait donc que ce matin devant le TPE, ledit gérant bien sûr, le représentant du Parquet qui a mené toute l’instruction, les avocats qui représentent les lésés, lesquelles doivent approuver la procédure, ce qu’ils ont fait, mais aussi les avocats représentant les tiers lésés par la procédure et qui, comme votre serviteur et son confrère du bout du lac, venaient demander de manière tout à fait légitime au nom de leurs clients la clarification de leur situation et de pouvoir enfin en finir avec cette histoire.
Contre toute attente, le TPE a très sèchement refusé la procédure préliminaire, considérant, au regard des faits contenus dans l’acte d’accusation, que l’infraction d’escroquerie par métier était réalisée, ce qui excluait une peine minimale de 5 ans.
PS 2 : l’audience a duré environ 2 heures. 5 minutes ont été consacrées à l’audition du prévenu par le TPE, car celui-ci doit déclarer qu’il a bien compris le sens de la procédure simplifiée accepte la peine proposée par le MP dans l’acte d’accusation, ce qu’il a fait. Le reste du temps a été utilisé pour les plaidoiries concernant non pas les actes jugés, mais uniquement la situation des tiers lésés par les actes de procédure.
PS 3 : fin de l’audience 10h30 environ. Le Président nous convoque pour le prononcé du verdict à… 11h45. 1h15 pour décider de l’acceptation de la procédure simplifiée et rédiger les brefs considérant essentiels y relatifs, c’est déjà limite, mais suffisant. Par contre, pour décider de la refuser sur le motif que l’infraction d’escroquerie par métier est réalisée, que la peine est trop légère et que le MP n’a pas fait son travail, c’est trop court. Donc, le TPE avait au minimum sa petite idée avant l’ouverture des débats…
PS 4 : donc, pourquoi perdre son temps à interroger l’accusé pour lui demander s’il a bien compris les tenants et aboutissants d’une procédure simplifiée, s’il est d’accord avec cette manière de procéder et s’il accepte la peine proposée ? Certes, c’est la procédure, mais tout de même… Et que dire à propos des avocats et du procureur que l’on laisse s’écharper sur des questions périphériques pendant près de deux heures, quant on sait déjà que c’est pour des prunes ?
PS 5 : et que dire aussi d’un tribunal qui renvoie accusé et procureur à la case départ d’une nouvelle procédure en annonçant déjà qu’une infraction supplémentaire grave (l’escroquerie par métier) sera retenue et qu’une peine plus sévère sera prononcée ? On appelle ça « préjuger de la cause » et tant le code de procédure pénale que la Convention européenne des droits de l’Homme l’interdisent…
PS 6 ; résultat des courses, cette affaire sensible qui a éclaté en 2014 va encore durer des mois, voire des années. L’accusé, qui entrevoyait la fin de 5 ans de procédure, un futur professionnel possible, malgré le solde de la peine de prison à effectuer, et la possibilité de dire enfin à ses enfants de quoi demain sera fait, se retrouve face à une porte fermée. Le Procureur se fait renvoyer avec pertes et fracas à ses études. Les lésés vont devoir affronter bientôt de nouvelles audiences, ce qui ne les rendra pas plus riches ni ne comblera leurs pertes. Et les « dommages collatéraux « de la procédures, les « tiers touchés », eh bien, pour l’instant, ils ne touchent rien et devront encore attendre longtemps, que le Procureur détermine enfin ce qui doit leur revenir.
Difficile de trouver quoi que ce soit de positif dans ce résultat, même au nom de la justice avec un J majuscule…
Au rythme de cette procédure commencée en 2014, qui retourne à la case départ en 2019, je me demande si les infractions ne seront pas prescrites le jour du jugement …
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