Un internement « à l’ancienne »…

03/18/2018 § 3 Commentaires

Extrait du Journal @MeFaire, du 16 Février…

… où l’on apprend que Thomas N., le quadruple assassin de Rupperswil, écope d’une peine de réclusion à vie, assortie d’une mesure d’internement simple.

L’un des pires meurtriers que la Suisse a connu ces dernières années se voit donc condamné « à l’ancienne » serait-on tenté de dire.

La réclusion à perpétuité n’est guère étonnante. 4 assassinats, extorsion de fonds, séquestration, prise d’otages, acte d’ordre sexuel avec enfant, contrainte sexuelle, incendie intentionnel, pornographie, faux dans les titres, actes préparatoires de nouveaux assassinats, etc. etc. On ne peut pas prétendre que les Juges de Thomas N. ont fait preuve d’une sévérité excessive.

Ce qui est plus intéressant, c’est le refus des Juges de 1ère instance de suivre le réquisitoire du Ministère public, demandant – sans véritable surprise – l’internement à vie, donc, on le rappelle, un enfermement thérapeutique sans possibilité même dans 10, 20, 30 ans ou plus, de pouvoir demander une libération. Il s’agit de la mesure la plus extrême prévue par la loi pénale. D’aucun la considère comme le retour de la peine de mort par la petite porte.

Sans véritable surprise, vraiment ? Dans ce genre de crime sordide, le Parquet souhaite-t-il ne pas heurter l’opinion publique, et se faire taxer de laxisme face à l’indicible ? Et donc force le trait pour satisfaire la cohorte des lyncheurs bien-pensants ? Ou veut-il tenter l’exploit de faire – enfin ! – passer une mesure que la plupart des pénalistes savent contraire au droit supérieur, du moins dans sa dimension sociale, quelque soit le pedigree ou l’inhumanité de l’assassin ? Pour mémoire, depuis qu’elle est entrée en vigueur, cette mesure ultime n’a pas trouvé grâce aux yeux des autorités de recours. Vaste question donc que de savoir ce qui trottait dans la tête de la Procureur qui a réagit très posément à l’annonce du verdict…

Un simple internement a donc été prononcé dans cette affaire, soit l’examen ultérieur, mais pas avant 20 ans tout de même, dixit les Juges, de l’évolution d’un personnage que les experts n’ont pas qualifié d' »irrécupérable », même si son profil fait froid dans le dos. Il n’est pas inutile de rappeler que cet internement « à l’ancienne » s’applique toujours à quelques détenus célèbres,comme celui qui fut surnommé le « sadique de Romont », et qui ne sont toujours pas près de respirer l’air de la liberté. Comme l’ont relevé plusieurs spécialistes, cette mesure est suffisante pour protéger efficacement la population.

Thomas N. n’est donc pas prêt de sortir, si les choses restent en l’état.

Et en cas de recours ?

Vraisemblablement, en tous cas par précaution, tant la défense que le Parquet vont annoncer un appel. Le condamné ne serait-ce que pour tenter d’exploiter une possible faille dans la motivation des premiers juges, pour autant qu’elle puisse lui être favorable et entraîner un allègement de la peine ou le renoncement à la mesure. Au vu de l’horreur des faits perpétrés, on voit mal comment d’autres Juges, même si les premiers se sont égarés sur quelques notions juridiques inexactes, pourraient arriver à une peine inférieure au maximum. Même chose pour l’internement.

Rien n’interdit ensuite à l’une ou l’autre des parties recourantes, ou les deux de retirer leurs appels une fois connues les intentions de l’adversaire.

Mais ce qu’il faut savoir, c’est que, si le Ministère public ne recourt pas, le condamné ne peut voir sa peine alourdie en seconde instance s’il est le seul à déposer un appel. Donc, autant tenter sa chance, même si elle est ténue. Et si le Parquet recourt, justement pour demander une aggravation de la mesure prononcé (la peine c’est inutile, il a fait carton plein), autant pouvoir se battre à armes égales contre lui et le contrer sur son terrain. La Procureure va-t-elle tenter d’obtenir un internement à vie, alors que le dossier médical ne va pas dans ce sens ? Cela paraît tout de même peu probable.

§ 3 réponses à Un internement « à l’ancienne »…

  • Rüf Antoine dit :

    Un ou deux petits bémols. Un internement à vie est effectif en Suisse, le condamné n’ayant pas fait recours (en tout cas pas jusqu’au TF). Dans le cas de Rupperswil, alors que la loi exige deux avis d’experts concordants concluant à l’incurabilité à vie, nous en avons deux qui concluent, au contraire, à la possibilité (longue, difficile, incertaine mais possible quand même). L’internement à vie paraît donc ici juridiquement impossible. De toute façon, dans ce cas, un internement simple assurera la même sécurité. A condition que l’expert qui sera nommé dans vingt ans ne se laisse pas abuser par les apparences de l’individu. Il y a des précédents…

    J’aime

    • MeFaire dit :

      Très juste ! Contrairement à ce beaucoup pensent, nos lois sont assez bien faites. Leur application a pu parfois laisser à désirer dans des cas spécifiques, isolés, malheureusement dramatiquement spectaculaires, ce qui ne veut pas dire que tout le système est bon à jeter. On a voulu une justice humaine, c’était un bon choix. Mais, il faut compter avec l’aléa et l’imperfection de la nature humaine, même si l’on prie pour l’éviter…

      J’aime

      • Rüf Antoine dit :

        Le problème, c’est les Chambres fédérales qui, sou la pression de l’émotion populaire, interviennent dans l’horloge du droit pénal avec des mains et des outils de forgeron, mais sans en avoir la toute la délicatesse. Avec des résultats parfois d’une jolie absurdité. L’abominable assassinat de Rupperswil en offre un très joli cas théorique: si l’auteur n’en avait été identifié qu’après le délai de prescription de trente ans, il n’aurait plus pu être condamné que pour les actes d’ordre sexuel commis sur un mineur, mais pas pour les quatre assassinats, pourtant plus graves. Ô hiérarchie des biens juridiques protégés, ô mânes de Hurtado, ô fondements du sentiment de justice, pardonnez leur, car ils ne savent ce qu’ils font…

        J’aime

Vous pouvez laisser ici un commentaire...

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.

Qu’est-ce que ceci ?

Vous lisez actuellement Un internement « à l’ancienne »… à MeFaire.

Méta

%d blogueurs aiment cette page :